Les cours étaient terminés depuis une bonne heure. Seulement, une petite demoiselle rousse se tenait encore dans l’une des salles de classe ; plus précisément, une salle de cours de Potions.

Ce n’était un secret pour personne que Lilwenn avait toujours eu du mal avec les potions : mauvais dosage des ingrédients, tours dans le sens inverse de celui indiqué… Peu importe le nombre de fois où elle relisait les instructions, il y avait toujours quelque chose qui clochait. Elle n’avait pourtant pas de difficulté particulière dans les autres cours, était même du genre à aimer ceux que tout le monde trouvait barbants, comme l’Histoire de la Magie. Mais les Potions… eh bien, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Au moins, elle pouvait toujours gagner un peu de points sur la théorie, puisqu’elle connaissait par cœur les propriétés des plantes et autres ingrédients utilisés.

En tout cas, malgré ses lacunes, Lilwenn ne baissait pas les bras, au contraire : elle redoublait d’effort pour les combler. C’est la raison pour laquelle, malgré la cloche qui avait sonné depuis longtemps maintenant, elle se trouvait toujours là, devant son chaudron, tournant les pages de son manuel de potions (de quatrième année, pas de cinquième année) afin d’en trouver une à réaliser, de préférence pas trop compliquée, pour se remettre tranquillement dans le bain. La Potion d’Aiguise-Méninges fut celle qui attira son attention. Si elle parvenait à la réaliser, alors elle pourrait l’utiliser durant l’année, ce qui serait un plus indéniable. Elle posa sa main sur la reliure, le temps de lire la recette. Elle alla ensuite chercher les ingrédients demandés, avant de revenir près de son chaudron, qu’elle remplit d’eau grâce à un Aguamenti parfaitement exécuté. Elle n’oublia pas d’utiliser un sortilège de feu afin d’allumer les flammes sous son chaudron. Elle reprit son livre pour lire les instructions à voix haute, étape par étape.

- Dans un chaudron rempli d’eau et sur le feu : 1, ajouter de la poudre brune jusqu’à ce que la potion devienne verte. Alors, la poudre brune…

Elle tâtonna entre les différents ingrédients un instant, avant de s’emparer de l’un des bocaux sur lequel était inscrit “Poudre brune”. Elle ne pouvait pas se tromper, n’est-ce pas ? Ah, la voilà qui s’inquiétait déjà… Lilwenn passa une main dans ses cheveux, comme pour se calmer. Si elle commençait ainsi, elle allait forcément faire une erreur ! Elle devait se ressaisir et avoir confiance en elle ! Elle prit une grande inspiration et laissa tomber la poudre dans l’eau, peu à peu. L’eau passa par plusieurs nuances… du brun, qui se nuança avec du orange, puis du jaune, et enfin du vert. Elle releva le bocal avec douceur, vérifiant un moment que la couleur ne changeait pas. Satisfaite, elle reprit :

- 2, ajouter de la bile de tatou jusqu’à ce que le mélange devienne bleu.

Jusqu’ici, ça semblait plutôt simple, même si Lilwenn aurait aimé de vraies proportions plutôt que de vagues explications. Les “pincées” de ceci et “poignées” de cela, elle n’aimait pas trop : personne n’avait la même taille de doigts ou de main, alors fatalement, ça s’en ressentait toujours sur le résultat final. Au Couvent, au moins, tout était indiqué au milligramme près. Bref. Elle attrapa le bocal de bile de tatou ainsi que la cuillère qui l’accompagnait. Elle versa doucement l’ingrédient, observant les couleurs changer. Vert, de plus en plus foncé, puis - soudainement - turquoise. Lilwenn hésita : était-ce plutôt vert, ou plutôt bleu ? Devait-elle continuer à verser de la bile de tatou dans son chaudron, ou se contenter de cette couleur ? Après un instant de tergiversation, elle décida de reposer le bocal.

- 3, ajouter des épines de porc-épic en poudre jusqu’à ce que la potion devienne rouge. Oh ! De porc-épic ? J’ai cru que c’était des épines de hérisson…

Elle prit le bocal d’épines pour aller le ranger, et récupérer le bon contenant. Cependant, lorsqu’elle revint près de son chaudron, elle remarqua que quelque chose n'allait pas : déjà, il y avait d’énormes bulles dans l’eau, alors que le feu n’était pas si fort, mais en plus, sa potion n’était plus du tout turquoise, mais rose ! Elle hésita un instant, puis… décida quand même de mettre les épines de porc-épic. Le rose, ce n’est pas si loin du rouge, quand on y réfléchit, non ? Elle ouvrit le bocal, et prit une bonne poignée de poudre qu’elle jeta dans l’eau.

Le bouillon se mit à gronder.

Les bulles étaient de plus en plus grandes, et éclataient de plus en plus violemment.

Et puis, soudain :

KABOOM !