La legilimancie est un enfer.

L’art de lire les pensées d’autrui, de se plonger dans les souvenirs d’un autre d’un simple regard et d’explorer la psyché peut, de prime abord, se montrer bien attrayant et nombreux sont les sorciers qui ont tenté de s’y initier. C’est un apprentissage long, frustrant, difficile ; la vaste majorité s’y casse les dents – d’autant plus que son instruction nécessite un enseignant pratiquant et que rares sont ceux prêts à partager leur savoir à ce sujet.
Pour ceux qui ne maîtrisent pas cette capacité, un legilimens est une source d’inquiétude. On peut même aller jusqu’à affirmer que pour le Ministère c’est une inquiétude constante : les personnes dotées de dons, qu’ils soient métamorphomages, animagus ou bien d’autres encore, sont assidûment surveillés et recensés. Ils sont, toujours d’après les autorités magiques, plus à même de mal tourner puisque les arnaques, agressions ou espionnages leur sont aisément accessibles.
Mais un legilimens ?
Une personne capable de lire les pensées, parcourir les souvenirs comme on parcourt un livre en sautant de page en page ?
Capable, dans les cas les plus extrêmes, de modifier les souvenirs ou les pensées, ou tout bonnement… Les effacer ?
Ce sont de véritables dangers publics.
Et il n’y a qu’une seule chose pire qu’une personne qui a appris la legilimancie à la dure avec plus ou moins de succès : un legilimens naturel. Une personne née avec ce don.
Comme Daria.
Oh, non. Sa vie n’était pas simple. Un simple regard croisé suffisait à lui apprendre involontairement bien plus de choses qu’elle ne le voudrait. Elle n’aimait pas les foules pour cette raison. Des pensées n’étaient pas siennes de mêlaient à sa propre réflexion. Trop de cris silencieux, trop d’idées qui lui déplaisaient. Elle préférait le calme, le silence et la solitude. Et un bon livre.

Le parc d’Iklukaan était parfait pour elle en cette saison : chaud mais pas trop et peu fréquenté. C’était son petit coin de paradis. Ce jour-là, un vent léger soufflait et offrait une sensation rafraîchissante. L’air embaumait le début de l’été. Les parfums entêtants des fleurs du Jardin des Quatre Saisons portaient jusqu’ici. C’était… paisible.
Assise sur un banc, un lourd pavé entre les mains et des écouteurs vissés aux oreilles, elle n’entend même pas l’élève  qui se rapproche d’elle et ce n’est que quand une voix l’interpelle qu’elle relève le nez de sa page pour jeter un coup d’œil aux alentours, non sans une vague inquiétude. Peu de personnes étaient au courant de son don dans l’établissement. Elle n’avait aucune envie de voir cette information s’ébruiter. Puis elle revient à lui.
Il avait l’air épuisé, le genre d’épuisement que les gens comme eux connaissaient et savaient reconnaître chez autrui. Un mélange d’insomnie, de mauvais rêves et de pensées obsédantes qu’il était impossible de se sortir de la tête. Il n’y avait guère besoin de longue explications, la simple mention d’aide et de souvenir suffisaient amplement pour que tout soit dit.

« Okkotsu. »

Une salutation courte, presque sèche, prononcée de son éternelle voix grave et traînante. Daria n’était pas connue pour sa douceur et son amabilité. Pas qu’elle soit réellement désagréable de prime abord, elle était simplement fermée et laconique.
D’un geste de la main, la psychomage invite Yuta à s’assoir à ses côtés et retire ses écouteurs avant de fourrer toutes ses affaires dans son sac. C’était sa façon à elle de montrer qu’elle était pleinement disponible, prête à l’écouter et à prendre le temps qu’il faudrait pour lui venir en aide. C’était son devoir en tant que membre du personnel, mais aussi en tant que personne qui pouvait sûrement le comprendre mieux que quiconque sur ce campus.

« Je suis toute ouïe. »