Cold hands, warm heart.

L’échange du ballon ne fut interrompue que par l’arrivée discrète et silencieuse d’une silhouette massive. On pouvait voir l’homme arriver de loin, mais l’entendre, en revanche, n’était pas mince affaire, à moins bien sur d’être véritablement concentré. Seul les bruits de pas sur l’herbe bien verte de l’été aurait pu indiquer à quelqu’un d’aveugle son arrivée. Heureusement pour tous les acteurs de la petite scène de vie quotidienne, chacun était muni de vision, et chacun pu voir l’entrée du géant blond - à l’exception, peut-être, de l’artiste. Bien qu’il n’était pas géant à proprement parler, il n’en restait pas moins très grand, mais surtout très large. Peut-être était-ce ceci qui fit partir les deux élèves en plein jeu, ou bien peut-être était-ce le bleu froid de ses yeux, auteurs d’un regard qui pouvait paraître assassin. Mais il n’en était rien, et ça, Evalyn le savait, car elle connaissait cet homme : Ludwig Beilschmidt.

Il ne fit aucun arrêt dans son chemin, et vint à sa rencontre avec l’air détendu d’un ami allant en rejoindre un autre. Ludwig et Evalyn n’étaient pas si proche que cela, mais le sorcier blond s’était surpris à ressentir de l’attachement pour la plus jeune fille. Elle lui rappelait l’innocence de l’enfance, quelque chose qu’il avait perdu depuis bien longtemps, mais qu’elle lui permettait de retrouver temporairement, grâce à quelques discussions agréables. Il ne tarda pas à atteindre les victuailles placées près de la demoiselle, victuailles qu’il observa brièvement sans faire aucun commentaire. Ce qu’il pensait restait un mystère, son expression lisible comme un livre fermé dont on ne connaîtrait pas même le titre. Un silence prit place suite à cette rencontre, les bruits des élèves en plein jeu s’étant éloignés vers des contrées plus vertes et moins infestée de gêneurs géants.

▬   J’avais cru te voir, plus loin. Je suis ravi de constater qu’il s’agissait bien de toi.

Cold hands, warm heart.

Ludwig ne put s’empêcher de remarquer ce détail. Le jeune adulte avait une opinion particulière sur les plages, et bien que l’odeur du sable chaud était un délice pour ses narines réjouies, ses déplacements, eux, n’étaient qu’inconfort pénible. Marcher pieds-nus dans les grains dorés lui avait toujours semblé être une sorte de torture mal effectuée: trop peu douloureuse pour être réellement efficace, mais assez ennuyante pour faire froncer les sourcils. Il faisait parfois trop chaud pour la plante des pieds qui parcourait la plage, et les orteils se retrouvaient toujours recouverts de sable, si bien qu’enfiler une chaussure par la suite devenait un véritable calvaire.

L’allemand prit enfin, avec délicatesse, l’une des sucreries que l’on venait de lui proposait. Ses gestes étaient lents et doux, comme s’il avait peur de réduire la délicieuse offrande en miette. Il avait l’air d’un ours gigantesque et brusque tentant de manier un accessoire de porcelaine sans faire d’accident, la friandise trop petite dans sa main trop grande. Il prit bien le temps de mâcher, abandonnant momentanément la conversation, plongé dans ses pensées de promenade dans le sable.

Le silence qui s’était à nouveau installé, comme il s’installait si souvent d’ailleurs quand Ludwig participait à un échange, fut brisé une nouvelle fois par son inquiétude.

▬   Tu sembles avoir abandonné tes chaussures, Evalyn. Se sont-elles remplies de sable ? Ou bien est-ce juste afin de profiter du courant d’air ?

▬   Du sable s'est glissé dedans, affirma-t-elle spontanément, non sans un léger haussement d'épaule qui feignait l'indifférence.

La réponse ne surprit pas Ludwig. Ainsi se pencha-t-il afin d’attraper les deux souliers afin de les inspecter plus en détail. Il tapota doucement sur les talons, tentant de déloger les quelques grains résistant qui avaient cherché à élir domicile là où il ne fallait pas. Bien qu’il put en dégager quelques uns, il en restait sans aucun doute. L’ursirre pouvait déjà imaginer la pauvre peau de son amie frotter contre les paroies de la chaussures, rougissant au fur et à mesure des grains frottant la sensible surface beige. Bien qu’il était peu expressif, il était possible de remarquer pour quelqu’un d’assez proche que l’idée le dérangeait beaucoup. En proie à une confusion évidente cependant, Evalyn contempla la manoeuvre méticuleuse de son acolyte dont la droiture d'esprit n'était plus à prouver.

Cold hands, warm heart.

Ludwig eut peine à entendre ces remerciements énoncés avec faiblesse, mais après quelques secondes à remettre les mots à leur place, il comprit enfin leur significations. Osant un sourire presque invisible, il prit la décision de se redresser, sans pour autant se lever complètement, pivotant vers la mer afin de montrer son dos à la petite brune. Positionnant ses bras derrière lui après avoir terminé son gâteau, il resta ainsi de marbre, expliquant sa soudaine position afin de ne créer aucune confusion fâcheuse.

▬   Je n’ai pas l’intention de te laisser repartir pieds nus. Puis-je te proposer une promenade sur mon dos ? Tu as l’air suffisamment légère pour que je puisse te porter quelques temps sans problème.

Evalyn lorgna un instant sur le large dos de celui qui s'improvisait porteur. Sans la moindre intervention orale sur l'instant, elle captura entre ses phalanges ses souliers jadis abandonnés, et le petit tissu qui servait à transporter ses deux parts de desserts. Presque spontanément, elle trouva refuge contre les omoplates de Ludwig - lequel pouvait sentir le poids exagérément faiblard de sa cadette.

▬   ... O-Oui.

Aussitôt la demoiselle placée sur son dos, Ludwig décolla son corps du support sur lequel il était assis. Soulever cette nouvelle charge charmante prouvait ne lui poser aucun problème. Il avait pour habitude de porter ses chiens dans ses bras, mais ici, la sensation était bien différente. L’odeur, déjà, était celle du soleil et de l’iode, et non pas celle du poil facilement sali de ses canidés. Le poids, lui aussi, différait fortement de ce qu’il connaissait. Evalyn était plus lourde, certes, mais elle était aussi plus calme, contrairement aux animaux qui eux s’agitaient presque instantanément une fois le sol quitté. Au final, la sensation était plus similaire à celle d’un cartable: une bagage entourant le dos et les épaules, transporteur de souvenirs et de bon sentiments.

▬   Es-tu bien installée ? N’hésite pas à me faire part du moindre problème. Mon objectif premier est que tu passes un agréable voyage, après tout.