Mon amour,
J’ose espérer que cette missive ne tombera pas trop en retard dans tes mains, sait-on jamais où tu t’es retrouvé à vagabonder, on dira toutefois que c’est le but du jeu.
Voilà deux semaines que Ciri et moi nous sommes attelées à nos nouvelles occupations à Ilukaan, elle en tant qu’étudiante, moi en professeure de Sortilèges. Ainsi avait commencé sa première lettre adressée à Geralt une fois à Ilukaan, il y a deux ans de cela. Elle fut la première d’une longue correspondance entre Yennefer et son compagnon, ces deux-là étant quelque peu vieux-jeu, ils gardaient peu le contact par « voie moderne ». Depuis, le temps avait passé, ils continuaient de s’écrire en dehors des moments où ils se voyaient après de longs mois, lors de retraites bien méritées en Pologne en hiver et en été. La magicienne avait évoqué à de maintes reprises à quel point il serait idéal que toute leur petite famille se retrouve, le blanchet étant l’élément manquant au sein des murs de l’école canadienne. Elle voyait déjà le tableau, lui prenant un des postes libres de professeur de défense contre les forces du mal. Il était idéal dans ce rôle, le directeur ne prenait-il pas les meilleurs éléments pour son école après tout ?
Elle avait commencé par en toucher mot à Vincent Leroy avant d’en parler au principal intéressé, échafaudant ses plans dans l’ombre, comme à son habitude, ce qui lui était souvent reproché. Toutefois Yennefer en avait cure des critiques à son égard, elle filait telle une anguille entre les diatribes lui étant destinées. Mais c’est ce qui faisait son charme non ?
Il avait fallu flatter le mercenaire, le persuader de changer d’occupation pour un temps, peut-être cette nouvelle mission allait lui plaire. Un nouveau défi, plus grand encore que de chasser une guenaude aquatique ayant noyé des pêcheurs dans les eaux glacées d’un fjord au fin fond de la Norvège ou encore des esprits vengeurs hantant un puits et menaçant de contaminer tout un village à cause d’une quelconque malédiction.
Si Yennefer z Vengerbergu était l’une des meilleures quant à l’art de la magie pure, il allait de soi que Geralt z Rivii n’avait pas son égal dans sa catégorie.
Deux années.
Vingt-quatre lunes.
C’était le temps qu’il avait fallu pour que le Loup Blanc se décide à quitter les routes sur lesquelles il passait le plus clair de son temps à enchaîner les contrats les uns après les autres, pour s’établir en Nouvelle-Ecosse et attaquer sa potentielle nouvelle activité.
Evidemment, dès qu’elle eut appris la grande nouvelle, la dame aux cheveux corbeau s’était portée garante auprès du directeur pour le familiariser avec l’école et rattraper le temps perdu depuis.
Elle l’attendait donc aux portes de l’établissement. Le temps était encore chaud et portait encore les derniers vestiges de l’été avant que l’automne ne s’installe et fasse tourner les feuilles émeraudes au vermeil.
Comme à son habitude, la femme était toute de noir et blanc vêtue. Ses longues boucles noires descendaient en cascade sur son dos, contrastant avec sa chemise blanche de bonne facture qui fondait presque sur la blancheur de sa peau dont se démarquait son ras de cou de velours avec son sempiternel pendentif en forme d’étoile.
Elle se tenait droite, la tête haute, ses mains gantées posées sur ses hanches vêtues d’un pantalon noir ourlé de bandes immaculées sur les côtés. Ses escarpins noirs la grandissaient de quelques centimètres pour compenser sa petite taille.
Quand la silhouette bien connue apparut enfin, elle releva ses lunettes de soleil sur le haut de son crâne, dévoilant des yeux violets maquillés avec soin, ses sourcils irrégulièrement dessinés. Ses lèvres peintes de rouge s’étirèrent en un rictus qui lui était propre.
- Te voilà enfin. déclara Yennefer, ses yeux violets détaillant le blanchet de la tête au pied avant de se planter dans le regard doré.
Tu as su te faire attendre, Loup Blanc. avait-elle ajouté, sa voix étant teintée d’une affection non-feinte.