Cela fait désormais un moment que Steve a réalisé l'un de ses rêves : trouver un appartement à Brooklyn. Il est loin d'être grand, loin d'être dans un état parfait, loin d'être l'endroit où l'on peut penser qu'un super-héros puisse habiter. Autant dire qu'il a reçu de nombreuses remarques à ce sujet, de la part de Tony. Forcément, le milliardaire est loin de partager les mêmes idées que le captain sur l'endroit à loger : avec les journées et les missions, il est agréable de pouvoir rentrer dans un lieu agréable, équipé de tout le confort parfait, de la dernière technologie, qui est pour lui, tout à fait mérité. Et c'est une vision que Steve peut comprendre, sûrement. Mais entièrement le partager ? Non.
Après tout, il sait qu'il ne va justement pas vivre souvent dans ce logement, si déjà il peut y dormir une semaine, c'est un véritable exploit. Cela dit, il est d'accord sur la remarque du confort, ils ont simplement une… vision différente des choses. Steve ne souhaite pas vivre dans le luxe, ce n'est pas ce dans quoi il a appris à vivre et il se sent très bien ainsi. Tant qu'il se sent à l'aise, chez lui, c'est ce qui compte à ses yeux. Il n'oublie pas non plus le fait qu'il a enfin l'occasion de vivre à nouveau dans le lieu où il a grandi, lointain dans le passé commun. Comment peut-il se plaindre ? Il a tout ce qu'il souhaite, dans cet appartement. Cependant, il peut bien sûr oublier de faire des réunions avec son équipe ici, le centre Stark est sans aucun doute le lieu préférer de l'ensemble de ses camarades. Sûrement peut-il oublier de les inviter juste pour une soirée, aussi. Il n'est même pas sûr que tout le monde rentrerait à l'intérieur après tout.

Mais cela n’empêche visiblement pas une personne de venir aussi régulièrement que possible. Cela dit, est-ce bien surprenant ? Bucky vient de la même époque que lui, ils ont passé leurs enfances ensemble, se sont battus ensemble – pas juste en tant que héros, mais aussi en tant que soldats, ils ont été élevés dans ces mêmes valeurs de se contenter du nécessaire, ils ont appris à vivre ainsi. Même si l’adaptation n’a pas été simple, pour l’un comme pour l’autre, que leur époque manque parfois, ils savent qu’ils ont aussi de la chance d’être ici, de pouvoir avoir plus qu’ils ne l’auraient pensé avant. Alors, pourquoi s’en plaindre ?

Bucky s'est lui aussi installé à New York City, mais Steve ne pense jamais à lui demander où exactement, car son petit-ami passe tellement de temps de son appartement, qu'il oublie qu'il ne vit pas réellement ici. Quand il part, c'est pour des missions. Ensuite, il rentre chez lui récupérer des affaires et revient ici, comme si tout cela était normal – à la seule différence qu'il ne l'aide pas à payer le loyer. Le Captain ne s'en plaint pas, loin de là. Il adore pouvoir passer du temps avec lui, passer ses doigts dans les cheveux longs du soldat de l'hiver, être dans ses bras, installé sur son canapé à ne rien faire de plus que se reposer lorsqu'ils le peuvent. Ces jours ne sont pas nombreux, alors ils en profitent à chaque fois, ils essayent d'être un couple d'êtres humains tout à fait normaux, ils font les courses, se lavent ensemble, rien ensemble, jusqu'à ce que le devoir les rappelle. Dans ces moments, ils travaillent en tant que co-équipiers et rien d'autre, pour assurer leurs tâches. Ils fonctionnent ainsi, dans les missions les plus simples jusqu'aux plus difficiles.

Voilà pourquoi Steve aime cet appartement, également. Car tous les deux se sentent assez bien à l'intérieur pour laisser leurs peurs, leurs craintes ressortir quand elles le veulent. Certaines nuits sont plus difficiles que d'autres, parfois l'un se réveille à cause des souvenirs de la guerre, de ce qu'il a vécu là-bas, sur-le-champ ou emprisonnés, parfois l'autre se réveille, pris de culpabilité et de remords quand une mission n'a pas eu le succès escompté et des vies en ont alors payé le prix. Leurs proches peuvent savoir, se douter de ce qu'ils ont, mais aucun des deux ne les laisse apercevoir cette partie-là, c'est peut-être même un cas général. Ils ne peuvent pas se le permettre.

Alors, quand ils le peuvent, dans ce petit appartement, ils se laissent dévoiler leurs faiblesses, leurs peurs. Ils savent réagir, car ils partagent cette même douleur. Ils savent se consoler, ce qu'ils doivent dire, qu'ils doivent attendre que l'un s'exprime et l'écouter pour agir de la meilleure des manières. Ils ont accepté ce quotidien et l'envers du décor qu'il cache oui, mais pour le surmonter chaque jour, ils ont besoin de soutien et c'est ce qu'ils apportent. Steve sait à quel point son amant aime qu'on lui caresse les cheveux dans ces moments, en restant allongé dans leur lit. Il sait qu'après s'être calmé, Bucky apprécie de le voir sourire doucement, pour le rassurer et lui parler en pensant sincèrement chaque mot sortant de ses lèvres.

« Ce que nous vivons est réel, nos combats le sont Bucky, nos défaites comme nos victoires. Nous ne pouvons pas toujours empêcher le pire d'arriver, ni effacer ce que nous avons fait. Mais nous pouvons avancer, nous améliorer, ensemble. Car ce que nous avons ici est tout aussi réel, tout aussi vrai et nous devons profiter de chaque instant passé l'un avec l'autre. »

En quelques sortes, cela l'aide également à se calmer et à y croire tout autant. Ça, et aussi les étreintes de son petit-ami pour tout avouer. C'est sans doute ce qu'il préfère de son côté, car il n'a pas encore trouvé mieux que Bucky pour les câlins – il faut dire aussi qu'il ne cherche pas à savoir s'il y a mieux. Bien que ces moments soient durs, ils prennent soin l'un de l'autre et font en sorte de transformer cet instant en quelque chose de plus doux et réconfortant. Ils continuent alors de se parler, ils parlent de tout et de rien, ils rient en se souvenant de ce qu'ils vivent ici, des gaffes et maladresses, des tendresses, des tests culinaires plus ou moins ratés, brûlés puis finalement réussi après maintes et maints essais. Ils imaginent ce qui peut arriver ensuite et même comment ils peuvent arranger certains points de cet habitat.

Alors, finalement, Tony peut bien se moquer autant qu’il veut de cet appartement, mais Steve n’en a vraiment que faire. Car ici, il y trouve le bien-être, la chaleur, la vie, un endroit paisible et tranquille qui le repose à l’instant même où il pose un pied à l’intérieur. Ici, il y trouve désormais ses souvenirs, agrémenté de photographies (des « selfies », apparemment), de décorations, de dessins. Il y trouve celui qu’il aime. C’est un endroit où il peut être lui, retirer ce costume pendant un petit temps, ne plus être Captain America, mais simplement Steve Rogers qui est un citoyen presque comme un autre. Il ne manque de rien, ce petit appartement. Sauf…

« Bucky, que dirais-tu d’enfin payer le loyer avec moi ? »

« - Papa, papa, on va voir la mer ? »

Une situation des plus banales dans le doux foyer suédois. La petite tête blonde, dont le reflet des étoiles semble avoir été déposé dans ses prunelles en cet instant, s’accroche férocement au pantalon de son père. C’est une enfant très têtue, prête à tout pour faire craquer ses parents lorsqu’il s’agit d’obtenir ce qu’elle veut. Certains la qualifieraient de capricieuse, d’autres d’une jeune fille futée pour son âge. Sûrement bien trop gâtée, la fillette n’a pourtant pas du tout conscience des charmes et des stratégies enfantines qu’elle emploie. Peut-être cela viendrait avec le temps, seul l’avenir le sait vraiment. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a nul doute qu’elle est destinée à être aussi charmante que sa mère.

Toujours est-il qu’il est déjà difficile à son paternel de résister à sa demande, quand bien même les conditions météorologiques s’y opposent. Non qu’une véritable tempête sévisse dans la contrée scandinave, seulement quelques nimbostratus, nuages annonciateurs de pluie et de neige, s’avancent à l’horizon. Ce qui, compte tenu des températures hivernales, n’est pas propice à une balade sur la plage.  Encore moins avec une petite fille de 5 ans. Aussi rayonnante soit-elle, sa lumière ne pourrait chasser le mauvais temps qui s’annonce.

« - Non Lykke, il fait bien trop froid dehors et je ne veux pas que tu tombes malade. »

Berwald la prend dans ses bras, dans l’espoir de calmer la potentielle crise que pourrait piquer sa fille. A l’instar de sa mère, Lykke est capable de s’emporter assez vite, mais aussi de se calmer aussitôt qu’une marque tendre d’attention à son égard comme un câlin lui est adressé. Ainsi sont les femmes de cette maison : elles font beaucoup de bruits et fondent au moindre geste d’affection. En somme, de belles fleurs sensibles. L’homme blond dépose alors un bisou sur la joue de sa protégée, lorsque celle-ci fronce les sourcils et croise les bras de mécontentement.

« - Allons Berwald, tu exagères, il ne fait pas si moche dehors ! Nous n’aurons qu’à bien nous couvrir. Et puis, si jamais il se met à pleuvoir, nous n’aurons qu’à rentrer ! Nous ne sommes pas si loin de la mer après tout ! »

Ainsi rentre dans la pièce le véritable soleil du suédois, irradiant la cuisine par son sourire et son petit rire moqueur : Marlene. Quelle adorable personne, aussi bien physiquement que dans ses valeurs. Il n’est pas bien compliqué de comprendre pourquoi le cœur de son compagnon s’était épris d’amour pour elle. Toujours vouée de bonne intentions, elle dégage un certain charme qui ne l’a fait pas passer inaperçue. Ce qui est tout à son avantage, puisque la danoise aime plaire et savoir qu’elle plait. La blonde savoure le fait d’être au centre de l’attention, contrairement à son conjoint. S’il y a bien une personne à laquelle il est difficile de résister, c’est bien ce bout de femme au tempérament bien trempé. Elle s’accoude gracieusement à l’épaule de son aimé, armée de son irrésistible sourire et de ses yeux de biche se plantant dans ceux bleu-vert de Berwald, lequel soupire en baissant la tête, les joues légèrement plus rosées qu’à l’accoutumée.  Vraiment, il lui est difficile de dire non aux deux amours de sa vie.

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Et voilà comment la petite famille se retrouve les chaussures dans le sable. Une légère brise souffle sur la plage, imprégnant leurs poumons d’air iodé. Plus qu’heureuse, l’enfant déambule sur la plage en courant, s’extasiant devant chaque petit détail que le lieu puisse offrir, tandis que ses parents la suivent d’un pas plus lent, Marlene accrochée au bras de Berwald.

« - Ne t’éloigne pas trop, Lykke ! »

Lykke. Ce prénom n’a rien d’anodin, lorsque l’on sait que qu’il s’agit du mot « bonheur » en norvégien. Car, bien évidemment, c’était cette atmosphère qui s’était emparée de la maison lors de l’arrivée dans ce monde de la tête à la chevelure blonde de sa mère, et aux yeux couleur aquamarine de son père. Le travail, et plus généralement la grossesse avait été tout sauf une partie de plaisir paradoxalement. Non que l’enfant ne fût pas désirée, bien au contraire. Seulement, les taux d’hormones se plaisaient à fluctuer tout au long des mois, ce qui n’arrangeait en rien l’humeur de la pauvre future mère, déjà bien sensible. Fort heureusement, il n’y avait eu aucune complication médicale de quelque mesure que ce soit, juste des sauts d’humeur plus qu’impressionnants et redoutables.

« - Maman, maman, regarde ce que j’ai trouvé ! Je suis sûre que tu es encore plus super belle avec ça ! »

La demoiselle tend à sa maternelle, avec un grand sourire, l’un de ces conques qui se présentent parfois à quiconque sur l’étendue sablée se trouve assez chanceux. Certains prétendent que la mélodie des océans se dévoile à la personne qui pose le coquillage sur son oreille, tandis que d’autres taillent le matériau pour en faire un instrument musical. De calibres divers et aux motifs variés, celui présenté par l’enfant est assez modeste, sa taille lui permettant de pouvoir se choir dans une main de chérubin, et dont les cavités, creusées par l’érosion et toute une succession de réactions chimiques, sont nombreuses, dévoilant des reflets nacrés.

Marlene le prend dans ses mains en remerciant chaleureusement sa progéniture, avant de l’examiner sous toutes les coutures, et de finalement le porter à son oreille afin de l’y déposer. Le nacre, présent dans le conque, pouvant briller selon l’angle sous lesquels les rayons du soleil viennent le frapper, le bijou de la nature plait immédiatement à la femme. Elle n’est pas artificielle et avide de luxe pour autant, elle apprécie la beauté en chaque chose, peu importe sa nature. La danoise se tourne alors vers son bien-aimé.

« - Alors, comment me trouves-tu ? »

Voilà une question bien rhétorique selon Berwald. Ne peut-il la qualifier d’autrement que sublime ? Oh, magnifique peut-être. Peu importe le mot précis qu’il puisse employer, ils se confondent tous une fois arrivés à la barrière formée par ses lèvres. De toute façon, existe-t-il un adjectif capable de décrire sa bien-aimée ? Sûrement pas. Elle est bien trop de choses à ses yeux pour pouvoir se contenter d’un seul terme pour donner son opinion sur sa personne. Depuis le temps que le couple était formé, à savoir quelques années maintenant, on aurait pu penser qu’il aurait pu poser des mots sur ce que pouvait être Marlene. Bien entendu, c’est le cas ! Cependant, malgré tout ce temps passé ensemble, elle ne cesse de le surprendre et de l’émerveiller chaque fois que ses yeux se posent sur elle, comme un charme intemporel dont il serait une heureuse victime.

« - Atchoum !!! »

Un éternuement dont l’origine ne pouvait être que Lykke l’arrache de sa contemplation, révélant au passage que ses craintes émises plus tôt dans la journée étaient bien fondées. Ni une ni deux, Marlene est la plus rapide à sortir un paquet de mouchoirs et aider leur fille à se moucher. Une mère née, à n’en point douter. Douce, chaleureuse, et attentionnée, il lui manque que la patience pour être la mère parfaite.

C’est ainsi que l’adorable petite famille qui ne le sera plus tant que cela dans quelques mois, écourte sa balade et regagne son foyer juste avant les premières gouttes de pluie n’atteignent le sol.

Il y a de ces nuits sans sommeil où les souvenirs refont surface, des moments de vies oubliés par tous qui n’appartiennent alors qu’à toi et à tes insomnies. Il y a de la poussière sur les meubles et autres malles et les tissus des rideaux sont délavées depuis longtemps. Essuyant du bout des doigts les marques du temps et le fin film blanc qui recouvre les lieux, tu sens ton cœur te serrer.

Il y a sûrement une pointe de tristesse derrière les émotions que tu caches en toi. Cette impression que tous ses récits du passé s’estompent peu à peu, que ta mémoire te fait défaut, que le vide devient de plus en plus présent. Ce goût d’inachevé, cette félicité que tu cherches à retrouver.

D’une maladresse qui t’est peu commune, tu échappes le verre en cristal dont le tintement résonne dans la pièce. Une goutte de carmin apparaît sur la pulpe de ton pouce, te faisant pousser un juron. Certaines habitudes ont la vie dure. Tu regardes les larmes vermeilles tachées le parquet usé avant de les porter à ta bouche. Le goût amer te donne la nausée. Il y a de ses sensations auxquelles on ne s’habitue jamais. Les effluves du rhum sont toujours les mêmes quand tu débouches la carafe passée, buvant à même le goulot. L’alcool te brûle la gorge et te fait tousser.

C’est pathétique. Tu observes, impuissant, les ravages des années. Les guerres et les conflits ont eu raison de ce qu’il restait du monde. Tu endures la souffrance. La tienne. Celle de ton peuple. Celle des personnes que tu aimes et qui ont aujourd’hui disparu. Tu aimerais que tout cela se termine. Tu aimerais que cette bataille soit la dernière et qu’elle t’emporte avec elle.

Un brouillard d’eau salée trouble ta vue. Quelle ironie que tout se termine ici. Que tout se termine là où tout a commencé. Dans cette forêt magique où tu as passé les premières années de ta vie. Il n’y a plus d’oiseaux qui ne chantent ni de licornes qui viennent te rendre visite. Encore moins de fées pour t’offrir des fleurs ou d’animaux pour te réconforter. Douce innocence de ton enfance où rien n’avait d’importance.

Mais tout cela n’était qu’une utopie de ton esprit brisé. Il y avait aussi eu la violence et l’incompréhension. Une famille brisée dès tes premiers jours. Cette peur quotidienne, cette colère qui t’avait consumé. Vous étiez des Nations et tu avais vite compris ce qu’il en était. Ne pas avoir d’état d’âme, jouer de ses alliances, de sa puissance. Charmer aussi parfois. Un sourire. Un geste. Une danse. Un baiser.

Ton regard ternit d’allume d’une étincelle déplaisante. Résurgences des moments les plus troubles de ta vie. Un rire presque fou franchit la barrière de tes lèvres. Tu as fait de ton corps une arme, tu l’as paré de cicatrices comme un auteur noircit les pages d’un livre. Tu as pansé tes plaies sans même t’assurer que les dernières s’étaient effacées, à coup de combat tous plus destructeurs les uns que les autres. De voyages au confins du monde connu aux luttes intestines au sein de ta propre maison, tu n’as jamais voulu rendre les armes.

La soif du pouvoir t’a dévoré autant qu’elle t’a détruit, te faisant faire encore et encore les mêmes erreurs. Envoyant toujours plus d’homme à la mort pour des idéaux aujourd’hui disparus. Et chaque combat, qu’elle soit sur un champ de bataille ou dans la chaleur de tes draps, tu peux te les remémorer. Chaque personne, chaque nom, eux, restent ancrés. Et malgré tout ce que fais pour les oublier, ils reviennent te hanter, encore et encore.

Leurs visages et leurs voix résonnent comme une litanie sans fin. Bas peuple ou de haute naissance, tu les as tous aimés de la même manière. Tu as pris ce risque inconsidéré de te mêler à eux, n’étant qu’un jeune Anglais parmi d’autres. Oubliant la bienséance, les belles paroles emplies de miel et de fiels qui attendait la moindre occasion pour se déverser. Tu t’es brûlé les ailes et tu as recommencé. Et puis c’est trop tard pour regretter.

Tes jambes ne te portent plus. Tu cherches de l’air.

Et qu’as-tu fait de ton cœur dans ses périodes d’accalmie, dans ses moments de paix si bref ? Tu as repoussé l’échéance, cherchant à voler du temps au temps. Te perdant dans la frénésie du moment présent. Ne pensant plus aux conséquences de tes actes, oubliant qui tu étais. Tu as jeté tes idéaux, rejeter qui tu étais pour mieux te retrouver.

Les souffles se mélangent, vos corps se rapprochent dans une danse sensuelle. Ta main, tendue devant toi, ne happe que le vide. Il n’était qu’un appel à la débauche où bien étais-ce que tu avais envie d’appeler Amour ? Ton esprit s’embrouille. Tu te souviens de ses gestes tendres, de l’odeur de son parfum qui persistait des jours après son départ. De cette maudite odeur de roses… De la fragilité de ses confidences, de ses mots baignés de souffrance. La démesure de votre audace et l’intensité de votre affection. L’outrage à vos sentiments pendant tant d’années.

Tu murmures du bout des lèvres son prénom. Tu cherches sa présence dans cette pièce éclairée que par l’astre lunaire, balayés par le vent froid et humide. Mais il n’est pas là. Qu’attendais-tu tant ? Tu as disparu plein d’amertume et de fureur, tu as abandonné tout ce(ux) en quoi tu croyais. Et maintenant tu es seul. Tu es seul. Il n’y a plus personne. Personne pour illuminer ton regard vert une dernière fois, personne pour t’arracher un infime sourire.

Ta tête dodeline.

Tu ne sens pas la main chaude qui essuie les traces de larmes sur ton visage ni même cette veste élimée qui essaie de tiédir ton corps engourdi. Cette voix douce qui essaie de te faire revenir à lui, les mots maladroits prononcés dans ta langue natale teintée d’un accent que tu hais tant comme un dernier espoir.

C’est trop tard.

Ton monde s'est effondré et il t’a emporté dans sa chute.