Physique
Comment se décrire lorsqu’on ressemble comme deux gouttes d’eau à ses cinq frères ?
Une ressemblance dont Osomatsu se joue dès qu’il en a l’occasion, se faisant souvent passer pour l’un des sextuplés lorsqu’il s’ennuie un peu. Mais, de tous les frères, Osomatsu est – étrangement – celui qui a l’air le plus… normal. Banal. Ordinaire. Là où ses frères ont tous un petit signe distinctif, aussi infime soit-il ; comme par exemple, les cheveux constamment en bataille d’Ichimatsu ou les lèvres toujours pincées de Choromatsu, Osomatsu, lui, n’a rien.

Pourtant, loin de lui l’idée de paraître aussi normal. Après tout, il est le leader, le grand frère, la figure de proue du groupe, il devrait avoir quelque chose de singulier, lui aussi ! Mais là, peut-être est-ce, justement, cette apparence plus qu’ordinaire qui se dénote de lui ? Peut-être.
Au fond, il s’en fiche un peu.
Osomatsu a, en réalité, pas grand-chose à faire de son apparence – pas au point de se négliger comme l’un de ses frères mais pas loin non plus.
Disons que ce n’est pas de son plus grand intérêt.

Osomatsu est, donc, d’un physique plutôt banal. Assez grand mais pas plus grand que la moyenne, une coupe au bol identique à celle de ses frères, des yeux en amande et un sourire charmeur. Les oreilles un peu décollées, où l'on peut apercevoir la cicatrice d'un ancien perçage pour des boucles d'oreilles, des restes trop persistants d'acné sur ses joues, un début de pilosité qui peine à arriver mais qu'Osomatsu s'entête à raser chaque matin (malgré le peu à raser. C'est juste pour se donner l'air plus mature, plus adulte). Une silhouette plutôt élancée quoiqu’un peu musclée par la pratique de sports en tous genres, une carrure qui ne sort pas de l'ordinaire, des vêtements parfois amples et cosy, et surtout : du rouge. La couleur type d’Osomatsu est le rouge ; il ne sortira jamais sans un vêtement ou un accessoire de cette couleur (parfois même du vernis lorsqu'il est d'une humeur excentrique !).
C’est un peu une façon d’affirmer qui il est. De ne pas se perdre dans ses cinq autres copies. Une décision prise à la suite de crise existentielle et du ras-le-bol de leurs parents. Lui, c’est le rouge pétant, le rouge colérique, le rouge de la passion, le rouge romantique. Une couleur qui veut tant dire.

Mais en même temps, Osomatsu ne cherche plus tant que ça à se différencier de ses frères. Peut-être est-ce pour cette raison qu’il n’a, soit-disant, aucun signe distinctif.
Qui sait ?

Caractère

Des sourires charmeurs et des mains parfois un peu trop baladeuses.
À première vue, Osomatsu a tout de l’adolescent lambda qui se laisse dicter ses actions par ses hormones plutôt que par son cerveau. Il y a peut-être du vrai à cela, dragueur lourd sur les bords et adepte des relations courtes et fugaces, Osomatsu n’est pas vraiment du genre à penser au lendemain, plutôt à apprécier l’instant présent sans prendre en compte les conséquences. Mais disons juste qu’il cache plutôt ben son jeu – et qu’il a surtout l’air plus bête qu’il ne l’est vraiment.
Même si, effectivement, ses notes tout juste au-dessus de la moyenne n’aident pas. Osomatsu fuit les cours autant qu’il peut avec toujours la même excuse : il est encore jeune et les jeunes, ça profite de la vie ! Il n’aime pas le sérieux ou l’ennui, préférant de loin se défouler pendant les cours de sport ou dormir durant les autres et refiler ses devoirs à ses frères.

Mais ça n’empêche qu’il arrive bien souvent à s’en sortir à la dernière minute. À coups de ruses et de stratagèmes bien pensés, Osomatsu sait se sortir de situations particulièrement tendues sans l’aide de personne (bien que, souvent, il se bouffe les conséquences en pleine face : malgré tout ce qu’il a pu faire et pu dire, rien ne pourra rattraper ses siestes durant les cours). Il a plus d’un tour dans son sac, cachant son jeu derrière ses sourires idiots et ses mots encore plus stupides (bien que, parfois, ils sont honnêtement stupides. Osomatsu est loin d’être le garçon le plus intelligent de toute l’école).
À ces ruses s’ajoutent une curiosité presque maladive – surtout pour ses frères. Osomatsu veut tout savoir, tout sur tout, et il n’hésitera pas à insister durant de longues minutes pour arriver à ses fins. Jusqu’à fouiller leurs placards lorsqu’ils vivaient toujours chez papa et maman. Jusqu’à espionner leurs réseaux sociaux. Jusqu’à parfois être à la limite du stalk. Si Osomatsu tend la main vers un étudiant qui semble triste, beaucoup vous diront que c’est simplement de la gentillesse ; ses frères vous répondront plutôt que c’est d’abord par curiosité et ensuite par gentillesse (peut-être).

Il ne peut vraiment s’en empêcher – surtout pour ses frères. Après tout, il y tient comme à la prunelle de ses yeux. Ils sont plus importants que tout, peut-même plus importants que lui-même. Peut-être plus importants que son amour pour l’argent ? Taquin, si on lui demande, Osomatsu répondra qu’il n’est pas sûr – mais bien évidemment, la réponse est oui. Peu importe son obsession pour l’argent et ses multiples façons de le dépenser (de le gâcher, surtout), se retrouvant bien trop souvent obligé de piquer quelques pièces à ses frères à force de balancer ses sous par la fenêtre.

En fait, la question ne se pose même pas.

Et puis, en tant que grand frère des cinq garçons, en tant que leader des sextuplés, Osomatsu leur doit bien ça. Il doit être le plus fort de tous, le plus mature, le plus intelligent ! Il doit être celui vers qui on se tourne en cas de doute, celui qu’on admire, celui avec qui on n’a pas peur de discuter de l’avenir et de ses peurs !
Et pourtant. Pourtant, Osomatsu en souffre un peu, sans vraiment se l’avouer. Malgré sa franchise, Osomatsu n’est pas franc avec lui-même et avec ses propres peurs. En tant que grand frère, il estime qu’il n’a pas le droit de parler de ses doutes, de ce qui l’angoisse. En tant que leader, il doit être fort aussi bien physiquement que mentalement et les larmes ne sont pas pour lui.
Il n’a pas le droit de pleurer, de se morfondre, de se laisser bouffer par ses pensées – parce qu’il est le plus âgé. Quel grand frère serait-il s’il se laissait aller ? S’il n’avait pas les épaules pour soutenir ses cinq frères ?
Alors, Osomatsu garde tout pour lui. Tout simplement. Derrière ses sourires charmeurs.

Et ça lui va.
Pour l’instant.

Histoire

« Chéri, je veux un enfant.
– Je sais… mais tu sais comme c’est compliqué. »

Une demande comme une autre. Une demande qui revient toujours, à un moment ou à un autre, après le mariage. Un soupir – des mois que le couple Matsuno tentait d’avoir un enfant, mais rien. Un échec à chaque fois, si bien qu’ils commençaient à perdre espoir, tout doucement.
Mais il restait tout de même une dernière solution. Celle sur un flyer qui avait atterrit dans leur boîte aux lettres, au milieu d’autres annonces publicitaires. On aurait dit une de ses publicités un peu douteuses, mais après avoir papoté avec ses voisines à ce propos, l’occasion se présentait de plus en plus.

Une potion de fertilité.
Aussi simple que cela. Le flyer sur la table, un numéro de téléphone, une adresse, un prix.

« Et si on essayait ? »

Et donc, ils ont essayé.

***

Six.
Six bébés. Des sextuplés.
Pas un. Ni deux. Mais bien six bébés sont visibles sur l’échographie. Les mains se serrent, se pressent entre elles, un mélange d’appréhension, de peur, de joie, des milliers de questions. Même le docteur n’en revient pas.

« Eh bien… ça a, au moins, le mérite d’avoir été efficace. »

***

Osomatsu est le premier bébé à être sorti du ventre de sa mère. Une minute et trente-cinq secondes ensuite, son premier frère le suivait. Et cette minute et ces trente-cinq secondes ont suffit pour qu’il se proclame comme l’aîné, comme le plus âgé.
Comme le grand frère des sextuplés, le leader !

Une excuse de plus pour être une petite terreur et assouvir sa domination sur ses frères qui, eux, n’avaient rien demandé. Une excuse de plus pour parvenir à ses fins lorsqu’il y a un nombre impair de gâteaux, le dernier étant toujours pour lui puisqu’il est le plus âgé. Une excuse de plus pour se sentir plus mature et plus adulte !
Et, même si au début, c’était plus une blague, ça a finit par devenir de plus en plus sérieux, chacun acceptant leur rang qui ne tenaient qu’à une histoire de minutes. Et ça ne pouvait pas être mieux pour Osomatsu qui, au fil des années, s’approprie de plus en plus sa place de leader.

***

Ils adorent faire tourner leurs parents en bourrique, en s’amusant à piquer l’identité d’un autre.
Jusqu’à ce que maman en ait marre. Maintenant, il faut une couleur pour chacun d’entre eux et ce n’est pas négociable. Osomatsu n’a pas hésité une seconde : le rouge, c’est pour lui. La couleur lui a tapé dans l’œil et il se jette dessus, piétinant l’un de ses frères dans la précipitation.

(Mais en même temps, ça ne l’empêchera pas de piquer la couleur d’un de ses frères pour se faire passer pour lui !)

***

Osomatsu fait la moue, boudant dans un coin de la chambre.
Lui, sa magie ne s’est toujours pas réveillée. Il a beau agiter ses mains dans tous les sens, réciter des formules alambiquées, imiter maman lorsqu’elle fait flotter ses ustensiles pour faire à manger, rien. Rien du tout. Et pourtant, voilà que le troisième de ses frères vient de découvrir qu’il est sorcier également !
Il croise des bras, observant ses parents le recouvrir de félicitations et de cadeaux.

« Ça ne va pas, Oso ?
– Si, ça va très bien. »

La jalousie l’étouffe.

***

Il ne fait jamais rien sans son bras droit, son partenaire, son meilleur ami Choromatsu !
Toujours collés l’un à l’autre, ils ne se séparent jamais, toujours tous les deux là pour faire des bêtises dans le dos de leurs parents. De vraies petites terreurs.

Osomatsu sait que c’est un peu malsain d’avoir un frère préféré, mais il ne peut s’empêcher de le penser.

***

Le ciel était en train de décliner doucement vers des teintes de plus en plus douces, de plus en plus sombres. Un soir d’été comme un autre, un bâton de glace mâchouillé dans la main, le ventilateur à fond. La chambre est vide, ils ne sont qu’à deux, Choro et lui, comme toujours. Les autres sont déjà repartis en bas pour réclamer une autre glace – Osomatsu hésite à faire pareil.

Une légère angoisse.

« Et si ma magie se réveille jamais ?
– Bah pourquoi ?
– J’sais pas… tout le monde a déjà eu la confirmation. Mais pas moi. »

C’est vrai. Ses cinq frères ont tous eu la « surprise » de découvrir leurs pouvoirs de sorciers d’une façon ou d’une autre. Sauf Osomatsu. Et il ne peut s’empêcher d’y penser, de plus en plus. Ce n’est pas normal – après tout, il est l’aîné, le plus âgé d’une minute et demie ! Il aurait dû être le premier à voir sa magie se réveiller, non ?
Ça le bouffe plus qu’il ne souhaiterait l’admettre.

« C’est stupide. On est tous sorciers, pourquoi pas toi ?
– J’sais pas. Mais t’imagine si ça arrive ?
– Ça n’arrivera pas.
– Mais si ça arrive vraiment ?
– Je te dis que ça n’arrivera pas ! »

Choromatsu hausse le ton. Osomatsu fait la moue, lance un regard à son bâton avant de se lever d’un coup. Un peu vexé. Un peu paumé.

« J’vais reprendre de la glace. »

***

Finalement, Choromatsu avait raison.
Après une énième tentative d’imiter maman, la fourchette vole à travers la pièce. Elle le regarde comme elle a regardé ses cinq autres enfants lors du même événement : émue, les yeux pleins de larmes avant de le prendre dans ses bras et de le serrer fort.
Osomatsu aussi a envie de pleurer, de joie, de soulagement, il n’en sait rien.

Mais les grands frères, ça ne pleure pas !

***

Maman voit les choses un peu trop en grand – en même temps, avec six enfants identiques, est-ce vraiment étonnant ? Dans tous les cas, c’est en voyant le flyer sur la table en plus des six dossiers que les sextuplés ont rapidement compris qu’ils n’allaient pas étudier la magie au Japon.
C’est d’autant plus clair lorsque Osomatsu lance un regard au flyer, ne comprenant pas un mot de ce qui est écrit dessus. Six paires d’yeux se lèvent vers leur mère, interrogatifs.

« Mais maman… on ne sait pas parler anglais. »

Mais rien ne pouvait la faire changer d’avis. C’était Ilukaan ou rien.

***

Osomatsu, le plus fort, le plus beau et le plus intelligent de ses cinq frères (d’après lui-même, bien sûr)… se sent affreusement misérable. Il ne s’est jamais senti ainsi et il ne sait pas vraiment d’où ça vient alors que ses frères sont peu à peu appelés par ordre alphabétique, pour aller se pencher au-dessus de la fontaine.
Tout allait pour le mieux. Jusqu’à ce qu’il se rende compte d’un détail crucial : ils vont être séparés. Éloignés. Divisés. Et Osomatsu ne savait pas que ça allait l’effrayer à ce point jusqu’à maintenant. Mais ça ne veut rien dire, si ? Ça ne veut pas dire qu’ils vont arrêter de se parler pour autant, ce serait totalement idiot. Ils resteront aussi proches les uns des autres, le fait de dormir à part n’a rien à voir avec leurs liens !

Osomatsu ne sait pas d’où vient cette angoisse. Il arrive tout de même à garder sa calme alors que son nom est appelé à son tour, et qu’il se dirige vers la fontaine.

Strixyst.

Un de plus séparé du groupe…
(Lui qui pensait pourtant qu’ils se ressemblaient assez pour être dans la même maison.)

***

Et ses craintes deviennent réalité. Bon, pas d'une manière aussi exagérée qu’il le pensait, mais c’est quand même le cas.

Ils se parlent de moins en moins. Ils commencent à se trouver des nouvelles occupations, des différences, des excuses pour ne plus traîner ensemble. Ils s’éloignent de plus en plus jusqu’à parfois, ne même pas se voir de la journée. Même Choromatsu. Lui qui était pourtant si proche d’Osomatsu, voilà qu’il s’éloigne de plus en plus, sans qu’il ne puisse rien y faire.
Osomatsu a l’impression que tout lui glisse entre les doigts.

Mais pourtant, il ne parle pas. Il reste lui-même, petite terreur et beau parleur. Il tente vainement de ne pas se laisser bouffer par l’éloignement progressif mais bien réel de ses frères – bien que ce soit plus dur que prévu. Il sourit, comme si de rien n’était, il sourit toujours autant.
Parce qu’il est le grand frère. Il est fort, il est un dur. Il ne doit pas se laisser atteindre par ce genre de choses – c’est la vie, après tout, ils n’allaient pas rester indéfiniment main dans la main jusqu’à la fin de leurs jours. C’était idiot de penser le contraire.

Et Osomatsu enferme ses angoisses au plus profond de lui, transformant sa peine en une sorte de jalousie, de colère envers ses frères. Ils veulent partir ? Eh bien qu’ils partent, il n’a pas besoin d’eux pour réussir ses études, de toute manière !

***

(Malgré tout ce qu’il peut se dire, à quel point il essaie de se voiler la face, Osomatsu a du mal à retenir ses larmes, le soir, caché sous ses couvertures.
Au début, c’était dur d’avaler la pilule. Maintenant, c’est beaucoup plus simple et son amertume envers ses frères s’est finalement amenuisée pour laisser place à une sorte de nostalgie. Une sorte d’angoisse qui le quitte difficilement. Une peur de finir seul au monde, sans ses frères pour lui redonner le sourire. Mais Osomatsu l’oublie en s’entourant d’amis superficiels, d’amis bouche-trou ; il l’oublie en s’investissant à fond dans l’équipe de Quidditch dès qu’il a eu l’occasion de la rejoindre, en fuyant les cours, en passant autant de temps qu’il peut avec ses frères peu importe à quel point il a l’air collant.

C’est presque devenu un objectif : il ne finira pas seul.)

***

Les années passent et Osomatsu ne peut qu’observer ses frères s’éloigner un peu plus.
Honnêtement, ça fait un peu moins mal. Peut-être parce qu’il arrive à se convaincre que ça ne lui fait rien ? Peut-être parce qu’il se cache derrière un déni ? Qui sait ?

Parfois, il repense avec nostalgie à leur enfance. Comment ils étaient toujours ensembles, toujours soudés, toujours là pour se serrer les coudes. Peut-être que c’est mieux ainsi, chacun de son côté.
Osomatsu n’en a aucune idée. Il est trop occupé à mettre tout son argent de poche dans des paris stupides pour s’en préoccuper.

***

Ses dix-huit ans viennent un peu comme une libération – ça y est, la majorité, il peut faire tout ce qu’il veut (ou presque) ! Bien sûr, la première chose qu’il fait est d’aller se bourrer la gueule, pour voir ce que ça fait d’être ivre. Et puis, les jeux d’argents arrivent au même moment, nouvelle addiction dont il n’a toujours pas su se défaire. L’alcool est une autre histoire, souvent une excuse pour réunir ses frères et s'amuser le temps d'une soirée comme au bon vieux temps. Mais parfois, c'est bien seul que Osomatsu va boire, quand c'est devenu un peu trop compliqué de se voiler la face – jamais ivre mort, jamais dans l'abus, juste assez pour embrouiller ses pensées et retrouver le sourire. Ses soirées-là sont rare, oui, mais bien réelles et Osomatsu fait semblant de ne rien voir. Comme bien souvent.

Et en même temps, il se sent maintenant bien plus adulte.
À voir si c’est vraiment le cas (spoiler alert : ça ne l'est pas).