Son crayon tapote la feuille de son carnet. En corrigeant les détails de sa pièce pour noël- dernier caprice fou en date; la brune a l’impression de passer à côté de quelque chose d’important. En face, sur les marches d’un escalier servant de scène improvisée, les candidats défilent pour postuler aux rôles. À sa droite, sa co-productrice anime les auditions, tandis que perplexe, l'interprète du rôle principal -notre protagoniste bien sûr; n’offre que peu d’attention aux participants. Aucun ne l’inspire pour ses répliques, si elle veut bien ne pas faire de caprice comme promis pour le choix des artistes secondaires, en ce qui concerne le second principal, son partenaire, elle sera intraitable, c’est le deal !
Il est bien celui-là non ? En plus il est mignon…
Murmure vain de la metteur en scène, Dorothea a décrété que le héros serait roux. Pourquoi ? Pourquoi pas, c’est son mois du roux point final, en plus elle adore les citrouilles, les carottes et les clémentines, de quelle couleur sont-elles hein ?!! Et toc. C’est comme ça qu’elle a imaginé le personnage au moment où elle l'a créé et refuse d’en démordre. Puis un vrai roux de surcroît, sinon, cela ne compte pas. Dans son script, il a quelques mimiques et maintenant que les participants défilent - ils ne sont pas légion non plus à leur plus grand damne; Dorothea a la sensation d’avoir déjà vu un semblant de ce qu’elle recherche aujourd’hui.
En pleine audition, elle se lève et s’éloigne sans prêter attention à sa comparse qui hurle plus qu’elle ne s’adresse à elle en la sommant de revenir travailler. Dommage, Dorothea ne sait se concentrer que sur une chose à la fois, en l'occurrence là : son idée. Dans l’enceinte de Ilukkan, sa silhouette prend des airs de prédateur, elle déambule au hasard, explore la zone du regard, traque assidûment les rouquins et les toise de loin pour leur trouver ou non un intérêt. L’heure passe… puis la demi-journée. Aucun n’a trouvé grâce à ses yeux. Mais alors qu’elle va abandonner, le destin capricieux lui jette en pâture le pauvre Lupy ayant eu le malheur de se mettre à portée de sa vue.
La brune ne met aucune forme pour le reluquer, pas son genre de faire dans la discrétion et ne le connaît pas, mais est presque sûre de l’avoir déjà croisé, d’où cette idée précise de savoir ce qu’elle cherchait, car aucun doute, non aucun, il est exactement comme le type qu’elle a dans sa tête pour sa pièce ! Physiquement du moins. Ni d' un, ni de deux, elle a déjà mis fin à la distance qui les séparait et sans dire un mot, toute concentrée, la voilà déjà en train de presser sur le biceps du jeune homme pour en vérifier les proportions. Son attitude cavalière n’est pas une première, faut dire que quand elle est dans son monde, elle a tendance à oublier les règles de celui qui l'accueille. Pour le moment, elle ne porte pas attention à la réaction de sa proie, ce n’est qu’en fixant son minois au regard froncé qu’elle le valide et décide de lui porter un intérêt à partager. Ils ont presque la même taille, mais les dix centimètres de talon de la fille lui permettent de le surplomber un peu quand ils se trouvent nez à nez, presque littéralement. Elle a complètement envahi son espace vital…
Tu es tout simplement parfait. Exactement comme je t’imaginais. - Elle sourit radieuse, sans se soucier qu’en face, il ne doit rien comprendre de ce qu’il se passe - Je t’ai cherché si longtemps.
En faire des tonnes, c’est son dada et les larmes de crocodiles, d’une joie surjouée, ne tardent pas à inonder ses joues. Sacrée numéro cette fille-là qui glisse ses mains dans celles de sa victime. Ses grands yeux se fixent alors dans ceux du roux, elle sonde sa réaction, mais ne démord pas de son objectif. De sa voix la plus mielleuse, elle se veut sirène désormais.
Accepteras-tu de venir en aide à une fille désespérée ? Seras-tu mon héros ?...
Ne serait-il pas temps de lui parler de cette histoire de scène ? Mais non, elle commence à peine à s’amuser voyons.
Tu acceptes n'est-ce pas ? Le temps m'est compté, il faut que nous partions tout de suite.