S’il y avait bien une pièce dans laquelle Feliciano pouvait passer sa vie, c’était celle annexe chez les Strixysts ; que ce soit pour observer les créations de ses camarades ou pour s’appliquer aux siennes, voire s’entraîner à la guitare, instrument particulièrement plaisant chez le jeune Italien pour différentes raisons. Tout d’abord car il avait appris avec son grand-père et que sa guitare venait de ce dernier. Il y avait également ce cliché de drague qui collait à cet instrument, Feliciano s’y trouvait assez sensible, une envie de plaire l’ayant saisi quelques années auparavant. L’entrée dans l’adolescence n’était pas facile pour certains.

En ce jour de vacances, de nature feignante, le sixième année n’était pas prompt à réviser ou attaquer les devoirs donnés par les professeurs les derniers jours. La pluie dehors ne le motivait pas à y poser son chevalet. Voici la raison pour laquelle il pénétra la pièce si particulière, son sac accroché à son épaule, désireux de s’asseoir et commencer une œuvre dont il n’avait pas encore d’idée précise.

Feliciano improvisait bien souvent des toiles, pour le plaisir de peindre. Il était évident que certains de ses travaux étaient pensés et il s’y apprêtait avec joie, suivant la ligne directive imposée par lui-même. L’artiste eut, cependant, une envie de peindre de l’eau, s’entraîner sur cet élément qui le fascinait et qu’il appréciait. Bien qu’actif, il pouvait passer des heures à fixer les vagues partir et venir, sans un mot, sans bouger.
L’eau avait ce pouvoir calmant chez lui, le son tout particulièrement. Feliciano était assez sensible aux bruits, c’est pour cela que son Épouvantard en comportait des terribles, mais il se demandait si un jour il changerait par un silence complet… Un frisson le parcourut et il chassa cette idée loin.

Le silence était sûrement la chose qui rebutait le plus le Mauve, après la maladie et les rats.

Préoccupé par le futur tableau pour lequel il venait tout juste de se décider – bien qu’il songeât peut-être s’entraîner à l’anatomie humaine, en commençant par des os – ainsi que ses peurs internes, il ne remarqua pas dans l’immédiat qu’une personne était déjà installé. Cependant, l’Italien, observateur, ne mit pas beaucoup de temps à découvrir un autre Strixyst dans la pièce, lui-même concentré sur son ordinateur. Même s’il ne souhaitait pas le déranger, il ne désirait pas l’effrayer quand il se découvrirait avec une présence qu’il n’avait pas prévu.

- Bonjour Louis !

Il accompagna sont salut d’un signe de main et d’un sourire brillant habituel. Sa main droite revint tenir la lanière de son sac, offert gracieusement par Ludwig pour son anniversaire, avec l'idée de lui éviter une lourde chute sur le sol. D’un pas souple il se dirige vers un chevalet vide pour y préparer son matériel.

De son sac, l’Italien sortait les affaires dont il aurait besoin, soit : un livre de paysage et un livre d’anatomie. Car s’il commencerait par la mer, celle qu’il voyait en fermant les yeux, il n’excluait pas croquer, sur son carnet de brouillon, des os pour s’entraîner. Durant le cours laps de temps durant lequel il se préparait, il exclut Louis de ses pensées – une histoire de quelques secondes qui pouvaient paraître très longues. Feliciano ne lui prêta de nouveau attention qu’au moment où il lui parla.  

L’artiste ne s’était jamais trouvé dérangé par une présence à ses côtés lors qu’il peignait, que ce soit en cours ou dans cette pièce. Bien au contraire, lui qui détestait se retrouver seul et le silence, les spectateurs n’étaient que plus invités. Voir que Louis s’apprêtait à partir l’alarma et il se redressa derrière son chevalet, manquant de renverser son tabouret qui tangua quelques fois avant de reprendre sa place initiale.

« Non ! Tu peux rester ! » s’était-il hâté de dire.

Peut-être un peu trop rapidement d’ailleurs. Il retint un soupir au profit d’un sourire qui se voulait bienveillant – et l’était sans conteste.

« Je ne pense pas prendre tant de place que cela ! » Il plaisanta pour cacher sa précipitation dernière. L’idée de mettre mal à l’aise son ami le dérangeait en tout point. C’est la raison qui le poussa à avouer. « Et puis, j’aime bien avoir de la compagnie quand je dessine... Mais si tu préfères être seul avec ton ordinateur quand tu... Euh, tu fais quoi d’ailleurs ? »

Sur un ordinateur il était possible de faire un nombre incalculable de chose, écrire, grapher, coder, dessiner (lui-même possédait une tablette), parler avec sa famille... C’est peut-être ce que Louis était en train de faire avant qu’il ne débarque avec son attirail et ne le dérange.

« C’est moi qui t’embête ? préféra-t-il demander penaudement. Je peux partir, je comprendrais tu sais. J’ai la place de peindre sur mon lit dans le dortoir ! »

Feliciano ne se laissait pas abattre facilement, il comprendrait que Louis désire être seul, même s’il ne parlait pas à sa famille. Après tout, le médicomage à en devenir n’était pas un oiseau aussi sociable que son homologue plus jeune. D’un geste l’Italien était déjà prêt à remballer ses affaires pour regagner son dortoir ; il imaginait déjà le positif de cela, s’il croisait Kenneth il pourrait lui demander des conseils sur le dessin d’anatomie, et également lui parler de ce qu’il avait pensé de sa dernière aquarelle.

Non, Feliciano n’en voudrait pas à Louis de désirer être seul.

Tout rentrait parfaitement dans l’ordre, ils pouvaient se rasseoir tous les deux et rester en la compagnie de l’autre. Chose que Feliciano savait apprécier, plus que le silence. Il eu une petite pensée pour une musique de fond, il demanderait plus tard si cela ne dérangeait pas le plus âgé. Toutefois, si c’était le cas, il pourrait toujours mettre son casque. L’Italien travaillait toujours mieux en musique, sans nécessairement combler un silence qui le dérangeait, juste pour le plaisir d’avoir un fond sonore agréable.

Il porte toute son attention à ce qui lui est dit, la réponse à sa question sur le projet en cours de Louis. L’artiste savait qu’en face lui, il y en avait un autre, d’un genre différent. Un écrivain. Pour le plaisir, tout comme lui peignait pour s’amuser et pas dans le but d’y faire ses pas. Feliciano ne peut pas grimacer, cela serait bien malpoli et il devrait l’expliquer, chose qu’il voulait à tout prix éviter.

« Tu écris quoi ? s’entend-t-il dire, sans éprouver le moindre regret quant à cela. Maintenant et d’habitude je veux dire ! »

Le Strixyst n’avait aucune idée du genre d’écriture que Louis avait, car il ne lui avait jamais demandé. Il prenait toujours trop de temps à lire, et préférait se l’éviter. Bien sûr, il serait incapable de refuser si l’aîné venait solliciter son avis sur ses projets, sur ses phrases rédigées sur son ordinateur – ce qu’il trouvait plus facile à lire que l’écriture manuscrite, car il avait la possibilité de changer la police pour une plus simple. Feliciano avait découvert que le monde moderne lui offrait bien des opportunités de cacher son handicap.

Pendant qu’il attendait sa réponse, il déverse les couleurs qu’il utiliserait dans son petit plateau prévu à cet effet. Du bleu et du blanc pour le moment, il commencerait par le ciel. La mer se dessinait déjà sous ses yeux, ne demandant plus qu’à être apposé sur la toile vierge de couleur. Rapidement, il s’occupe de prendre de l’eau, sans en renverser sur le sol, et plusieurs pinceaux de différentes tailles et formes. Sa deuxième course d’action est de commencer à mélanger des petits bouts de chaque couleur pour obtenir des teintes de bleus et de blancs différentes. Sa tête apparaît derrière son chevalet pour répondre à la question qui venait de lui être posée.

« Je vais peindre la mer ! » Son exclamation est plutôt joyeuse, prouvant qu’il s’agissait d’une peinture qu’il attendait de pouvoir transposer. « Celle où on allait avec ma famille quand j’étais petit. »

Maintenant, avec les vacances organisées par l’école, ils trouvaient moins le temps de partir tous ensembles. Feliciano prenait soin de toujours rentrer chez lui pour voir ses parents et ses grands-parents, cela lui était plus facile que d’envoyer des lettres ou même des messages, la technologie était un miracle pour lui, c’est bien évident. Son sourire plaqué sur le visage, il démarre une ligne bleue, un peu brutale, qu’il adoucirait par la suite avec des mouvements amples et fluides.

« Je vais aussi essayer de faire un peu d’anatomie après, des os surtout... »

L’Italien n’était pas très doué avec cela, assez pour que ce soit reconnaissable mais pas parfaitement réalisé. Son entrainement n’était pas terminé ; il ne le serait même jamais d’ailleurs. De nouveau son visage apparaît pour regarder le plus âgé.

« Est-ce que ça te dérange si je mets de la musique ? Sinon j’ai mes écouteurs ! »

Il les désigne d’une main, dépassant de son sac, à côté de son téléphone. Feliciano pouvait comprendre l’attrait pour le silence que pouvait avoir ses camarades, cela les aidait peut-être à mieux travailler. De son côté, il privilégiait les musiques sans paroles pour s’éviter de chanter – sauf en dessin où il se l’autorisait, car il n’avait pas le même type de concentration nécessaire.

Une fois accordé, l’Italien lança la musique sur son portable, qu’il dépose sur la table à côté de lui, dans une poche protectrice, pour éviter de le tâcher de peinture ou même de renverser de l’eau dessus par inadvertance. La chanson est plutôt douce, calme, un orchestre symphonique joue à un rythme lent mais joyeux, qui évoquerait une sorte de paysage bucolique. La prairie fleurie se dessinait presque sous leurs pieds, animée par un vent doux et de petits piaillements d’oiseaux qui volèteraient ci et là autour d’eux.

Cependant, la phrase de Louis resta en tête de l’artiste, et il posa son regard sur lui, l’écoutant avec attention, le pinceau suspendu en l’air, comme figé dans le temps.

« C’est difficile de changer d’un thème auquel on est habitué ! »

Feliciano lâche un petit rire, il connaissait le problème de l’écrivain à ses côtés. Lui-même se trouvait incapacité quand on lui demandait de changer de style, de peindre quelque chose dont il n’était pas familier. Avec l’option Arts et Musiques Magiques il y avait été bien obligé, et, à cela, forcé dans bien des styles différents, maintenant il y parvenait avec plus de facilité.

« Tu pourrais peut-être commencer par quelque chose qui n’est pas trop éloigné de la science-fiction ou de l’horreur ? »

Commencer au plus près pouvait sûrement aider que de partir drastiquement à l’opposé. Tout du moins, c’est ce qu’il en pensait et son conseil n’était là que si Louis le désirait, sinon il pouvait tout aussi bien l’ignorer ou le mettre de côté, Feliciano le comprendrait sans problème.

La main tenant le pinceau avait repris sa course sur le tableau, et quelques lignes de couleur bleue s’estompaient lentement, devenant plus pâle, à l’image d’un ciel d’été clair, sans encore de trace de nuage. La question reçu une réponse assez immédiate et positive.

« Bien sûr ! » Feliciano n’était jamais très dérangé qu’on le regarde peindre quand il ne s’agissait pas de devoir à rendre, où il y trouvait un plus grand stress. « Ça ne m’embête pas du tout tu sais, surtout si ça peut t’aider ! »

Le peintre n’avait aucune prétention, et ne se pensait pas inspirant, il peignait pour le plaisir, pour lui, pour apprendre et s’amuser. Seulement, il en était conscient, les sources d’inspirations pouvaient être partout, dans n’importe quoi et n’importe où sans que ce ne soit lucide pour autant. Alors il était prêt à laisser le plus âgé observer sa peinture en construction, si cela pouvait le mettre sur la voie d’une nouvelle idée, Feliciano n’en serait que plus heureux !

« Souvent j’utilise la musique pour m’inspirer, j’imagine des dessins avec ce que j’écoute. »

Plus généralement, les musiques de son frère, qui était un amateur de classique, ce qui donnait un grand nombre d’idée au jeune roux. Pour lui il s’agissait d’un puit sans fin d’inspiration, qui l’amenait dans d’autres mondes. C’est d’ailleurs l’un des albums de son jumeau qu’il écoutait avec ce tableau, car il lui rappelait leurs sorties à la plage lors de leurs jeunes années insouciantes. Un souvenir agréable pour Feliciano, qui lui permettait de mettre toute sa joie dans la peinture.

Une petite idée fourmilla dans son esprit, et ses lèvres prirent la parole, l’exprimant d’un ton doux et qui désirait aider.

« Si tu veux essayer, on pourra changer la mienne pour une qui te conviendra mieux ? »

Cette petite onomatopée attire un regard inquisiteur vers Louis, le temps qu’il s’expliquer. D’ailleurs, cela tire un petit rire à Feliciano, comme les autres, Louis devait le voir comme un petit ange qui écoutait des symphonies classiques, ou alors des musiques plutôt pop. Quelque chose de pétillant, à son image.

Feliciano avait parfaitement conscience des goûts musicaux de son ami, il ne s’était jamais trop caché avec lui, car il n’y avait rien à dissimuler. Cela faisait parti de lui, de son caractère, de son intégrité toute entier, et Feliciano était la dernière personne pour juger cela — surtout qu’il détestait le faire.

Avec un petit sourire il dépose son pinceau sur la petite table, pour se saisir de son téléphone qu’il sort de la poche protectrice.

« Tu sais, j’écoute une grande variété de genre musical. »

Après tout, il n’avait pas pris l’option Arts et Musiques Magiques pour rien. Louis aurait dû être le premier au courant que l’habit ne faisait pas le moine, et cela concernait tout aussi bien Feliciano. Évidemment, il avait ses petites préférences, comme tout le monde, mais il restait un être éclectique dans bien des domaines !

Il marque une petite pause alors qu’il semble chercher dans son smartphone un dossier bien particulier, avant de le tendre à Louis.

« Et du métal aussi. »

L’autre Strixyst peut avoir le loisir de lire tout un tas d’artiste et de chanson du genre métal ou hard rock, ce qui ne convenait pas réellement à l’image que donnait Feliciano, il fallait l’avouer. Le plus jeune pouvait le concevoir, on ne l’imaginait pas écouter ce genre-ci dans son casque lorsqu’il peignait tranquillement. Pourtant, cela lui arrivait, il savait apprécier. La musique l’aidait dans ce qu’il produisait, pour s’immerger dans ce qu’il dessinait. Mais cela ne l’empêchait pas on plus, des fois, d’avoir quelque chose d’hors sujet dans ses oreilles, juste car il aimait la mélodie.

« Ce n’est pas la musique qui fait mon tableau. C’est l’intention que je lui donne ! Du métal ne changera rien si je n’en ai pas envie. »

Le septième année hausse légèrement les épaules. Il n’irait pas obliger Louis à mettre de la musique s’il ne le désirait pas, mais il souhaitait lui faire comprendre que cela ne lui changerait rien dans le cas inverse.

« Je dois aussi dessiner de l’anatomie, et on va dire que pour accompagner des os, le métal peut faire l’affaire. »

Son sourire se fait plus espiègle à cette idée. L’esprit libre qu’était Feliciano pouvait sauter d’un projet à l’autre sans aucun problème. Reprendre plus tard était aussi un moyen de découvrir des défauts qu’on ne voyait pas sur le moment, et il savait apprécier cela. Toutefois, il comprenait ce que Louis voulait dire, que cela ne l’aiderait pas.

« Qu’est-ce qui pourrait t’aider alors ? Un autre genre de musique ou totalement autre chose ? »

Feliciano était prêt à abandonner ses projets pour venir en aide au plus âgé, sans même se retourner ou y penser plus que cela. Son altruisme n’avait aucune limite, et il savait qu’il ne regretterait pas. Après tout, ce n’était que du loisir pour lui à la base, il ne travaillait pas pour un cours. Il s’avançait tout juste pour son futur cursus.

Alors il pouvait aider Louis à trouver l’inspiration ! Il en faisait son nouveau devoir.

Feliciano attendait avec une petite impatience la réaction de Louis lorsqu’il découvrirait les titres dans son téléphone qui ne collaient absolument pas à ce qu’il apparaissait. Comme quoi, ne jamais se fier aux apparences, un livre est beaucoup plus que l’on pense.

Et l’air étonné de son comparse amusa probablement un peu trop le jeune peintre en herbe. Toutefois, il se garda toute remarque et le laissa fouiller dans sa playlist, et se contenta de ranger son espèce de plan de travail qui ressemblait plus à un débarras de peinture.

La révélation ne sembla pas surprendre Feliciano, car il avait déjà été témoin de personne préférant le silence pour se concentrer. Des fois parce qu’iels se retrouvaient pris·es dans la musique, ce qui n’était pas bénéfique pour leur activité. L’instrumental était alors à privilégier dans ces cas-ci, comme ce qu’il utilisait aujourd’hui — bien qu’il s’agisse simplement d’un orchestre symphonique plus que d’une chanson à parole à l’origine. Feliciano n’aurait jamais pu se retrouver dans le silence, il l’abhorrait trop pour cela.

« C’est une façon de trouver l’inspiration comme une autre ! Même si on n’est jamais vraiment dans le silence… » Sa réflexion se tue d’elle-même dans sa gorge. Le silence était un concept abstrait en réalité, et il n’irait pas divaguer dessus pour l’instant.

Qu’il comprenne la procédure ou non, il la respecterait. Si Louis préférait qu’il mette ses écouteurs, l’Italien n’y voyait aucun inconvénient comme il l’avait déjà dit. Mais cela ne semblait pas être le problème de l’autre Strixyst.

Feliciano récupéra son téléphone, et laissa Louis faire son bonhomme de chemin dans sa réflexion, durant laquelle il n’était, apparemment, d’aucune utilité. Son cellulaire portatif repris sa place dans sa pochette de protection, sans pour autant qu’il ne rallume la musique pour l’instant. La question posée fait redresser la tête du plus jeune, posant un regard pris entre deux émotions, la surprise et l’engouement. Un bien drôle de mélange.

« Pas du tout ! C’est même une super idée ça ! »

Il claque alors ses mains entres elles, un sourire décorant son visage, l’illuminant un peu plus. Accompagnant la pensée de Louis, le Strixyst s’exprime avec toute sa joie.

« Ce serait comme les livres pour enfant ! » Il se rend rapidement compte qu’il n’y avait pas que les enfants qui lisaient ce type de bouquin, et il rit doucement. « Il y en a pour adulte aussi, pour expliquer plus facilement certaines choses. Comme ceux sur les inventions de Leonardo da Vinci ! » Feliciano commençait déjà à s’emballer, se rappelant les joies qu’il avait éprouvé en découvrant ses propres bouquins offerts par ses parents. « J’adore ce genre de livre, j’aime les illustrations, c’est pratique… Et joli ! » Se reprend-t-il bien rapidement.

Il se déplace légèrement sur le côté, pour laisser pleine vue sur sa peinture inachevée pour l’instant, qu’il reprendrait bien assez rapidement.

« Est-ce que tu veux que je tourne le chevalet vers ton siège ? » Feliciano pensait cela plus simple que de faire se déplacer Louis, le siège et l’ordinateur. S’il avait choisi cette place au préalable ce n’était pas pour n’importe quelles raisons.

« Pas de problème ! »

Avec un sourire aussi illuminé que le soleil l’Italien s’afféra à bouger son chevalet de sorte à ce qu’il rencontre la vue de l’écrivain sur sa chaise, tout en restant assez de biais pour que lui ne bloque pas le tableau des yeux de Louis. Une fois cela fait, que leur petit arrangement sembla parfait à tous les deux, Feliciano réalluma sa musique classique, douce et calme, telle une petite rivière et s’arma de son pinceau pour continuer les lignes de l’eau, encore brutes, pas assez lissés, polies pour l’instant.

Lentement l’image de cette eau qui animait ses souvenirs prenait forme, cette mer dans laquelle, petit, il pouvait y passer des heures à nager, ramasser des coquillages, manquer de marcher sur des oursins ou encore jouer avec son frère à se jeter de l’eau dessus ; de temps à autres leurs parents venaient avec eux, les amenant plus loin sur un pédalo, là où ils n’avaient plus pieds et devaient absolument rester dans l’embarcation ou alors sur une bouée, qui prenait souvent la forme d’un aliment.

Le souvenir anima un sourire sur les lèvres pales de l’Italien, au même moment où la question flotta dans l’air quelques secondes et que celui de Feliciano se fit quelque peu surpris, sortant de ses pensées nostalgiques. Toutefois, il ne fallu pas plus de cinq seconde à l’artiste à la chevelure de feu pour se tourner vers son camarade violet, avec cette risette qui brillait toujours sur son visage.

« Ça ne me dérange pas ! Pose toutes les questions que tu veux, préféra avancer le plus jeune en premier, pour rassurer son compatriote de maison. C’est la plage où on allait tous les étés avec ma famille quand j’étais petit. Avec les vacances organisées par l’école c’est maintenant un peu plus difficile de continuer nos traditions d’avant. Pas que je me plaigne ! s’alarma Feliciano, de peur que Louis le pense ingrat des vacances aussi magiques qu’offrait l’école. J’adore aller en vacances avec tout le monde, c’est amusant et ça on peut voir comment se comportent les autres quand il n’y a pas la pression des cours. »

Un petit sourire secoua le Strixyst, quelques souvenirs de vacances avec ses camarades et ami·es, qu’il avait pu découvrir sous un bien nouveau jour, avec plaisir de les rencontrer sous cet angle.

« On essaye d’y retourner de temps en temps, quand Lovino rentre en même temps que moi, mais c’est un peu plus difficile cette année avec les ASPICs qui approchent, et puis Lovino fait sa vie…, un simple soupir passa les lèvres du plus jeune avant qu’il ne le transforme en sourire. Mais ça ne nous empêche pas d’avoir beaucoup de souvenir et de photo de là-bas ! J’ai même appris à nager dans cette mer, je me souviens comme j’avais très peur et en même temps j’étais excité d’apprendre ! »

Encore une fois, le plus jeune se perdit dans ce souvenir, accroché aux bras de son père, les pieds battant dans l’eau alors qu’il retenait cette peur qui montait sournoisement en lui, cette idée qu’il ne toucherait plus le sable au fond de l’eau le terrifiait — encore plus que la maladie de sa grand-mère dans l’instant même —, mais c’est avec courage et bravoure qu’il affronta l’eau sans que son père ne soit très loin en cas de besoin, mais ce ne fut presque pas le cas.

Feliciano aurait pu rester dans l’eau pour la vie, il s’agissait de son élément, celui dans lequel il se sentait le mieux.

Le bleu chaleureux de la toile prenait doucement forme alors qu’il épongeait délicatement les vives couleurs, pour adoucir la mer étincelante qu’il essayait de rendre aussi belle, si ce n’est plus, que celle qui flottait dans ses souvenirs. Peut-être sublimait-il ces réminiscences, mais le petit soleil personnifié n’en prenait pas grand cas, beaucoup de ses grandes joies prenaient place sur cette plage, lorsqu’il s’entendait encore parfaitement bien avec son jumeau, avant la déchirure. Malgré cette pensée négative, il conserva un sourire brillant aux lèvres, comme s’il n’était pas atteint de voir son propre jumeau le repousser — au fond, il savait que Lovino se souciait de lui, qu’il ne le détestait pas, il ne savait simplement pas comment montrer et contrôler ses émotions.

Les questions de Louis ne dérangeait pas l'italien à la peau brunie par le soleil, et il y répondait avec un enthousiasme qu'il n'aurait su feindre, encore moins lorsqu'il lui parla de leurs traditions de Noël, que même le joug d'un mage noir ne pourrait les empêcher de rentrer dans leur maison pour le fêter. Noël faisait partie des traditions à laquelle la famille Vargas s’adonnait particulièrement, peut-être le sens premier était passé à la trappe, mais ils se réunissaient pour passer un moment en famille, s’offrir des cadeaux, manger ensemble dans la joie, la bonne humeur et surtout devant le feu de cheminée qui illuminait la pièce, les visages heureux de tous, et qu'il s'agissait bien de l'une des deux seules qu'il avait le loisir de fêter avec son jumeau, car sinon, effectivement ils ne rentraient pas souvent en même temps.

Tout en racontant cela, il changeait de pinceaux et de couleurs avec une facilité surprenante, Feliciano était un jongleur avéré quant il s’agissait de changer ses instruments d’art, cela lui venait avec un naturel presque brillant. Puis il entama la seconde tradition qui réunissait toute la famille, celle de la Befana, cette sorcière qui apporte un bonbon aux enfants au comportement bon, et qui punie d'un charbon ceux qui étaient de mauvais enfants. Bien qu'il s'agisse plus d'une légende moldue, les Vargas s'y adonnaient tout de même, pour étendre la culture de leurs enfants, qu'ils ne restent pas dans celle magique qui les entourait bien plus depuis leur enfance.

Le sourire et regard illuminé de l’italien alors qu’il racontait une légende de son pays semblait comparable avec la chaleur du soleil, parler de son pays, de sa langue ou de son folklore était une chose qu’il appréciait toujours. Sur son dessin dont la mer prenait une forme luisante, il vint ajouter du blanc pour éclaircir quelques parties de la mer, donner l’aspect de l’écume qui revenait avec les vagues d’un bleu pétillant, le soleil personnifié dans ce corps malingre vint même en déposer sur le haut du tableau pour commencer des nuages, d’un blanc immaculé comme la neige d’un igloo.

Le Violet au sourire immense, continua la discussion avec son interlocuteur, en essayant de le déranger le moins possible lorsqu'il lui prenait l'idée d'écrire quelques mots sur sa page bien vide, toute blanche comme le talc pouvait l'être dans certaines circonstances, ou aussi transparent que des lunettes. L'après-midi passa à une vitesse que ne remarqua pas Feliciano, trop pris dans son tableau et l'échange que lui offrait son camarade de maison avec douceur et calme, comme il avait l'habitude d'être — tous deux ne partageaient que cette première, car Feliciano était pourvu d'une énergie qui semblait bien sans limite. La force de l'estomac de l'italien fini par les convaincre de se rendre au réfectoire tous les deux, tout en continuant de parler, même si le sujet avait dérivé.