Le soleil d’octobre faisait timidement son apparition dans le ciel canadien. La météo s’annonçait plutôt clémente en ce premier week end du mois. L’horizon était dégagé, chassé de tout nuage. Les feuilles entamaient leur lente valse au gré de la légère brise, qui se frayait un chemin à travers les végétaux de plus en plus nus. Le temps était donc idéal pour commencer l’entraînement. Les températures commençaient certes à être fraîches, mais l’allemande se réchaufferait bien vite au fil de ses mouvements.

Mikasa sortit alors de son lit, et pratiqua quelques étirements, comme à l’accoutumée. Après un bon petit déjeuner, un jogging et une douche salvatrice, la brune prit le temps de se poser pour réfléchir à sa prochaine activité. Ainsi se forma son rituel matinal, qui l’accompagnera pendant tout son cursus à Ilukaan.

Pourquoi ne pas prendre le temps d’explorer le parc du campus afin d’y dénicher un endroit plutôt calme et peu fréquenté ? La métisse venait d’effectuer son entrée en troisième année à l’école il y avait quelques semaines à peine, elle connaissait pourtant bien les lieux. De plus, les brochures fournies par le Ministère n’avaient pas menti sur le cadre de vie découvert lors de la visite des lieux faite aux premières années. Néanmoins, la jeune sorcière était curieuse de voir les autres horizons qu’avait Ilukaan à offrir, surtout compte tenu de l’immensité du parc. Peut-être y trouverait-t-elle des plantes moins communes ? Ou bien des coins où la vie se fait plus belle ? Cette institution, tout comme cette île, se révélait encore pleine de mystère pour elle, bien qu'elle eut déjà pris le temps de l'explorer...

Son thermos tout juste chaud déposé dans son sac, elle prit la direction des espaces verts du campus. Suivant les allées principales, ses pupilles s’émerveillaient des paysages offerts par l’été indien. Orange, rouge, jaune, or, pourpre, que de couleurs chatoyantes ornaient les illustres géants de bois. Des reflets arcs-en-ciel se formaient ici et là sur le sol, résultant de la rencontre entre la rosée magique, déposée sur les brins d’herbe à l’aube, et l'astre solaire. Les petits mammifères se précipitaient dans leurs terriers dans le but d’y stocker leurs provisions pour l’hiver s’approchant à grands pas. Finalement, la Verte n’était pas si dépaysée que cela lorsqu’elle pointait le bout de son nez hors des murs de béton qui parsemaient les lieux.

Au bout d’une petite heure à errer dans le parc, Mikasa entraperçut un endroit qui remplissait parfaitement ces critères : un peu plus isolé, peu ombragé, plus paisible, avec de vieux troncs morts semblants assez résistants pour pouvoir cogner dedans. Car là était tout le but de sa mission : pouvoir s’entraîner à frapper. Non dans le but de martyriser ceux et celles qui sont en désaccord avec ses opinions, mais dans l’optique de pouvoir se protéger en cas d’attaque. Plutôt même pour pouvoir défendre ses proches plus que sa personne. Après tout, elle n’avait jamais eu besoin d’être défendue, la brune s’en est toujours sortie toute seule. On ne peut en dire autant de sa fratrie de cœur, qui possède une tendance assez prompte à s’attirer des ennuis. Elle prit donc place, les lieux lui apparaissant inoccupés, commençant par une série d’abdominaux. Elle n'avait nul doute que sa camarade rouge viendrait la rejoindre. Après tout, il n'existe aucun lieu semblable à un autre dans ce campus.

L’intuition de la cadette s’était avérée être la bonne. La Rouge n’avait tardé à rejoindre ces lieux, si propices à l’entraînement. Nullement surprise par la nouvelle venue, qui se révélait plutôt être l’habituée de cette clairière, la métisse termina sa série avant de lui adresser la parole. Elle s’assit en tailleur et empoigna sa bouteille d’eau non loin d’elle.

« Bonjour. Cela m’a pris une petite heure, mais oui. Bien entendu que tu peux rester. »

Cassandra, de trois ans son ainé. Bien qu’elle ne l’impressionnait pas plus que cela, Mikasa éprouvait déjà une certaine forme de respect profond pour cette jeune femme. Déjà, rien que pour s’être forgé une place au sein de la Maison du Loup, dont ses membres possèdent une magie orientée vers l’attaque et l’offensivité. Bien entendu, cela ne signifiait pas pour la Verte que les Lupys étaient tous des élèves dénués de neurones ne pensant qu’avec leurs muscles et avec agressivité. Néanmoins, c’état bien dans cette Maison que se trouvaient les personnes les plus bornées qu’elle eut connu jusqu’à lors.

Il faut dire que l’apprentie sorcière n’avait jamais fréquenté énormément de monde, le sien étant ainsi particulièrement restreint.  Non qu’elle soit timide, certains l’avaient même trouvé intimidante du haut de ses 12 ans. Non simplement, elle n’avait pas nécessairement ressenti le besoin de s’ouvrir aux autres. Une fois que l’allemande s’était constitué son petit groupe de proches, cela lui suffisait amplement. A sa manière, sa camarade s’était faite une place dans ce cercle, sans vraiment crier gare.

Leur motivation commune à s’entrainer et à maintenir leurs conditions physiques avait été un facteur clé de leur amitié. En effet, ce sont d’abord ces sessions d’entrainement qui avaient réuni. Une première fois, au hasard. Une seconde, une sacrée coïncidence. La troisième, un premier sourire échangé. A force, elles avaient convenu de se retrouver, dans divers endroits stratégiques du campus, afin de se tester sur divers équipements. Les deux allemandes prenaient également le temps de se voir en dehors de ces entraînements. Une entrevue dans le Dôme pour discuter autour d’une tasse de thé, une sombre histoire d’imbéciles trainant dans leurs pattes, bref, il n’y avait eu que l’embarras du choix en termes de conversations. Le sujet revenant le plus souvent ces derniers devait être bien la sélection du prochain batteur au poste des Cerviralds, ce poste s’étant libéré après le départ de l’un des deux batteurs dû à l’acquisition de son diplôme.

Sa série à présent terminée, la cadette se relève afin de continuer de s’échauffer. Après tout, chauffer tous ses muscles avant un effort global est tout aussi, voir plus important, que le dit effort. Tout cela dans le but de prévenir de toute potentielle blessure. Bien sûr, cela ne protège pas totalement de toute déchirure et autre froissement, mais certaines erreurs bêtes peuvent être ainsi évitées. Mikasa ne l’a pas appris à son dépend, mais à celui des autres. En effet, l’impulsivité de certains leur a montré combien une préparation est essentielle avant de passer de l’action, sous quelque forme que ce soit. Aussi la Verte veille bien à chuchoter au moindre de ses muscles de se réveiller. Rien de plus élaboré que les mouvements enseignés aux plus jeunes dès leur entrée dans le cycle scolaire. Cela ne dure guère plus de 20 minutes.

La métisse passe par la suite à un travail sportif porté sur l’aspect défensif. S’il est bon de savoir attaquer une cible, il en est pour d'autant plus pratique de savoir parer les coups, notamment pour mieux les rendre. Ainsi la brune enchante-t-elle une branche, d’un calibre relativement acceptable, pour réduire au mieux le nombre d’échardes, ainsi que la portée des coups qu’elle pourrait lui infliger. Tout cela en mettant en pratique un sort que leur avait enseigné le professeur de sortilèges dédié à leur section, bien que cet usage est loin d’être de ceux qu’il avait indiqué en premier lieu. Le morceau de bois lévite désormais dans les airs, cherchant à foncer à toute vitesse sur le premier objet du périmètre. Fort heureusement, l’allemande s’est un peu éloignée de son aînée en prévision de cette incantation, Cassandra n’a donc rien à craindre de cet opposant particulier. Du moins dans la théorie. Enfin, l’apprentie sorcière se met en place, attendant vaillamment son adversaire pour une heure. Tout réside dans la rotation des membres, ainsi que l’agilité et de la souplesse dont doit faire preuve l’assailli. Sauts, cabrioles et autres pirouettes plus basiques, aucune posture n’est mise de côté, s’enchaînant avec une fluidité telle qu’un spectateur au loin pourrait songer à un ballet dansant.

Une fois le rideau tombé, la gagnante s’assoit de nouveau, jetant un accio sur sa bouteille. Elle écoute attentivement sa camarade, quelques écorchures ici et là.

« Les sélections n’ont pas encore commencé officiellement. Il faut se faire inviter par le capitaine en personne pour être conviée à participer à ce genre d’évènements. J’ai déjà été mise en contact avec lui et cela devrait commencer dans les deux semaines à venir. »

L’aînée avait ainsi confiance en sa cadette. Une confiance qui allait droit au cœur de la Verte. Bien qu’elle n’avait pas réellement besoin, il était toujours bon de se sentir soutenu par ses proches. Mikasa avait toujours eu foi en ses capacités. Si on se donne les moyens, on finit par atteindre les objectifs qu’on se fixe. Et l’allemande se savait dotée de toutes les capacités requises pour réussir, peu importe ce qu’elle pouvait entreprendre. Elle avait en elle cette force surnaturelle de surmonter n’importe quel obstacle, celle des vainqueurs. Se battre pour ses rêves ou bien se laisser mourir, ainsi allait la vie.

« Cela n’a rien d’étonnant. Le nombre de prétendants au poste est assez important cette fois-ci. »

Le Quidditch était un sport qui avait toujours rassemblé de tout temps les sorciers et les sorcières. Ilukaan ne faisait évidemment pas exception. Sport plus que réputé, nombre d’élèves se jetaient sur les sélections dès que le moindre poste se libérait. Pour accroître sa popularité, pour être en compétition et démontrer sa valeur auprès des autres, les raisons qui poussaient les élèves à s’essayer à obtenir un poste étaient nombreuses.

Pour la Cerviralde, il s’agissait avant tout de se défouler. Pas comme elle le faisait maintenant, avec ses entraînements avec Cassandra, non. Tout cela était différent lorsqu’elle était dans les airs. Tous ses sens en alerte, elle bénéficiait d’une vue sans pareille. Néanmoins, pour se faire, la métisse devait se concentrer pour éviter toute chute. Ce poste constituait un véritable défi pour l’allemande. Au-delà de devoir se maintenir en équilibre sur son balai tout le long d’un match, elle pourrait ainsi améliorer son jeu d’équipe et apprendre à contrôler sa force en ce qui concerne l’envoi et le renvoi de Cognards. Cela requérait également énormément de réflexes. Après tout, il s’agissait de protéger avant tout ses coéquipiers, ce que l’apprentie sorcière faisait de sa plus tendre enfance. Peut-être pas contre des Cognards, certes, mais elle pouvait affirmer avoir une certaine expérience dans la protection de personnes.

« Je pense néanmoins devoir encore me muscler les épaules afin de pouvoir manier au mieux les battes. »

A peine avait-elle fini sa phrase qu’elle enchaina une nouvelle série de poings, dans le vide. Admirative du parcours produit par la Rouge, elle se dit qu’elle ferait bien d’en faire de même après avoir placé quelques crochets à des ennemies invisibles.

Tout à son honneur selon Cassandra, mais Mikasa percevait plutôt ça comme un devoir. Si la cadette sa savait naturellement douée, elle savait tout autant que se reposer sur les lauriers mènerait inexorablement à l’échec, aussi fort soit-on. Il y avait, d’une façon ou d’une autre, toujours quelqu’un qui la surpasserait. Et si ce n’était pas quelqu’un, ce serait alors quelque chose, voire même le destin. Nul être vivant ne pouvait être omnipotent, aussi puissant puisse-t-il être. Cela n’impliquait pas pour autant qu’il fallait accepter cette réalité et rester à sa place. Au contraire, n’était-ce pas là une raison valable pour se surpasser et braver ce qui semblait être écrit ?  Les hommes sont nés libres dans ce monde, alors ne devaient-ils pas le démontrer en suivant leur propre volonté et s’affranchir de toute contrainte ? Surtout lorsque ces derniers étaient nés forts ? Voilà pourquoi la Verte ne cessait de se perfectionner.

Et sa condition physique n’échappait pas à la règle. Dans un macrocosme cruel où le danger pouvait guetter à tout moment, derrière la porte d’un foyer comme au cœur d’une forêt de Brocéliande, pouvait-on être constamment et suffisamment maître de la situation pour protéger ce qui nous était cher ? La réponse n’était sans aucun doute désagréable à la métisse, liée à sa famille comme peu de personnes pourraient le prétendre.  Aussi était-ce pourquoi elle veillait à devenir toujours d’autant plus forte, pour protéger au mieux les siens, quand bien même ces derniers étaient tout aussi capables d’une sacrée défense.

« Tu pourrais même assister aux entraînements, je pense. »

La brune ne doutait nullement de son insertion prochaine dans l’équipe de la Maison des Caribous, il n’y avait aucun obstacle qui pourrait l’en empêcher. Si jamais par malheur, il en existait, elle les surmonterait sans la moindre hésitation, usant de tous les moyens dont elle disposait pour parvenir à ses fins, toujours dans le respect de chacun.  Néanmoins, si Mikasa voyait sa place assurée sur le terrain de Quidditch, l’apprentie sorcière ne pouvait s’empêcher de se questionner sur celle de sa camarade rouge. Après tout, elle aussi possédait toutes les qualités requises pour mener ses camarades à la victoire, peut-être même de manière bien plus légitime que certains membres actuels de la Maison du Loup.

« Dis-moi, pourquoi n’as-tu jamais rejoint l’équipe de ta maison ? Tu ferais un très bon membre. »                                                                                                                                              

Mikasa se contenta de hocher la tête, signifiant par là à son ainée que bien qu’elle ne lui offrait pas de réponse, la Verte l’écoutait avec attention. Elle comprenait parfaitement les raisons qui avaient contraintes la Rouge à ne pas faire part de ses capacités à sa Maison, du moins pas par ce biais-ci.

La métisse ne pourrait la blâmer, l’équipe actuelle à l’étendard carmin n’avait l’air d’avoir plus de muscles que de neurones. C’était une stratégie comme une autre, mais cela n’était en rien la réputation que traînait leur Maison au sein d’Ilukaan. La sorcière les avait longuement étudiés, particulièrement ces derniers mois. Après tout, une préparation à la sélection ne devait pas inclure seulement un entraînement physique, mais également de bonnes analyses du jeu adverse ainsi que des diverses stratégies existantes. Leur jeu était agressif mais loin d’être sans faille pour autant. Il présentait plus de stratagèmes que ce qu’on s’attendrait de leur part, cependant leurs batteurs n’étaient pas leur point fort. Aussi, cette équipe semblait être exclusivement masculine, fait plutôt surprenant. Une vraie garçonnière, elle ne voulait même pas imaginer la pression supplémentaire que devait leur coéquipière.

Toutefois, cela constituerait un avantage certain si Mikasa intégrait l’équipe, qui leur démontrerait au passage que ce sport n’était pas exclusivement réservé à la gente masculine, que les femmes pouvaient être d’aussi bonnes joueuses de Quidditch, si ce n’était de meilleures joueuses que leurs homologues masculins. La Verte n’avait jamais su d’où provenaient de telles idées, aussi les avaient elle ignoré, poursuivant ainsi son chemin, montrant au passage leurs absurdités. La brune en avait surpris plus d’un par sa force et sa détermination, et ce depuis son plus jeune âge. Cassandra semblait avoir le même parcours à ce sujet, au détail près que l’aînée ne préférait pas être mal vue parce qu’elle remettait quelqu’un à sa place légitime. La cadette, elle, n’en avait jamais eu rien à faire : elle faisait ce qu’elle avait à faire, rien de plus. Si d’autres étaient mécontents, ce n’était pas son problème. Puis, généralement, une seule et unique démonstration suffisait à gagner le respect, ou la crainte, de ses pairs. Elle ne s’acharnait pas sur ceux qui l’agaçaient non plus, elle n’avait pas de temps à perdre avec eux.

Alors que la Lupy reprit son entraînement, la Cerviralde s’empressa de faire de même : elles avaient bien assez bavardé comme ça, le reste du travail n’allait pas se faire tout seul.