Le vendredi 13 Octobre, dans un hôpital de Kyoto, fut le jour où le monde assista à la naissance du petit Baset. Quand bien même la date de son arrivée horrifia plus qu'elle n'émerveilla sa famille et les infirmières, elle n'influença en rien la vie qui l'attendait.

Dernier né d'une très grande famille comportant un père et une mère, mais aussi quatre soeurs et deux frères plus âgés, le démon à en devenir aurait pu être destiné à être le petit chouchou de la fratrie.. mais ce n'était pas ainsi que cela fonctionnait chez eux. Venu tout droit de l'union de sa mère japonaise, Sachi et de son père de nationalité mêlée, Fajah, il eût la chance d'avoir pour paternel un sorcier de sang-mêlé et un métamorphomage. Malgré le manque de compétences de celui-ci dans la magie, il tenta tout de même de transmettre son savoir et faire découvrir son monde à ses enfants ; malheureusement, l'un d'entre eux fut découvert être un cracmol et le reste ne s'avéra pas avoir le même don que leur ascendant. Ce n'était, en tout cas, qu'une vérité pour les plus âgés. Son dernier espoir fut alors porté sur le jeune Baset, néanmoins même si ce dernier avait vu le jour durant un jour maudit pour beaucoup, le père priait pour qu'il ne soit plus le seul métamorphomage dans ce foyer.

Seulement, deux années après la naissance du dernier chérubin, l'entreprise dans laquelle Fajah Velvet travaillait fit faillite et les employés furent renvoyés. Ce fut une catastrophe pour la famille car, le père étant le seul à travailler et sa femme ayant décidé d'être femme au foyer vu toute la marmaille dont elle devait s'occuper, le peu de revenus qu'ils avaient allaient finir par complètement disparaître. Malgré les allocations familiales s'élevant à un équivalent de 380 000 yens, ne recevoir cette somme que trois fois durant l'année était largement insuffisant pour la petite fratrie qui peinait déjà avec seulement un parent employé. Un nouvel espoir naquit lorsque le père reçu une autre offre d'emploi - avec un revenu légèrement plus élevé que l'ancien - pour une entreprise se trouvant en Égypte.. le choix fut difficile car quitter son pays n'était jamais une chose aisée, mais si les parents ne voulaient pas finir sur la paille et se faire retirer leurs enfants, alors ils pourraient surmonter les nouveaux obstacles qui les attendaient.

Pensant retrouver une stabilité financière et une vie plus riche en acceptant cette offre, la famille partie alors pour l’Égypte. L'apprentissage de la langue fut dès plus difficile et seul Fajah Velvet parvint à la maitriser à contrario de Sachi Velvet qui ne connaissait que quelques expressions et mots, sans plus ; mais le plus difficile sûrement fut le dépaysement que les bambins ressentirent. C'était aussi clair que de l'eau de roche, ils n'aimaient pas leur nouveau pays d'accueil.. qui était loin d'être un paradis. Alors qu'au Japon, les parents pouvaient toucher un peu d'argent grâce au nombre élevé de mômes qu'ils avaient à charge, en Égypte c'était toute une autre histoire.. ils ne recevaient plus rien. Tout reposait alors sur les épaules du père qui n'avait d'autre choix que de s'intégrer au mieux. La mère de Baset tenta aussi d'aider son mari en enchainant les petits boulots de droite à gauche afin d'aider à payer les études de certains de leurs enfants, les deux plus vieux l'imitant pour rapporter aussi un peu d'argent à la maison.

Pourtant, malgré les problèmes financiers et toutes ces bouches à nourrir, la famille gardait la tête haute. Sachi Velvet, japonaise très attachée aux traditions et aux codes moraux de sa société native, avait instauré un système familiale basé sur le dépassement de soi et des autres mais aussi sur l'honneur, alors que Fajah Velvet avait opté pour la préservation de soi. Ils transmirent ces valeurs à leurs enfants depuis le départ, des "qualités" qui allaient grandement façonner la personnalité de Baset et sa vision des choses.
A la vue de la condition dans laquelle vivait les Velvet, ils auraient dû se soutenir et être solidaires, se tirer les uns et les autres vers le haut ; cependant, la façon dont les parents avaient appris à vivre à leurs enfants les dirigèrent plus vers l'individualisme et une rivalité toxique. Celui qui parvenait à faire mieux que les autres était récompensé et félicité, porté sur un piédestal, pouvant alors prendre de haut ceux n'ayant pas réussi à être à son niveau. C'était un peu comme une sorte de jeu, désormais, qui se jouait aussi bien entre frères et soeurs qu'avec les parents ; c'était à celui qui arrivait à mieux s'en sortir dans leur situation actuelle qui avait tous les honneurs.

C'est dans ce système-ci que le jeune métissé appris à grandir. Avoir de meilleures notes à l'école que ses frères et soeurs. Être autonome le plus tôt possible. Faire des coups-bas pour empêcher les autres de le dépasser. En tant que petit dernier de la famille, ce ne fut pas facile pour lui de réussir tout cela ; ses rivaux étaient plus âgés et avaient plus d'expérience, ils avaient l'avantage. Pourtant, le sale mioche sû faire preuve de plus de vivacité d'esprit et de fourberie qu'eux - alors qu'ils étaient bloqués par leur sens de l'honneur et leurs codes moraux, Baset comprit au fur et à mesure des années que ces termes n'avaient pas autant de signification à ses yeux qu'à le leurs. Ça n'empêchait pas pour autant une certaine complicité entre eux mais elle n'était que superficielle la plupart du temps et surtout pour lui. Ce que ses parents ne parvinrent pas à savoir, c'est qu'il était atteint d'un léger Trouble de la Personnalité Antisociale qui rendait leur petit dernier très peu enclin à avoir une quelconque forme de considération pour les autres sauf pour lui-même. Bien que ce trouble était encore invisible à son jeune âge, il était pourtant bien réel et grandissait avec le temps qui s'écoulait. Les relations entretenues avec d'autres individus ne servaient à rien d'autre qu'à le faire parvenir à ses fins. Il se fichait des conséquences que ses actions avaient sur la personne une fois utilisée. Ce n'est qu'avec le temps qu'il apprit à y faire plus attention pour ne pas subir le revers du bâton.

Les années continuèrent de passer sans que la vie de la petite famille et de celle de Baset ne soit perturbée par un évènement, tout du moins jusqu'à l'année de ses 10 ans. Alors qu'il venait de se faire demander par l'une de ses grandes soeurs de lui passer la télécommande et que le jeune garçon avait tendu la dextre d'un geste mou dans la direction de celle-ci en lâchant un : "J'aimerais bien mais.. elle est trop loin, dommage." L'objet se mit à léviter et à se diriger vers lui, sous le regard ébahi de sa soeur.. mais ce ne fut pas la seule chose qui l'étonna car, en même temps que cet évènement étrange se produisit, les cheveux de son petit-frère devinrent entièrement blancs. Tous les deux sous le choc, ils se regardèrent un instant avant de lâcher une beuglante comme s'ils venaient de voir une énorme araignée, alertant le reste de la famille.
Évidemment, tous les membres de la fratrie ne parvinrent pas à y croire - et encore moins leur père -. Non seulement son fils était doté de pouvoirs digne d'un sorcier mais il avait aussi hérité de son don de métamorphomage ! Ce fut certainement un jour marquant pour eux tous, Baset venait de faire un bond immense dans l'échelle de leur système familiale.

Le jour suivant, deux membres du ministère de la magie débarquèrent à leur porte afin d'apporter autant d'informations et d'aide à la petite famille, comme ça avait été le cas pour le reste des enfants. Même si Fajah Velvet avait guidé ses autres enfants dans leur éducation magique, il n'était pas pour autant le meilleur professeur et le mieux informé car ayant préféré vivre une vie proche de celle des moldues par empathie pour sa femme. Baset avait encore du mal à réaliser qu'il était métamorphomage, ce qu'il avait de plus que ses frères et soeurs.. mais savoir qu'il avait désormais le moyen de tous les dépasser le remplissait d'une euphorie débordante. Son don fut ce qui l'intéressa le plus bien évidemment, il avait la possibilité de changer son apparence pour ressembler à quelqu'un d'autre.. de nouvelles opportunités s'offraient encore à lui. Malheureusement il ne pourrait vraiment apprendre à le maitriser que lorsqu'il serait à l'école. Quand bien même était-il né un jour maudit, il était le plus chanceux de tous. Ce qui ne fut pas au goût de ses frères et soeurs qui, en dépits des apparences qu'ils se donnaient tant bien que mal à garder en place, éprouvaient désormais une jalousie et un mépris dévorants pour leurs benjamin.

Peu avant l'année scolaire suivant ses 11 ans, le petit foyer reçut la fameuse lettre invitant les parents à inscrire leur petit dernier à une école de magie. Leur premier choix fut le plus logique, Uagadou en Ouganda, car elle était l'école la plus proche.. mais Baset ne l'entendit pas de cette oreille. Il y avait d'autres écoles de proposées qu'il détailla avec beaucoup d'attention ; il ne voulait pas simplement une école de magie, tout ce qu'il y avait de plus bête, il voulait LA meilleure école de magie, celle qui semblait la plus enclin à lui offrir des connaissances enrichissantes et donc un avenir grandiose. Le flyer pour Ilukaan fut celui qui attira le plus son attention - elle semblait plus innovatrice, plus progressiste, moins vieux jeu que les autres.. - Quand bien même était-il intéressé par le fait de pouvoir maitriser la magie sans baguette comme ce qu'on pourrait lui enseigner à Uagadou, s'il fallait peser le pour et le contre.. le choix était déjà tout fait.
Après quelques discussions assez intenses avec ses parents, mêlant beaucoup de manipulation par les sentiments et de chantage, le jeune japonais parvint à les convaincre de l'envoyer à Ilukaan malgré leurs maigres revenus. Ils parviendraient à avoir une bourse sans aucun mal, c'était surtout ce qui comptait pour eux. Il mit aussi un point d'honneur à ce que ses parents ne signalent nul part qu'il avait un don, ce que son père sembla comprendre.. à l'inverse de sa mère, mais elle n'en fit pas toute une scène et laissa cela passer.

Bien qu'il ne put intégrer cette fameuse école prestigieuse l'année de ses 11 ans, Baset su prendre son mal en patience et continua pendant un an à faire ce qu'il avait toujours fait avant de recevoir cette lettre. Durant cette année, il en profita aussi pour récolter de l'argent pour remplir son bocal à économies.
Quand le jour J arriva, il ne put dormir la veille tant il était excité mais aussi tant il appréhendait ce moment. A quoi pouvait bien ressembler le Canada ? Est-ce qu'une école de magie était si différente que ça d'une école de moldues ? Aurait-il le mal du pays ? Beaucoup de questions se bousculèrent dans sa tête jusqu'à ce qu'ils ne disent au revoir à sa famille. Il ne fut pas triste de les quitter, pas plus qu'il n'en fut soulagé.. à vrai dire il s'en fichait, ce qui comptait, c'était qu'il intégrait une école qu'aucun de ses frères et soeurs ne pourraient jamais intégrer, qu'il verrait des choses que jamais ils ne pourraient voir. Le mal du pays ne fut que passager de même car il s'habitua très rapidement à son nouvel environnement.

Durant ses premières années à Ilukaan, Baset se fit rapidement des amis dans toutes les classes et peu importe les âges. Son éloquence, sa jovialité et son côté un peu loufoque en charmèrent plus d'un, mais il comprit vite que ce n'était pas forcément au goût de tout le monde. Avec le temps, au fur et à mesure que son trouble s'accentuait, il apprit à adapter sa personnalité à la personne en face de lui afin de se faire plus rapidement accepter et d'en tirer profit. Il développa aussi un certain intérêt pour la Métamorphose; changer une chose en une autre pourrait lui offrir tant de nouvelles possibilités d'arnaques. De l'argent facile encore. Cette école allait lui ouvrirent tellement de nouvelles portes que sa médiocre famille n'aurait su lui offrir s'il avait été comme eux, le jeune japonais se voyait déjà avoir une grande carrière lui permettant d'amasser encore plus d'argent que ses petites escroqueries et autres délits ne sauraient jamais lui faire gagner. Mais pour le moment, ce qui comptait vraiment.. c'était de profiter de ces années d'études et de s'amuser comme n'importe quel élève, en ajoutant un peu de chaos dans la plate vie des autres et la sienne.

(c) Ilukaan