Bien qu'on le qualifie constamment de clown, et qu'il se qualifie tout autant comme tel, Kokichi était loin d'être idiot comme un bouffon. Au contraire, il avait remarqué, avec beaucoup de temps et de rencontres accidentelles sans échange verbal dans les corridors, qu'une certaine fille de sa maison avait non seulement tendance à avoir des réactions amusantes, mais aussi à lui adresser des œillades étranges de temps à l'autre.

Et il n'était pas le genre de personne à remarquer quelque chose et à ensuite ne pas en profiter. Surtout pas quand l'opportunité lui était pratiquement donnée.

C'est donc un beau matin de novembre qu'une super idée lui vint en tête. Oh, une idée innocente, certes, car techniquement, il ne comptait rien faire de mal... Juste être énervant. À la fin de son cours d'Histoire de la Magie, il rentra dans les dortoirs Strixyst, un sourire malicieux aux lèvres. Une joie maléfique portait ses pas gambadés avec cet entrain enfantin que seul lui arrivait à exprimer aussi naturellement à presque 20 ans.

Il rentra dans sa propre chambre, sobrement décorée de masques de cheval, de canards en plastique et de beaucoup de cauchemars de la part de ses colocs. Sans attendre, il récupéra un stylo gel violet à paillettes, puis un bloc-notes.

Les mots lui vinrent vite. Très vite.

« J'ai enterré les preuves :)
- Kokichi Oma. »

Son petit rire, caractéristiquement équin, lui échappa. Satisfait de son tour, il rangea son outil, attrapa son scotch, et sortit de ses quatre murs préférés pour trouver l'humble maisonnette de sa victime du jour.

C'est ainsi que ce mot fut accroché sur la porte de Kainé Doherty.

Pourtant, sa blague ne pourrait pas s'arrêter à lui faire peur avec des mots vides. Non, il ne savait même pas que sa camarade de classe avait un réel secret à cacher. Pourtant, en espérant recevoir sa visite au cours de l'après-midi, il était parti au parc, et avait sorti une toute légère et fragile pelle en plastique de la remise. Heureusement seul, il s'était mis au travail.

Ça lui prit une grosse demie-heure, mais le clown avait retourné la terre à six endroit différents, assez profondément, sans rien enterrer. Juste pour lui donner l'illusion qu'il avait peut-être fait quelque chose de mal. De grosses gouttes de sueur coulant tout le long du front, il décida de s'accorder une pause, allant ranger son instrument et allant chercher la machine distributrice la plus proche pour se payer un délicieux et froid Fanta raisin. Sa boisson préférée. Après un si dur labeur, il l'avait méritée.

Sa marche pour revenir au parc était relaxée. Un bras plié derrière la tête, une expression calme, et une démarche nonchalante l'accompagnaient tous dans son escapade sur le lieu du crime. Enfin, de son propre crime, car c'était le seul qui avait été commis, dans toute cette sordide - et stupide - histoire.

Une fois les arbres et la pelouse à proximité, ses grands yeux de fils de pute aperçurent une silhouette qu'il attendait. Oh non, il était en retard, hein... Dommage. Ça ne l'empêcherait pas de s'amuser. Une dernière grosse gorgée de soda, puis il referma la bouteille et jogga vers la demoiselle, creusant partout sans cohérence comme une vieille dame qui voulait entamer son tout premier potager.

« Kainé-chan ! Je t'attendais. Tu as trouvé les preuves ? Attention, elles sont bien cachées. »

Son sourire s'étira, lui donnant un air de gros salaud qui aimait la voir galérer. En effet, il s'amusait déjà bien, alors qu'il ne la connaissait absolument pas, et ne savait pas du tout quelles conneries il pourrait inventer si elle lui demandait les preuves de quoi. Il bullshitterait, comme toujours. Un menteur expérimenté comme lui saurait bien inventer un truc assez gros pour que ça passe, et pour qu'elle continue à fouiller.

L'impact de la pelle sur le sol était puissant. La jeune femme avait un air féroce dans le regard, sûrement amplifié par la poussière décorant ses bras et le bas de ses jambes. Normal, à force de retourner de la terre à la recherche d'un trésor perdu - et inventé de toutes pièces. Oh, les barres qu'il allait se taper quand elle allait réaliser...

Malgré l'agacement - non, l'énervement très, très apparent de sa camarade, Kokichi resta complètement de marbre. Au lieu d'adopter une poker face neutre, il adopta un sourire, qu, selon ses estimations, aurait pour don de l'énerver encore plus, pour l'avoir utilisé sur Momota-chan et Scott-chan très souvent ces dernières années.

Le petit surnom eut même pour effet de lui arracher un court rire. Il en avait entendu, des Cockichi. Une petite variante dans l'insulte lui faisait pratiquement plaisir. Après tout, ça n'avait jamais été quelqu'un qui aimait la routine et la répétition.

Lui péter les genoux ! La pensée était gentille, et lui fit pencher la tête, un air presque amusé étirant ses traits de petite pute.

« Hmmm... Non ! C'est pas amusant si je joue au jeu que j'ai moi-même préparé, tu sais... J'espère que tu comprends ça. »

L'index de sa main libre se posa sur le bas de son menton dans un geste qui se voulait adorable, et qui l'aurait été dans tout autre contexte. Pas dans celui-là. La réaction colérique de Kainé le rendait absolument hilare, malgré les menaces crachées à sa face. Ça ne le dérangeait absolument pas, il y était habitué, après tout. Les mots méchants ne l'atteignaient même plus à force d'en entendre encore et encore.

La virulence des mots qu'il entendait donna de petites envies à l'ancien préfet de s'amuser encore un peu plus. Avant qu'elle continue à creuser, et réalise qu'il n'y absolument rien dans ce parc. Sûrement qu'elle avait un truc important à cacher, si elle réagissait autant, hein... Ça avait beau l'intéresser, il se dit qu'il investiguerait à son propos un autre jour, quand elle ne le regarderait plus avec une envie de l'étriper avec ses propres molaires.

« Allez, fouille ! Je te regarde faire. » La phrase en trop, très probablement, et sa préférée de toute cette petite conversation sans queue ni tête.

Sur ces mots, il ouvrit à nouveau son Fanta, et le but. De cette façon, il montrait très bien qu'il comptait uniquement se tourner les pouces et la laisser travailler toute seule. La demoiselle n'allait pas lui jeter sa boisson à la gueule si vite, de toute façon. Du moins, il ne croyait pas, donc il prenait des chances, petite merde fière de lui qu'il était.

Les yeux ardents de Kainé le transperçaient avec une envie de violence qu'il avait rarement vue au fil de sa scolarité ici. Pourtant, la saveur sucrée de son Fanta faisait étrangement bien passer la pilule. Il n'avait même pas envie de partir. Au contraire, plutôt. Plus elle était en rogne, plus ce démon se sentait satisfait, comme si sa mission de créer le chaos et la discorde était accomplie.

La tirade de son interlocutrice eu pour don de l'intéresser. Pas de lui faire peur, car les mots ne l'affectaient plus, dans le domaine de la violence. Pour lui faire réaliser qu'on était sérieux, les petites claques sur chaque joue étaient beaucoup plus efficaces. Puis, un coup dans le ventre, avec les parties protubérantes des phalanges.

S'imaginer le crâne fracturé, le cerveau en ragoût et les yeux éclatés aux intérieurs répandus partout comme le plastique d'un ballon brisé lui faisait beaucoup penser à une torture de film d'horreur. Bien que crue et un peu nauséabonde, l'image lui arracha un nouveau rire - plus long et évident cette fois, bien loin des petits éclats qu'il laissait sortir quelques instants plus tôt.

« Oh, tu as de l'imagination ! Mais, dommage pour toi, Kainé-chan, on me menace de façon encore plus méchante au petit déjeuner. Plus de chance la prochaine fois, huh ? »

Du dos de la main, il essuya une larme invisible qui lui perlait au coin de l’œil, tant cette blague le distrayait. En plus d'être un génie du mal, il se croyait désormais également maître humoriste. Pas clown, humoriste.

Ses barres se calmèrent très vite quand la pelle fut lancée en sa direction, accompagnée d'une énième menace.

Bien sûr, il n'allait pas le faire. La demoiselle, peu importe ses gros mots et ses descriptions graphiques de la façon dont elle allait l'achever, lui faisait aussi peur qu'un chaton dans la rue. Même que, comme un chaton, elle le rendait heureux. Car elle l'amusait. L'humanité était une bande d'acteurs, et sa colère était son spectacle.

Voulant continuer un peu sa provocation gratuite, le Japonais enfonça sa bouteille à moitié entamée dans la poche de son pantalon violet. Puis, il fit semblant.

Ses iris se posèrent sur ses mains, qu'il fit trembler, avec un peu de volonté. Arquant ses sourcils sous la force d'une fausse peur qu'il commençait tout juste à exprimer, il s'arrangea pour grimacer légèrement. Son changement d'attitude était soudain, c'était très facile de déceler son petit jeu - mais il s'amusait. Plus que tout, il s'amusait.

Kokichi se pencha donc, laissant ses bras tanguer mollement pour accentuer son air chétif, et attrapa l'outil qu'on lui avait plus ou moins lancé à la gueule. Refusant de laisser son regard croiser celui de sa victime à nouveau, il parla, baissant son ton, doux et hésitant comme quelqu'un au bord des larmes.

« O-oui... Oui madame... »

Puis, il enfonça l'extrémité en métal de la pelle dans la terre, à un endroit que ni elle, ni lui n'avait encore retourné aujourd'hui. Il creusa un trou. Un petit trou, et créa à côté de lui un petit tas de terre, où il plaçait le surplus. Puis, ses lèvres s'étirèrent en un rictus amusé, et, au lieu de verser sa prochaine pelletée dans le tas, il la jeta sur Kainé.

« Ou pas !! DUH ! Tu croyais vraiment que j'allais révéler où j'avais planqué les preuves parce que tu me l'avais ordonné ?! T'es hilarante, ça je peux te l'accorder ! »

Une lueur de malice se laissait entrevoir dans ses yeux, alors qu'il retourna la pelle et l'installa bien confortablement sur son épaule.

« C'est mon jeu, c'est mes règles. »

Et c'est là que la catastrophe commença.

Déjà, d'un coup de pied de la part de Kainé, le tas de terre se répandit tout le long de son pantalon violet. Peut-être que celle-là, il l'avait cherchée.

Sous l'effet de la surprise, il libéra une de ses mains et tenta d'épousseter son vêtement. Urgh, c'était gênant, quand même. Il avait sa baguette sur lui, mais il n'allait pas utiliser un Recurvit devant elle, quand même. Ça serait vachement peu stylé, et lui ne voulait pas manquer de classe, grand chef du mal qu'il essayait tant bien que mal de devenir.

« Essaie de me tuer pour voir. »

Il lui fit un clin d’œil, clairement de trop dans sa position actuelle.

Puis, la pelle se fit arracher de ses mains, et il prit un premier coup, plop, en plein sur la tête. Une petite raillerie un peu choquée s'échappa d'entre ses lèvres, alors qu'il frotte le haut de son crâne de sa paume désormais libre.

« Ouchie ! Fait attention à ce que tu fais, quand même ! Les pelles ça peut vite devenir des armes, tu sais ?! »

Toute cette mauvaise foi ne le sortit absolument pas de sa mauvaise situation. Bien au contraire. Les mots qui suivirent le firent tirer la langue. Il ne réfléchit pas une seconde avant de prendre cette très mauvaise décision.

« Ma bouche est scellée. Tu vas chercher toute seule, comme une grande, pendant que je m'amuse comme un petit fou ! C'est ça, c'est tout. Discussion : terminée. »

Le coup sur son torse et le petit impact du métal avec son crâne l'avaient à peine secoué, et il tenait à le faire savoir. Pour se rendre encore plus puissant, il croisa les bras, montrant bien son absence de volonté à collaborer. Aujourd'hui, c'était lui qui jouait. Elle n'allait pas refuser de le divertir, ah, ça non ! Pas tant qu'il ne serait pas saignant et évanoui dans un lit de l'infirmerie.

Cette fois, elle allait pas le louper ? Quelle belle blague. Il tapa du pied, puis, attendit un peu, et bâilla, pour accentuer son manque de peur apparent. Oh non, Kokichi n'était pas le genre de personne à laisser la victoire aux autres. Surtout pas à se la faire arracher d'entre les mains si gratuitement.

Le roi des Strixyst - non, le roi de l'école - non, le maître du monde, ne se laissait pas intimider par une simple pelle. Même si Kainé devait bien le dépasser d'un bon 20cm, les ennemis de taille ne l'avaient jamais dérangé plus que ça. Hey, il se prenait des tatanes de la part d'un boxeur ! Il pouvait tout supporter, depuis ses premiers points de suture. Quelques uns de plus ou de moins, quelle différence, dans le grand schéma des choses ?

« Tes menaces commencent à me fatiguer. Tu pourrais pas être un peu plus originale dans ta façon de demander ? Oh, si tu lèches mes semelles je vais considérer dire oui ! Ouch- »

Sans qu'il s'y attende, l'outil de jardinage atterrit et le heurta, en plein milieu du bras. Rien de pire que d'habitude, mais il n'était pas sur ses gardes, et il se réceptionna le coup de façon assez peu agréable.

Les mots qui suivirent rentrèrent par une oreille et ressortirent par l'autre, alors qu'il serrait les dents. Ouch. Avant de se concentrer sur la polie et calme demoiselle, il tenait à récupérer de la douleur, et à déterminer s'il pouvait encore bouger son bras ou pas. Lui-même savait ne pas être à l'abri d'une fracture.

Le coup qui suivit, bien que pas adressé à lui, eu quand même pour don de lui arracher un sursaut, et un regard hâtif un peu - non, très terrifié.

Il tenta de se reprendre, et apposa à ses lèvres un masque mesquin presque quasi après. Jamais il ne se laissera écraser.

« T'appelles ça un coup ?! J'ai rien senti ! »

Un rire lui échappa. Il se fit long. De plus en plus long, de plus en plus méchant. Ses pommettes remontèrent légèrement, laissant à ses yeux entrouverts une petite lueur malicieuse.

Pourtant, sa main fermement posée sur le champ de son dernier impact et ses subtiles tentatives de pli de son coude indiquent le contraire. Il l'a bien senti, et il aimerait bien ne pas en ressentir un autre ; mais bon. Ses instincts ne lui disent pas nécessairement de courir, mais plutôt de faire sa petite merde, pour, avec un peu de chance, euh... Gagner ?

Ouais, non, la situation a trop dégénéré. Il n'a même plus espoir.

Oula.

Les mots de Kainé eurent pour effet de le réveiller.

Un rire nerveux lui échappa. Car, en effet, c'est vrai que, là, il se prenait des coups. Et ce qu'il avait promis, à Cléonos notamment, c'était d'essayer de se prendre moins de coups. Pour ne pas finir à l'hôpital à moitié mort. Donc, selon ses propres mots et le gros bon sens, la solution à son problème actuel étant « on essaie de me tuer » serait « je vais me relocaliser à un endroit sans danger ».

Ouais, bonne idée, Kokichi, se dit-il. Avant que ça dégénère et qu'il finisse avec un membre en moins, il devrait vraiment penser à prendre ses jambes à son cou-

Et c'est à ce moment-là exactement, lorsqu'il sortit de sa transe (aussi appelée ''je vais agir stupidement et la provoquer jusqu'à temps que je réalise que je suis con en ce moment''), qu'un talon pointu dans l'estomac le propulsa par terre. La réception fut dure.

« What the fuck- Ouch ?! »

Des petits cailloux venant de la terre retournée sous lui s'étaient logés dans les paumes de ses mains lors de son atterrissage, et ça faisait un peu mal, mais ça allait encore. Car, juste après, un talon se logea dans son bras déjà blessé, le faisant grimacer et serrer les dents, pour retenir une nouvelle expression de douleur laissant voir une faiblesse. Peut-être que si elle savait qu'il était déjà amoché là, elle viserait le même endroit à nouveau, et il n'en voulait pas, de fracture.

Le premier coup fut le plus dur à se prendre. Ceux d'après l'étaient moins - jusqu'au dernier, en plein dans l'estomac, qui lui fit recracher son air tout d'un coup. Reprendre son souffle lui prit un instant. Ça faisait sacrément mal, quand même, une pelle dans le bide, ça il pouvait lui accorder.

« Mais t'es folle ?! Lâche-moi putain ! On va perdre des points si tu continues ! »

Sa douleur ne le dérangeait pas tant que ça. C'était assez insupportable, comparé à d'habitude, pourtant. Son bras brûlait presque, était comprimé et douloureux. Un peu partout, aussi, il se sentait presque vibrer sous l'impact pourtant parti. Mais, vieilles habitudes oblige, sa maison lui importait davantage que son bien-être.

Après, son bien-être ne lui importait pas du tout, alors ça devait avoir une incidence dans ses priorités. Il pourrait cacher ses bleus avec des manches longues et faire semblant qu'il n'était pas couvert de bleus. Les professeurs n'avaient pas à le savoir, si c'était pour punir les Strixyst en entier.

Lui qui espérait que le rappel calmerait les ardeurs violentes de la dame, il s'était trompé sur toute la ligne. C'est ça que ça donnait, espérer, dans un monde où les gens n'avaient rien à faire de ses envies - ou plutôt cherchaient à lui donner une bonne dose de douleur dans la gueule.

Le refus littéralement craché à la gueule, Kokichi accepta qu'il continuerait à s'en prendre une quasi immédiatement. Car, après tout, ça ne servait à rien de le nier. Il souffrait déjà assez, toute chance de filer étaient parties depuis bien longtemps, avec ses provocations et ses insultes stupides.

Morpion, il l'avait pas entendue souvent, celle-là non plus. L'insulte lui arracha un très court rire, vide d'humour. Une formalité, qui accompagnerait ses pensées une fois sur le chemin de l'infirmerie, très certainement.

Son expression changea du tout au tout lorsque la partie de la pelle s'enfonça plusieurs centimètres dans le sol - juste à côté de ses yeux. Un peu plus à gauche, et... Voilà. La peur étira ses traits. Ses yeux le trahissaient le plus, ronds et vides de moquerie ou de malice, pour la première fois depuis assez longtemps.

Une goutte de sueur coula le long de sa tempe. Rarement avait-il cru que quelqu'un cherchait réellement à le tuer, à lui faire du mal de façon malicieuse. Là, par contre, il ne pouvait rien contre cette femme, plus musclée et plus grande que lui, alors qu'elle pouvait fracturer chacun de ses os de la façon la plus lente et douloureuse qu'elle puisse imaginer.

Peu importe à quel point il se débattait, 1m56 pour 44kg, ça ne suffisait tout simplement pas.

Il se sentit étouffer un peu plus quand sa tête se leva de quelques centimètres par-dessus le sol, soulevée par son col solidement empoigné par une Kainé folle furieuse.

Des excuses ? Il- il n'avait pas cherché des excuses ! Il voulait juste le mieux pour sa maison et- les mots ne sortirent pas de sa bouche, peu importe à quel point il essaya fort de les articuler, avant de se prendre son premier poing dans la mâchoire.

Ce dernier fut rapidement suivi par un beau coup dans l’œil, et à nouveau dans la mâchoire. Ses yeux se fermèrent, il ferma les paupières le plus fort possible le temps de récupérer. Puis, son nez. Ouch.

Quelque chose coulait le long de son visage. Il n'ouvrit pas les yeux ; à peine les lèvres, sentant encore beaucoup trop la douleur irradier les environs de sa maxillaire inférieure. Le goût métallique qui pénétra sa bouche peu après l'avoir ouverte lui fit réaliser qu'il saignait du nez. Bordel. Il ne pouvait pas cacher aux autres un nez tout rouge et enflé, et le sang qui coulerait certainement sur son uniforme le temps de rentrer aux dortoirs.

« T'as fini ? »

Ses mots étaient empreints d'une certaine douleur ; après tout, il les disait après euh... Quatre ? Ouais, quatre jolis gnons en pleine face. Il commençait à en avoir un poil marre, surtout après la première ronde à la pelle, quoi.

Comment ça, c'était pas fini ?

Une certaine panique le prit. Non. Elle ne pouvait pas continuer, il ne supporterait pas un coup de plus. Surtout qu'il n'arrivait pas du tout à mouvoir son bras droit, et ça commençait à sérieusement l'inquiéter, qui plus est que la douleur se faisait de moins en moins supportable. De l'eau commençait à perler au coin de ses yeux, il le sentait. Un petit grognement s'échappa d'entre ses lèvres, au passage, comme si sa position n'était pas déjà suffisamment humiliante.

Son plaisir coupable de se faire défoncer ?! .... Un peu, mais- mais pas pour ça, et pas à ce point. Il se sentait certes vivant, mais surtout agonisant, en fait. Rien de particulièrement amusant ou stimulant. Pas d'adrénaline par ici, seulement une sensation horrible.

La question, devenue très vite répétitive, eut pour don de le faire soupirer. Un comportement un peu trop condescendant pour quelqu'un dans sa position, en effet.

« T'es stupide ou quoi, Kainé-chan ?! »

Il crachait presque ses mots, prononcés sans souffle. Une frustration était très facile à entendre. Après tout, non seulement son jeu avait été ruiné, sa promesse brisée, il avait aussi rarement pris d'aussi grosses raclées pour un mensonge aussi putain d'évident.

« Y'a jamais eu de putain de preuves ! C'était un mensonge ! Des preuves de quoi ?! Mais réfléchit ! Est-ce que t'as un truc à te reprocher ou ?! Je serais pas surpris vu ta violence pour une si petite connerie ! »

Il essaya de se redresser avec ses forces restantes, mais le poids l'en empêchait - et son bras, en essayant de s'appuyer dessus, ne fit qu'hurler à la mort ses pauvres nerfs déjà bien amochés.

Urgh. Le Japonais tourna la tête et cracha par terre le sang qui s'accumulait lentement dans sa bouche. Il commençait à en avoir au fond de la gorge, à force de rester couché. Valait mieux bouger avant de s'étouffer.

Oh god. Lâche mon col, pensa-t-il. Son exclamation de surprise ne le choqua absolument pas, car qui tabasserait quelqu'un à ce point quand on réalise que c'est pour rien ? Personne, voilà.

Elle ne le croyait pas ? Qu'elle le frappe encore. Sa réponse ne changerait pas, car, pour une fois, il n'avait pas glissé de bobards parmi ses mots. Qu'elle essaie, de lui faire changer sa version. Il pouvait mentir comme il le voulait, inventer des milliards de faussetés différentes, mais il n'y avait qu'une seule vérité, et il l'avait déjà dite.

Les insultes roulaient à tout va. Oui, il avait attendu, car il bien qu'il aurait peut-être aimé ouvrir sa gueule, il se prenait des coups et n'avait pas vraiment l'occasion de le faire. Sans prononcer un mot, le Strixyst roula des yeux- enfin de son unique œil valide, plutôt, pour être plus exact. Est-ce qu'elle s'attendait vraiment à ce qu'il crache le morceau quand il s'en prenait une dans la mâchoire ou quoi ?

Bon. Au moins, elle réalisa par elle-même que ses mots n'étaient pas teintés de conneries, cette fois. Enfin. Il attendit qu'elle termine avant de l'ouvrir à nouveau - enfin, pas avant d'avoir recraché un peu de sang à côté de lui à nouveau, pour parler sans se gargariser dans sa propre hémoglobine.

« Tu m'as pas exactement laissé parler avant il y a environ 10 secondes, je me trompe ? »

Un toussotement lui échappa. Ouch. Sa cage thoracique lui faisait mal. Tout ce poids sur son corps délicat ne lui avait pas exactement fait du bien, en fait.

Les insultes continuèrent, et Kokichi se fit un devoir de ne rien écouter. Les mots méchants ne l'atteignaient plus vraiment depuis les années, mais sa douleur commençait à devenir insupportable. Oui, il avait été une petite pute. Son prank était allé trop loin. Il aurait dû arrêter en réalisant la panique de Kainé, et fuir avant, même s'il n'y avait pas trop pensé sur le coup. Oui, oui, peu fucking importe. Son bras était immobile. Il ne pouvait juste pas le bouger. Et il ne voyait rien. Enfin, oui- mais il n'arrivait plus à ouvrir un de ses yeux, sur le coup. Celui qui avait été frappé.

« Oui j'ai compris- bordel relâche-moi ! »

Faiblement, il se mit à se débattre de son bras encore articulé. La douleur était insoutenable. Il avait l'impression de s'être fait rouler dessus, et d'avoir une branche accrochée à l'épaule droite, qui suivait ses mouvements mais était incapable de faire quoi que ce soit d'autre. Une certaine panique le prit ; il ne savait pas pourquoi ça faisait ça.

Son propre état lui faisait honnêtement, concrètement peur. Il voulait aller voir Idun. Sans qu'il le réalise, une petite larme coula le long de son visage.

C'est à ce moment-là que, du coin de l’œil, il aperçut une silhouette. Vêtue de noir, la démarche fatiguée, un sac sur l'épaule.

Un professeur... ? Oh non. Il reconnut monsieur Black. Un enseignant de botanique, qu'il n'avait jamais eu lui-même, qui les avait malencontreusement remarqués.

Seul point positif : une fois les points enlevés et la punition donnée, il était sûr de pouvoir aller se faire soigner.