Une grossesse indésirable.

« Emma. Elle s’appelle Emma. »  

Mais le temps faisait les choses.

Ce doigt fin, à l’allure maternelle, reposant dans le creux d’une si petite main, et qui laissait voir cette ficelle éternelle, liant mère et fille à tout jamais. Ce regard empreint de chagrin et d’amour irréversiblement rivé vers le nourrisson aux yeux d’un vert émeraude, si éclatant qu’il laissait déjà deviner le petit rayon de soleil que serait cette enfant aux yeux du monde. Confortablement emmaillotée dans un linge blanc, dégageant cette fragrance si pure, particulière aux nouveaux-nés, la dénommée Emma observait de ses prunelles agitées, ce monde qu’elle avait désormais rejoint, calée dans le creux d’un bras protecteur.

Une douleur irrépressible à la vue de son petit bébé.
À l’annonce d’un amour dont elle ne pourrait profiter.

« Emma … ma petite Emma … »

Prononcer son nom ne faisait qu’alourdir le poids de ses tourments.

Sienna, c’était ainsi qu’elle s’appelait.

Comment de simples sentiments amoureux avaient pu mener à une telle fatalité ? Le topos d’un amour contrarié. N’avait-il pas été une erreur naïve de sa part, de croire que sa liaison avec un né-moldu, elle, sorcière descendant d’une fière lignée de Sang-Purs, aurait pu fonctionner ? Lorsque sa famille, très attachée au respect de la tradition consistant à conserver une noble descendance, apprit qu’une telle tragédie se profilait, ils prirent soin de mettre un terme à leur relation de manière radicale, par le biais de moyens perfides : pressions sur Sienna, pauvre Sang-Pure aveuglée par son amour, tentatives d’éloignement du jeune homme, cette nuisance née de parents moldus, abus psychologiques sur ce dernier à travers des remarques humiliantes et dénigrantes quant à son sang jugé impur.

En dépit de l’amour qu’ils se vouaient mutuellement, ils ne purent tenir bien longtemps.
Il fut le premier à rompre cette relation. Ils se séparèrent pour de bon.
Sienna, suite à tout cela, fut saisie par une grave dépression.

Elle fut internée en hôpital psychiatrique de plein gré, lorsqu’on lui fit comprendre que son état mental s’aggravait de jour en jour. L’abus moral subi durant sa liaison avec son amant avait eu, sur elle, des conséquences menaçant gravement sa santé. Et ce ne fut qu’alors que Sienna prit connaissance, en pleine rééducation, de ce petit être qui se formait progressivement dans son ventre, et qui la lierait éternellement à cet homme qu’elle n’avait pu aimer librement. Et à peine lui eut-on annoncé sa grossesse, qu’elle demanda à être placée sous protection, compte-tenu de la menace que représentait sa famille pour son petit être à venir, et qui serait jugé illégitime, de par sa nature de sang-mêlé.

À sa demande, Sienna fut gardée en lieu sûr, transférée dans un hôpital bien loin de l’Écosse, en Angleterre, tenue à l’abri du jugement de sa famille. Les mois défilèrent, et Sienna se rétablissait peu à peu. Sa guérison progressive lui venait sans aucun doute de cette petite fille à qui elle se plaisait, chaque soir, à lui conter de petites histoires. À lui chantonner de douces comptines. Une main maternelle posée sur ce ventre rond, attendant avec impatience sa venue au monde.

Tout en sachant que cela ne durerait pas.

Une douce pression fut exercée sur son doigt reposant toujours dans cette paume si petite. Elle s’apprêtait à lui faire ses adieux.

Sa famille finirait par être tenue informée. Sienna ne leur échapperait pas éternellement. Emma serait tenue à l’écart de par son sang qui tâchait leur lignée. Elle serait perçue comme l’intruse au milieu de tous. Et même si Sienna décidait de prendre ses distances avec sa famille, elle vivrait constamment dans la peur de voir sa fille menacée. Et Sienna ne voulait certainement pas d’une telle vie pour son enfant.

Ou, plus sincèrement, elle ne se sentait pas capable de le supporter.

Elle manifesta son souhait, bien que douloureux, de se séparer d’elle, à peine fut-elle venue au monde.

Sienna formula une ultime requête bien particulière. Une vieille amie qu’elle avait connue durant sa jeunesse, désormais directrice d’un orphelinat sorcier du nom de Grace Field House, fut contactée. La seule femme, sans aucun doute, en qui elle pouvait avoir pleinement confiance à présent. La directrice à l’air austère se tenait debout dans la chambre d’hôpital de son amie, et même face à une expression aussi ferme, Sienna sourit. Elle la connaissait bien, et l’entendre accepter aussi vite de prendre sa petite Emma sous son aile pour les années à venir fut suffisant.

« Isabella … merci. »

Sienna ne put se résoudre à la quitter maintenant.
Elle attendit qu’Emma plonge dans un sommeil, pour se séparer d’elle.


« Eeeeeeemmaaaaaa ! ~ Tu m’attraperas pas ! ~ »

Ni une, ni deux, une petite rouquine à l’air espiègle bondit à la manière d’une véritable gazelle, se servant des chaises comme appui, pour poursuivre ses camarades de jeu. Avant que la gérante de l’orphelinat, plus communément appelée « Maman » par tous les enfants, ne leur demande gentiment de s’amuser à l’extérieur. Les rires et les cris joyeux se mêlaient au sein du bâtiment, laissant deviner l’atmosphère chaleureuse qui y régnait, sous le regard bienveillant d’Isabella, celle qui assurait leur protection.

Si l’on portait notre regard sur Emma, cette petite seulement âgée de cinq ans, si solaire, vive et profitant pleinement de la vie, l’on peinerait à croire cette triste histoire l’ayant précédée, et les conditions révoltantes dans lesquelles elle a pu naître. Isabella avait tenu à remplir son rôle à la perfection, et, plus encore, elle les considérait, tous, comme ses propres enfants comme si elle les avait mis au monde elle-même. En cherchant à respecter la volonté de sa chère amie, elle finit par considérer la petite comme sa propre fille.

À son arrivée à l’orphelinat sorcier Grace Field, situé en Angleterre, à Londres, Emma s’était révélée être l’une des plus jeunes, accompagnée de deux autres garçons plus âgés qu’elle de quelques mois à peine : Norman et Ray. Ils formaient, aujourd’hui, un trio absolument inséparable. L’un apportait un peu de sagesse et de pragmatisme, l’autre un peu de calme et de douceur, et nous avions Emma au milieu, la joie et la bonne humeur. Ils étaient rarement vus l’un sans l’autre, et tous les trois étaient perçus comme les figures aînées ayant pour rôle de veiller sur les plus jeunes. Il était fréquent d’apercevoir Norman et Emma organiser des jeux avec les plus petits, tandis que Ray préférait profiter d’un coin tranquille, un livre à la main.

« RAY, ça te tuerait de venir jouer avec nous une fois dans ta VIE ?! » lui criait-elle, lorsqu’il refusait trop souvent ses propositions.

Ils vivaient ensemble, une trentaine d’enfants, heureux, profitant d’une enfance qu’Isabella essayait de rendre la plus normale possible, comblant leur manque de figure parentale en endossant le rôle de Mère pour tous.  

Une attention toute particulière était accordée à Emma. Cette petite chez qui l'on décelait une innocence enfantine, un espoir et une foi inébranlable en chacun, et surtout, un amour indéfectible qu’elle éprouvait pour chaque membre de sa famille, aussi grande soit-elle. Cette petite qui n’avait pas été bénie par la Fortune, mais qui trouvait toujours le moyen de sourire à la vie. Emma n’avait jamais cherché à connaître les raisons pour lesquelles ses parents étaient absents et c’était, sans l’ombre d’un doute, ce qui faisait là toute sa particularité : elle ne s’embêtait pas à fouiller indéfiniment le passé, ou à songer à l’avenir. Elle vivait l’instant présent, le saisissait et le rendait mémorable. Profitait de ce qui lui était donné et savait s’en contenter. Et lorsque ses amis lui demandaient ce qu’elle ferait une fois qu’elle aurait quitté l’orphelinat, au milieu des rêves, des inquiétudes et des ambitions des autres, Emma était la seule à répondre :

« Mhhhh je sais pas … Moi ça me plait d’être ici, à Grace Field ! »

Petite, elle disait vouloir chevaucher une girafe.

Emma était une enfant prometteuse. Son QI n’égalait pas celui de Norman ou Ray, véritables surdoués, mais elle savait travailler dur pour demeurer à leur niveau, et finissait toujours par obtenir des résultats aussi excellents que les leurs. Elle démontrait de grandes facilités d’apprentissage ainsi qu’une mémoire admirable (du moins, lorsqu’elle était motivée). À côté de cela, Emma témoignait une véritable passion pour le sport, en prouvant des capacités physiques impressionnantes  C’était surtout dans ce domaine là, qu’Emma savait se démarquer des autres. C’était avec une assiduité presque religieuse qu’elle suivait chaque match de Quidditch diffusé à la télévision, et rêvait de pouvoir le pratiquer à son tour. Emma n’hésitait pas à faire participer les membres de sa petite famille en organisant diverses activités sportives, profitant ainsi de chaque instant dont elle pouvait bénéficier en leur compagnie. Elle ne s’en lassait pas, et ne s’en lasserait très certainement jamais.

Et il s’agissait probablement là d’un point important à noter chez notre petite Emma. Quand bien même elle pourrait prétendre ne pas être affectée par cette absence de parents dans sa vie, force était de constater qu’elle avait comblé ce manque grâce à ses camarades de l’orphelinat ainsi qu’à sa Maman et l’amour qu’elle leur portait. Inconsciemment, Emma avait cherché à remplir ce vide, et c’était la raison pour laquelle elle leur était si attachée. Elle endossa à son tour, très vite, le rôle de grande sœur, déterminée elle aussi à assurer la protection de ces petits qui représentaient sa Famille, et qu’elle ne supporterait pas de perdre. Et lorsqu’elle avait des doutes, ou qu’elle était en proie à des inquiétudes qui pouvaient saisir tout enfant, elle avait pour réflexe de se tourner immédiatement vers Isabella. Sa seule figure maternelle qu’elle chérissait tant.

Au fil des années, Grace Field gagna en popularité, accueillant de plus en plus d’enfants abandonnés en son sein. Cette hausse de renommée impliqua l’engagement de nouveaux membres rejoignant le personnel, et participant ainsi à la surveillance des petits. Emma grandissait ainsi dans ce microcosme familial, sans grand changement notable, sans jamais rien qui vint ébranler cette vie paisible. Et ce fut à ses neuf ans qu’un évènement bien particulier survint, et lui marqua la mémoire.

Une simple sortie en extérieur, demeurant toujours dans la zone sorcière de la ville. Ce n’était pas inhabituel, ils avaient pour habitude de sortir chaque week-end dans un parc, sous la surveillance d’Isabella. Il s’agissait toujours là d’un moment agréable, partagé en famille. Cette fois-ci, seulement, deux petites âgées de quatre et six ans, Conny et Jemima, avaient imaginé qu’il serait amusant de s’aventurer dans une petite forêt avoisinant le parc, profitant d’un instant de distraction de leur Maman pour s’éclipser. Leur absence fut très vite remarquée, alors que le soleil commençait à décliner.

Emma ne se remémorait pas exactement ce qui avait pu lui traverser l’esprit en apprenant que les deux manquaient à l’appel.
Ni comment elle s’était retrouvée, en un bond, à l’intérieur des bois.

Elle se souvenait d’Isabella hurlant son nom, espérant la retenir.
Mais Emma ne songeait qu’à ces petites.

Emma rencontra, dans sa course hâtive, Little Bernie, peluche particulièrement affectionnée par Conny. Elle sut alors qu’elles n’étaient plus très loin. Elle les trouva quelques minutes plus tard, dissimulées derrière des buissons. Mais leurs mains plaquées contre leur bouche comme pour se retenir d’émettre le moindre son et leur air apeuré suscitèrent en elle une inquiétude redoublée. À la vue d’une immense et hideuse créature à quelques mètres à peine, adossé contre un arbre, visiblement endormie, Emma compris que si Conny et Jemima n’avaient pas bougé, c’était par crainte de sortir la bête de son sommeil.

Elle ne prétendra jamais ne pas avoir eu peur, à cet instant là. Une créature dangereuse se dressait face à elle, la surplombait de plusieurs mètres, et face à lui, Emma se sentait si petite. Il aurait été plus simple de se laisser pétrifier par l’effroi, ne pas bouger tant que le Troll des forêts dormait, et attendre que quelqu’un ne vienne les chercher. Qu’aurait-elle pu espérer tenter contre lui, seule ? Isabella les avait initié à la magie, au monde sorcier, mais aucun des enfants n’avait encore vu ses pouvoirs s’éveiller jusqu’à maintenant. De même, un seul faux-pas, et il risquait de les prendre en chasse. Était-ce suffisant, pour qu’Emma se résolve à demeurer ici, sans rien faire ? Certainement pas. La probabilité que le Troll se réveille maintenant n’était pas à négliger. Et il lui suffit de laisser son regard glisser en direction des petites, tombant sur leur visage déformé par la peur, pour que sa volonté ne se durcisse, et qu’elle ne décide de les sortir de là elle-même. L’adrénaline lui fit oublier toute inquiétude l’espace d’une seconde : les filles étaient là, saines et sauves, et Emma les ramènerait auprès d’Isabella.

D’où Emma tirait-elle sa force ? Encore et toujours de l’amour qu’elle éprouvait pour sa famille.

Elle prit Conny, la plus petite et celle qui semblait être la plus en proie à la peur, dans ses bras, tandis qu’elle tenait fermement Jemima par la main. Par sa seule présence auprès d’eux, Emma parvint à les rassurer et à les convaincre de leur possibilité de s’en sortir, si tant est qu’elles acceptaient d’y mettre du leur, malgré l’effroi. Cette figure sororale qu’Emma représentait pour elles les avaient déjà mises en confiance, et elles finirent par se laisser guider. Elle n’eut aucune difficulté à retrouver sa route dans les chemins sinueux des bois : elle y était accoutumée, et elle pouvait remercier ses facultés de mémorisation accrues. Au grand soulagement de tous, les filles furent amenées sans la moindre égratignure, et sans danger.

Isabella avertit aussitôt les autorités sorcières, les informant de la présence inhabituelle d’une créature magique dans la forêt, avant que les trois petites inconscientes ne se fassent réprimander.

Encore une fois, Emma avait foncé sans réfléchir.
Mais pour la première fois de sa vie, elle avait cru les perdre.
Pour la première fois de sa vie, elle avait compris ce qu’était la peur.
Confrontée à la réalité, la possibilité que sa famille soit mise en danger existait réellement.  

Un évènement sans conséquences et qui, pourtant, hanta les traversées nocturnes de la future sorcière durant plusieurs semaines. Ce fut lors d’un énième cauchemar, tâché d’un rouge sang qui lui revenait bien trop souvent, qu’elle se rappela ce sol tapis de fleurs écarlates qui se dressait sous ses pieds, lorsqu’elle s’était lancée à la recherche de Conny et Jemima. Associées à cet incident, elle ne pouvait plus jeter ne fut-ce qu’un coup d’œil en direction de ces Lycoris Rouges, qui lui inspiraient désormais une peur effroyable.

Emma ne s’était jamais interrogée sur sa plus grande crainte, celle qui lui ferait perdre toute envie de vivre. Maintenant, elle la connaissait.

Dès lors, son désir de devenir une véritable figure protectrice pour eux se renforça davantage, et elle fut prise d’une admiration sans faille pour ces sorciers occupant la fonction d’Auror, vrais défenseurs des autres. Elle  attendit avec une impatience redoublée la manifestation de ses pouvoirs magiques, espérant pouvoir, à son tour, protéger ceux qui lui étaient chers. Éviter à tout prix ce genre d’incidents de nouveau, à l’avenir. Ne plus jamais voir la peur sur leur visage. C’était un objectif qu’elle s’était mise en tête, et dont on ne saurait la dévier.

L’on finit par retrouver la Emma que l’on connaissait tous au bout de quelques jours. Elle s’était découverte sa plus grande peur, qui lui ferait certainement office d’Épouvantard, et en ressortit plus mûre, mais aussi plus forte et déterminée.

L’annonce de sa nature de sorcière se fit quelques mois plus tard, toujours âgée de neuf ans, d’une manière qui lui seyait à merveille. Elle jouait à cache-cache et songeant à faire diversion pour détourner l’attention de Ray qui s’apprêtait à découvrir sa cachette, par sa seule force mentale, elle fit claquer une porte à quelques mètres, sans même savoir par quel moyen. À peine eut-elle senti cette première manifestation de ses pouvoirs, qu’elle quitta sa cachette, et s’empressa d’en informer Isabella. Consciente de la volonté d’Emma de se renforcer, la directrice de Grace Field contacta aussitôt un sorcier nommé Alex Mikhaylov, l’une de ses vieilles connaissances, auparavant Auror, maintenant à la retraite. Elle lui formula alors une requête bien particulière : se charger de l’éducation magique de l’orpheline, future Auror en devenir. Sans pour autant songer à un potentiel départ pour une école de sorcellerie.

Obnubilée par son objectif, Emma passait le plus clair de son temps avec Mikhaylov, qui lui enseignait les bases essentielles de la sorcellerie, l’histoire de la magie et les sorts qu’elle se devrait d’apprendre à maîtriser si elle souhaitait atteindre son but. Rien qui lui parut insurmontable, Emma n’était pas prête de reculer. Elle travaillait dur, donnait le meilleur d’elle-même, tout en continuant de profiter de la présence de ses amis qui lui étaient si chers. Mikhaylov ne pouvait retenir un rire, cela dit, lorsqu’il voyait la petite rouquine se laisser emporter par le sommeil à peine le cours d’histoire de la magie entamé. Ce n’était pas faute d’avoir essayé de s’y intéresser !

Et le temps renforça la relation d’une élève et de son professeur : elle se lia d’une véritable amitié avec l’Auror. En plus de lui inspirer force et courage de par son ancienne fonction, de lui apprendre les principes fondateurs du monde sorcier, Alex Mikhaylov se révéla être, par-dessus tout, un vrai soutien moral pour elle. Un soutien qu’elle n’aurait jamais songé à rechercher un jour. Il l’encourageait dans ses objectifs, l’avertissait des potentiels dangers qu’elle pourrait rencontrer. Il protégeait cette petite, tandis qu’elle était déterminée à devenir assez forte pour protéger les autres.

Cette petite aussi dont les rires comblaient en lui le manque dû à l’absence de sa fille défunte.

Emma en apprit davantage à son sujet, au cours d’une énième discussion, davantage portée sur leur vie personnelle que sur les enseignements magiques. La découverte d’une solitude due à la mort de sa femme et de sa fille dans un accident. Alex avait poursuivi sa fonction d’Auror malgré le chagrin et le vide qu’il ressentait dans son quotidien. Rencontrer Emma fut, sans l’ombre d’un doute, la première bénédiction dont il fut gratifié depuis de longues années.  

Emma se questionnait sur la présence d’une figure paternelle dans sa vie.
Ce sentiment s’assimilait-il à celui qu’elle ressentait en présence de Mikhaylov ?
Ce besoin de lui montrer ce qu’elle avait accompli. Recevoir son approbation. Voir son regard empli de fierté. L’entendre la rassurer lorsqu’elle était en proie à des inquiétudes. Partager un repas en sa compagnie. Partager un paquet de pop-corn devant un match de Quidditch à la télévision. Combler sa solitude en devenant une épaule sur laquelle il pourrait, lui aussi, se reposer. Il était devenu un être cher qu’elle s’était jurée de garder près d’elle.

Ce fut une année plus tard, aux dix ans de la petite, qu’il lui soumit la possibilité de la prendre définitivement sous son aile, en tant que figure paternelle.

Emma fut adoptée le jour de son anniversaire, sous le regard bienveillant d’Isabella, heureuse de voir se dessiner sur ses lèvres un sourire plus rayonnant que jamais.

Quitter l’orphelinat, cela dit, se révéla être une tâche particulièrement difficile. Déchirante. Elle ne se séparait pas de ses amis, ni de celle qu’elle considérait comme sa Maman, comptant bien leur rendre visite autant que possible. Elle demeurerait à jamais attachée à Grace Field House, ce lieu qui était devenu son foyer. Et elle continuerait de poursuivre ses efforts pour assurer la protection de ceux qu’elle considérait comme sa Famille.

« Au revoir, Grace Field House.
Au revoir, mon foyer que j’aimais tant.
Au revoir, Maman. »

Ce n’était pas un adieu. Certainement pas.


Emma avait gardé contact avec tous ses amis, notamment Norman et Ray, à qui elle écrivait régulièrement. Elle leur rendait visite à chaque fois qu’elle en avait la possibilité, et participait aux sorties organisées en extérieur. Tout comme eux qui étaient les bienvenus dans la maison de Mikhaylov, et qui les accueillait à bras ouverts. Et ce fut quelques mois avant les onze ans d’Emma, qu’Alex Mikhaylov reçut les formulaires d’inscriptions pour Ilukaan, une école de sorcellerie située au Canada, accompagnés d’une présentation détaillée de l’établissement et de ce qu’il proposait à ses futurs élèves.

« Voudrais-tu la rejoindre, Emma ? »

Les jours, les semaines de réflexion furent longues. Parviendrait-elle seulement à se détacher des siens, pour partir aussi loin ? De par le large panel de matières proposé par Ilukaan, Emma était pleinement consciente du fait que si elle souhaitait atteindre ses objectifs, acquérir cette force qui lui servirait à protéger ceux qui comptaient tant pour elle, alors elle devrait faire fi de ses sentiments. Ce n’était que pour quelques années … n’est-ce-pas ? Elle en reviendrait plus forte. C’était ce qu’elle ne cessait de se répéter. Elle était prête à tout pour y parvenir. Alors, au bout de plusieurs jours passés à ruminer, Emma finit par accepter.

Elle informa Norman et Ray de son départ, puis les plus petits. Isabella fut tenue informée par Mikhaylov.


Emma se fit remarquer à peine entrée à Ilukaan.

Un cri de joie si puissant lui échappa lors de la cérémonie de répartition, que tous les regards furent braqués sur elle une seconde. Avant qu’elle ne s’excuse aussitôt, pour courir en direction de ces silhouettes qui lui étaient bien trop familières.

« Pourquoi vous m’avez rien dit ?! » reprit-elle d’une voix un peu plus basse qu’elle essayait de maîtriser, malgré l’enthousiasme qui marquait son ton.

Norman et Ray durent la rattraper au vol, puisqu’elle s’était jetée sur eux sans la moindre retenue. Visiblement, ils avaient tenu à lui faire la surprise jusqu’à ce qu’elle n’intègre l’école de sorcellerie. Plus heureuse que jamais à l’idée de poursuivre des années riches et pleines d’aventures à leurs côtés, Emma peinait à réprimer son large sourire.

Quinze belles années derrière elle à présent, Emma s’était définitivement adaptée à ce nouvel établissement, qui était devenu, pour elle, une troisième maison. Elle continuait d’afficher ce comportement badin, empreint de candeur et d’innocence, sans pour autant se départir de cette force qui caractérisait tant son regard. Elle continuait de courir dans les couloirs, poursuivant ses petits camarades avant de se faire réprimander par un enseignant qui passait par là, sans pour autant oublier ses objectifs. Elle continuait de nourrir sa passion pour le Quidditch en tant que Poursuiveuse de l’équipe Lupy, démontrant sa force physique, sans pour autant oublier que son but était de devenir Auror pour protéger ce qui comptaient tant pour elle.

Elle avait toujours tout eu pour être heureuse.
Peut-être n’avait-elle pas été bénie par la Fortune à sa naissance.
Mais elle avait eu la chance de grandir au milieu d’un foyer aimant.
Et l’amour qu’elle éprouvait pour sa famille était, sans l’ombre d’un doute, sa force motrice.
Celle qui la poussait vers l’avant.

(c) Ilukaan