Penché sur son bureau, Ichigo ne sait pas depuis combien de temps il est sur ses devoirs. Les vacances de noël approchent, du coup, les professeurs blindent les septièmes années de devoirs et de contrôle. « Pour vous préparer aux ASPICs », voilà l’excuse donnée pour qu’ils ne se plaignent pas (même si, forcément, ça ne marche pas trop). Enfin, ce n’est pas trop ce qui dérange le rouquin. Habitué au travail, il avance suffisamment régulièrement pour ne pas se noyer sous la tonne de feuilles à ses côtés. C’est certainement l’un des avantages d’être un « bon élève », ou du moins de se forcer à être assez studieux, il sera certainement tranquille quand il partira au Japon rejoindre sa famille. Forcément, ils ne vont pas fêter noël, mais il ne les a pas vus depuis un moment, alors autant en profiter.

En tout cas, ce n’est pas Kon qui va se plaindre de son immobilité actuelle. Son chat semble avoir décidé d’être plutôt câlin aujourd’hui et s’est installé sur ses genoux. Avec les ronronnements qu’il entend, aucun doute sur le fait qu’il dort profondément et que le lupy ne va pas pouvoir bouger pendant encore un moment. Bah, il ne va pas le virer si, pour une fois, son chat a décidé d’être tranquille. C’est sûrement la neige qui le rend comme ça, il doit chercher la chaleur, ce qui est d’ailleurs plutôt compréhensible. Lui-même n’est pas parti à la bibliothèque pour une raison similaire.

Qui plus est, ses colocataires de chambre ne sont pas là, donc c’est assez calme. Enfin, c’est surtout l’absence de Gon qui rend la pièce silencieuse. Il est sympa le petit, mais c’est tout de même une sacrée pile électrique. Cela dit, il a l’habitude d’être entouré de personnes qui ont de l’énergie à revendre, alors au point où il en est, ce n’est pas si étonnant que ça continue jusqu’ici.

Doucement, il s’étire un instant et frotte ses yeux. Il n’a pas vraiment de coup de barre, mais il sent tout de même des picotements. Mince, une pause serait pas mal. Il prend son portable, abandonné sur un coin de la table et regarde les messages qu’il reçoit depuis tout à l’heure. Il sourire – rare ! – s’étire sur le coin de ses lèvres alors qu’il prend le temps de répondre. Être en couple n’était pas vraiment dans ses objectifs, à l’origine, mais les vacances sur l’île en a décidé autrement. Il sait pas trop combien de temps ça va durer, mais il s’en fout un peu. Il verra bien au final, à voir comment la distance les fait tenir. A vrai dire, il n’est jamais vraiment tombé amoureux, il traîne avec différentes personnes mais jamais rien de plus, il pensait simplement que ce n’était pas son style. Enfin, si c’est un truc qui peut avoir un style ? Il en sait absolument rien, même désormais avec quelqu’un, il est franchement encore un peu paumé sur tout ce sujet. Il ne pense pas vraiment à en parler à qui que ce soit, c’est assez personnel et il n’est déjà pas du genre à s’ouvrir, ça risque pas de changer maintenant. C’est d’ailleurs déjà un truc que lui « reproche » son copain. Bah. Il va s’y faire.

Il passe une main dans ses cheveux et regarde de nouveau son devoir et sa plume en face de lui. Ouais, il doit s’y remettre, il a assez divagué et s’il se laisse plus aller, il ne va jamais terminer avant ce soir. Il n’a aucune envie que ça continue demain aussi, il a quand même d’autres trucs à faire.

Alors qu’il se motive, il entend la porte bouger. Il tourne la tête pour voir apparaître son second colocataire, Owen. Il a mis un temps avant de retenir son prénom, mais maintenant c’est bon. Frottant une nouvelle fois ses yeux, désormais légèrement rougi à force.

« Hey. Les cours sont terminés ? »

Ichigo se méfie des potions désormais,  
Non pas qu’il en était friand auparavant.  
Depuis le mélange mutant c’est bien pire,  
Il ne souhaite pas retenter de nouveau.  
Bien que sorcier, il se soigne tout autrement,
Son père médecin lui a montré comment.  
Mais quand Owen lui tend la fameuse fiole,
Il se dit qu’il ne risque pas grand-chose, non ?
Cette fois-ci, il sait ce qu’il compte boire,
Car ce n’est pas la première fois qu’il en voit.
Son colocataire semble être amateur,
Alors pourquoi pas tester une seule fois ?
Si toutefois quelque chose doit arriver,
Il restera planquer tranquillement ici,
Pour ne pas avoir d'ennui si on se moque,
Car il bien sait que son coup de pied partirait.

“ Je veux bien en prendre un peu, de quoi aider,
Car mon devoir me prend fortement la tête,
Mais j’aimerais le terminer avant ce soir,
Et lire ma nouvelle pièce de théâtre.”

En très grand fan de ce genre littéraire,
Il en a souvent sur sa table de chevet,
Il est si simple de connaître son auteur,
William Shakespeare étant un classique.
Juste après son petit moment de réflexion,
Il ouvre un coup sec le bouchon du flacon,
Et en sent un instant l’odeur du contenant.
C’est bien étrange, mais aussi agréable,
Cela lui fait penser à tout autre chose,
Lointain souvenir d’un de ses précédents cours,
Mais son imagination doit jouer des tours,
En plus de douter tout le temps, toujours d'un rien.
Sans se permettre une minute de plus,
Il boit tout sans perdre une seule goutte,
Et termine sans faire une grimace.

“ Je m’attendais à pire mais ce n'est pas si mal,
Surtout avec l'arrière-goût de chocolat.”

A vrai dire, il y a aussi plus que ça,
Du thé vert et avec même de l'épicé.
Est-ce là qu’il réalise l’erreur faites ?
On ne l'apprendra sûrement pas, vous savez,
Car à peine la potion posée sur le bureau,
Son effet coule dans les veines du lupy.
En un instant, voilà qu’il se met à rougir !
La simple vue d’Owen semble lui suffire.
Il ne sait même plus quoi dire, fait rare !
En temps normal, il l’aurait insulté, oh oui,
Lui aurait bien fait signifier sa colère,
Oh, il ne se serait clairement pas gêné !

Mais cet amortentia, visiblement puissant,
Lui donne envie d’être à côté du blond,
De profiter de sa présence, un moment,
Et de pouvoir lui dire tout ce qu’il ressent,
En oubliant même son copain actuel.
Il va donc falloir éviter les grands ennuis,
Qu’ils pourraient ensuite sacrément regretter.
Heureusement, Owen n’est pas sous le charme,
Il devrait pouvoir empêcher la dérive,
Et éviter les décisions trop rapides !
Quelle idée de se balader avec ça,
En plus pour une personne qui vous aime déjà !
Maintenant, il lui reste encore à comprendre,
Va-t-il voir le changement de comportement ?  
Qui peut tomber amoureux en un rien de temps ?
Ou le coup de foudre aurait eu lieu avant.

Ah, philtre d’amour dangereux, je vous le dis !
Créateur de problème, aussi de sentiment,
Cette journée qui devait être paisible,
Semble prendre maintenant un autre tournant.

Si on connaît Ichigo depuis un minimum deux heures, on se rend vite compte qu’il ne supporte pas le contact physique. Ni les câlins, ni quand on lui prend le bras, ni quand... rien du tout, en fait. Il y a des exceptions, bien sûr. Notamment quand ça concerne ses sœurs, là, il n’a aucun problème.  Forcément, quand il s’agit de sa famille il sait faire des efforts et pour être totalement honnête, ça ne le dérange pas. Ensuite, il y a aussi avec les enfants que ça passe, là par contre il ne sait pas trop expliquer pourquoi. De manière générale, le rouquin se montre toujours plus sympathique avec ces derniers, sûrement car il veut être un peu rassurant à leurs yeux – faire flipper les plus jeunes, ce n’est pas son but. Du coup, si on s’accroche à lui car il doit l’aider à retrouver son chemin ou quelque chose du genre, il laisse faire.

Mais mis à part ça, il repousse facilement ceux qui tentent, espérant qu’ils comprennent du premier coup. Quand ce n’est pas le cas, Ichigo comprend rapidement que c’est totalement voulu. Cependant, tout aussi têtu que ces amis-là, il continue encore et encore de les repousser.  
Tout ça pour en venir au fait que la main d’Owen dans ses cheveux, en général, elle aurait dégagé en un rien de temps. C’est, cependant, sans compter la fâcheuse potion qui vient de prendre possession du lupy. A cause de cette dernière, non seulement cette fichue main reste, mais en plus, il sent ses joues chauffer de plus belle.  

Il a l’impression que sa tête va exploser, c’est inexplicable ce qu’il ressent, il ne connaît pas ça. C’est déroutant, tout nouveau, embrumant. Oui, voilà, c’est comme un voile qui s’est posé sur ses yeux pour lui faire voir tout autour de lui d’une autre manière, de voir Owen d’une autre manière !  


“Ouais... Merci. Ça va le faire ouais.”

Non, non ça ne va pas le faire, il se sent totalement incapable de réfléchir et c’est la seule chose qu’il parvient à sortir de sa bouche. De manière frénétique et ne fixant même plus son papier griffonné, il caresse Kon qui ne comprend pas ce soudain élan d’affection. Ses sourcils froncent encore plus quand il se demande ce qu’il va bien pouvoir dire à Owen quand il va ressortir de sa douche. Est-ce qu’il compte repartir directement après ? Est-ce qu’il va rester ? Est-ce qu’il peut lui demander de rester ? Il n’a vraiment jamais été comme ça, dans un tel état. Ça l’énerve presque, mais en même temps... Bon sang.  

Il part tellement loin dans ses pensées qu’il ne voit pas le temps passer, juste Owen ressortir de la douche encore à moitié à poil. Là encore, Ichigo a un côté assez pudique, mais à force d’habiter à Ilukaan, ça c’est arrangé et puis même de base, ce n’est pas au point où il est gêné pour un rien. Alors, pourquoi maintenant, il est troublé par la vision qui s’offre à lui ? Doit-il dire quelque chose à ce sujet ? Doit faire quelque chose ? Peut-être oui, ça va finir par sembler bizarre sinon. Mais le blond le dépasse, lui proposant soudainement de l’aide pour le contrôle. Ah. Donc, il devrait s’approcher comme ça, là ? Oui, ça semble logique. Il devrait refuser, mais il n’en a pas l’envie. N’est-ce pas là l’occasion de passer du temps avec son colocataire ? Qui est-il pour rater cette chance ?

“Pourquoi pas, ouais. Ouais. Je veux bien. Mais fous toi un haut, on sait pas quand Gon rentre.”

D’accord, il dit peut-être ça pour tenter d’agir normalement plus que par rapport au troisième lupy de la chambre, mais tant pis. De toute façon, il n’agit pas normalement : il a accepté de l’aide sur ses devoirs, il en a même pas besoin ! Il sait très bien les futures réponses qu’il doit donner, il sait tout ça. Il en a même aucun doute, enfin, il en avait. Est-ce qu’il est encore capable de faire quoi que ce soit dans cet état ? Aucune idée, tout ce qu’il comprend, c’est qu’Owen reste ici. Bon, par contre, il va falloir arrêter qu’il l’appelle “gamin”, ça casse un peu tout.

Il se remet droit et se décale, pour laisser de la place à l’aîné.  

“C’est, euh, un devoir de... De métamorphose. J’en suis à la moitié, si tu veux voir ce que j’ai déjà fait.”

Prochaine mission : savoir aligner deux mots.

Non seulement Owen refuse de mettre un haut, mais en plus il se rend compte en un rien de temps du pot aux roses d’Ichigo, ce qui, au final, n’a absolument rien de bien étonnant. Il se maudit presque d’être un bon élève à ce stade – du moins, d’être bon à l’école, car pour ce qui est du reste... Enfin, voilà, sa réputation de ce côté-là n’est plus à refaire.  

Forcément, quand le blond lui demande s’il a vraiment besoin d’aide, la fraise ne sait pas quoi répondre. Il ne sait même pas quoi dire comme excuse car il ne sait pas en inventer, trop franc pour tenter. Voilà encore un point qui change aujourd’hui, il semble tout faire sauf aborder le vrai sujet. Il est nul pour cela, même avec son copain, son...ex-copain ? Son... euh... le garçon rencontré à Blairwitch Island, il n’a pas vraiment fait de déclaration. D’ailleurs, pourquoi subitement il en a autant envie ? Est-ce car pour Owen, il a l’impression que c’est plus sérieux ? Plus présent ? Plus sincère ? Il n’en sait rien, il ne sait même pas comment il peut comparer.  

Son estomac fait de nouveau un tour complet au contact de la main du cycliste sur son front et il ne bouge pas, le laissant faire. Ah, il est chaud ? Rien d’étonnant, il étouffe depuis qu’ils sont tous les deux dans cette chambre ! Il devrait partir, il devrait sortir prendre l’air, respirer un coup mais il n’en a pas envie, n’écoutant pour une fois pas sa raison. D’accord, il ne le fait jamais vraiment. C’est plutôt quelqu’un de spontané, en général. Pourquoi est-ce qu’il ne parvient pas à l’être cette fois-ci ?

Le fait qu’Owen soit en couple, il l’a, honnêtement totalement oublié - ou alors, il ne le sait juste pas. C’est tout aussi possible. Il ne pense même pas au fait qu’il soit hétéro car encore une fois, il ne doit pas être au courant. Après tout, ils se connaissent depuis septembre, c’est clairement pas assez pour se rendre compte des attirances des uns et des autres.LA preuve étant le temps qu’il a mis à découvrir ses propres sentiments.

“ Je me sens bien... Ça va, je sais pas pour la potion, t’as déjà réagi comme ça ? Sans doute pas. C’est composé de quoi normalement ? J’ai juste senti le chocolat... T’en fais pas pour le devoir, je vais me débrouiller, merci d’avoir voulu m‘aider.”

Il fait de son mieux pour réfléchir, mais Owen est beaucoup trop prêt de lui à son goût. Comment peut-il faire quoi que ce soit de censé ?! Il s’arrête presque de respirer mais ça peut risquer d’inquiéter son interlocuteur encore un peu plus et il n’en a pas vraiment envie.  

“ Ah tiens d’ailleurs, j’ai du chocolat ? Tu en veux ? Attends.”

Il finit par se lever, faisant grogner un instant son chat qui n’apprécie pas être ainsi oublié. Il ne fait pas plus attention que cela et fouille dans son sac à côté de son lit, jetant encore plusieurs coups de yeux à Owen. Ses gestes sont clairement déstabilisés, troublés. Pour lui, l’histoire de la potion est déjà oubliée, il ne voit pas le problème qu’il se passe, ne réalise pas vraiment que tout cela est dû à l’alchimie magique. Lui, il ne cherche que sa tablette qu’il vient d’acheter en passant un peu plus tôt dans le dôme. Quand il se relève correctement, il manque aussitôt de trébucher mais, une nouvelle fois, n’y fait pas attention et repart là où se trouve le blond. Il coupe alors une barre et lui tend, ne bougeant plus et le regardant, une nouvelle fois sans rien voir d’autres dans les alentours.

“ Ça m’étonne pas que tu n’en aies pas besoin. T’es doué, enfin, tu as l’air doué dans ce que tu fais.”

C’est vrai qu’à bien y réfléchir, il n’a jamais vu Owen s’entraîner - en même temps, il ne savait pas qu’il était non seulement connu, mais qu’il faisait en plus du vélo. Il ne le voit pas comme le sportif, il le voit comme le colocataire sympathique et... et tout ça quoi. Et plus encore, en gros.  

Quand il accepte le bout de chocolat, Ichigo ne tarde pas à s’installer à ses côtés, sans vraiment demander s’il peut. En temps normal, il ne l’aurait jamais fait, surtout quand on sait que par le plus grand des hasards, quand d’autres lupys sont présents ici, c’est sur son propre lit qu’ils squattent et que ça l’énerve au plus haut point. “Pourquoi toujours avec MES affaires ?”, voilà ce qu’il dit sans cesse. Mais là, plus rien ne semble vraiment le déranger.  

“ Je vois pas ce que tu veux dire, je me sens bien.”

Enfin, presque bien. Il se retient une moue quand le lupy s’éloigne pour regarder dans son sac de sport, semblant soudainement avoir compris le mystère de l’univers. Pourquoi il lui pose sans cesse cette question ? Pour une fois qu’il se montre plus amical, c’est si dérangeant ? Trop soudain ? Il n’apprécie pas ? Qu’est-ce qu’il peut faire pour arranger ça ? Il n’en sait absolument rien. Il fait déjà de son mieux là ! Il pousse un léger soupire et mange à son tour un carreau de la denrée au cacao.  

“ Comment tu te sens toi ? A me poser toutes ces questions, tu as quelque chose à savoir ?”

Il n’a pas envie de mettre court à la conversation, pas déjà. Il a envie de rester là et de bavarder sans arrêt avec son homologue de maison. Ils sont bien ici, non ? En tout cas, il en a l’impression et pour le lui prouver, il offre un sourire au blond. D’accord, ses sourcils sont encore légèrement froncés, mais c’est tout de même un bon début. Est-ce que ça passe mieux, maintenant ?  
Il est tiré de ses pensées quand il entend son portable vibrer de façon régulière. Ah tiens, on l’appelle ? Il se lève et regarde le nom qui s’affiche. Ah. Son (ex)-copain. C’est vrai, il a dit qu’il l’appellerait en terminant les cours. C’est peut-être l’occasion de mettre un terme à la relation ? Au moins ce serait fait, au moins il serait disponible pour quoi qu’il puisse se passer avec son camarade de chambre. Oui, l’idée lui semble très bien mais... Mais il n’a pas envie de lui répondre, pas tout de suite du moins, car il a mieux à faire pour le moment. Il laisse alors le téléphone couper l’appel, avant d’envoyer un “On discutera plus tard, j’ai des choses à te dire” par message. Il retourne alors ensuite auprès de son crush d’amortentia, se concentrant sur lui.

“ Désolé, ce n’était pas important. Tu sais, je pense rompre bientôt. Ce soir.”

Il ne donne pas plus de détails, encore une fois, il espère juste qu’il va comprendre le message, le perché envoyé. Il va – veut – bientôt être et pas sans raison ! Le voile sur ses yeux ne veut toujours pas se lever, ni le faire réaliser. La dose qu’il a pris est plutôt important, si rien n’est résolu avant, l’effet risque bien de durer une bonne journée, il va sans dire. Une journée complète durant laquelle Owen sera son seul et unique monde, ce n’est clairement pas recommandé, mais ce n’est pas ce qu’il se dit pour le moment.

C’est difficile d’agir normalement quand il est à côté de lui. Pourtant, il essaye mais sa présence le trouble, bien plus qu’il ne l’a jamais été. Forcément, en ne sachant pas comment agir, ça l’énerve aussi un peu, il se sent stupide. Est-ce qu’il ne peut juste essayer sans qu’on le lui fasse remarquer ? Visiblement non mais bon, il peut comprendre aussi vu son attitude en général. Est-ce que ça l’empêche à ce point d’avoir un autre comportement ? Il ne l’aurait pas cru, mais vu la réaction... Il est quand même à ça de s’en vouloir.  

“Je crois que je n’ai juste plus rien pour lui. C’était cool, c’est tout.”

Plus rien, plus de sentiments, ou du moins, plus pour la même personne. Tout a vraiment changé en un rien de temps mais il ne s’en rend pas compte, ne voit pas ça comme étrange. Ça arrive, c’est tout. Oui, son copain “actuel” est sympa, mais c’est tout. Il n’est pas vraiment grand-chose maintenant. Pourquoi le sportif est si surpris que cela ? Quoi, il pensait que c’était vraiment sérieux ? Pas tant que cela en vrai, enfin, il pense. Un simple “amour de jeunesse”, une passade, histoire de tester. D’accord, ils se sont revus depuis et c’était sympathique, mais Ichigo a l’impression qu’il ne va pas lui manquer s’il termine tout maintenant. Peut-être car c’est pour lui une nouvelle ouverture ? Sûrement.

Pourtant Owen ne semble pas le croire, ne semble pas le prendre au sérieux. C’est presque... vexant, mais la fraise n’y fait finalement pas attention, c’est pas grave s’il est suspicieux, ça finira par passer, il doit juste lui montrer la preuve de ce qu’il avance, pas vrai ? Comme ça, ensuite, il passe à la suite du plan improvisé à l’instant. Généralement, ça marche. Il n’y a pas de raison que ça rate, du coup.  Quoi qu’il en soit, quand il lui demande son portable, le rouquin n’hésite pas longtemps avant de lui donner, légèrement embarrassé par le clin d’œil qui lui est adressé.  

“Je sais pas si ça va vraiment changer quoi que ce soit tu sais, aujourd’hui ou demain. Mais si tu veux, si tu penses que ça peut être utile. T’as déjà rompu ? Et regretté ?”

L’idée lui traverse alors l’esprit : et s’il est en couple, en fait ? Aucun signe ne le montre mais il n’est pas doué pour comprendre ce genre de truc. Comment doit-il réagir ? Doit-il quand même tout lui dire ? Ça peut bousculer, mais aussi terminer bien. Il ne se préoccupe pas vraiment de la troisième personne possiblement concernée, il s’en fiche des détails du genre, il ne veut pas y penser. Ce qu’il souhaite, c’est Owen.  

Plus le temps passe, plus la potion semble faire effet, s’empirer même car le lupy se rapproche encore un peu, ses joues n’ont pas changées de couleur depuis qu’il a bu la potion, rien ne laisse transparaître que tout va se terminer aussi simplement que souhaité.

“En fait, est-ce que t’es en couple, toi ?”

Finalement, il préfère lui poser la question tout de suite, pour en discuter plus proprement ensuite, le convaincre qu’il y a d’autres possibilités, d’autres... personnes. Comme lui.  

Comment ça, “c’est tout” ? Il s’attend à quoi ? Il n’est avec cet homme que depuis fin septembre après tout, il n’a pas déjà prévu de finir sa vie avec lui, surtout alors que c’est sa première relation officielle. Ce n’est donc pas si mal, au final. Au moins c’est vite oublié, plus facile de passer à la suite – c'est clairement ce qu’il veut, à cet instant précis. “Enchaîner” avec la personne pour qui il ressent autant de sentiments. Pourquoi Owen est encore plus aveugle que lui ? Pourquoi il ne comprend pas les sous-entendus depuis le début ? Sûrement parce qu’il est nul pour ça, car être direct, franc, ça lui ressemble plus que de tourner autour du pot. D’accord, c’est ce qu’il doit faire alors.

“Je ne sais pas résumer ce genre de cas, je m’en fiche un peu en fait.”

Voilà, comme ça, c’est dit, plus besoin de revenir sur la conversation. Enfin, presque. Le sportif répond à sa question précédente sur les regrets et, même si Ichigo pense comprendre où il veut en venir, il ne pense à aucun moment regretter son action s’il l’a fait. Mais il peut attendre un jour de plus, ce n’est pas bien grave après tout.

“Mais si tu le souhaites, je vais encore un peu réfléchir.”

Si ça lui fait plaisir, alors pourquoi pas ? Il peut bien faire ça, il peut bien se poser un moment ce soir avant de dormir et se demander ce qu’il veut vraiment - même s’il est déjà sûr et certain de sa réponse, ça ne coûte rien.
Par contre, quand il admet être en couple, il sent un pincement au cœur. Voilà qui complique la situation, c’est vrai. Mais il n’est pas fataliste, pas sur ce sujet-là. Si lui n’est plus amoureux de son copain, alors les sentiments d’Owen peuvent aussi s’évanouir, changer. Il ne doit pas déjà se laisser abattre, pas déjà du moins. S’il faut, il sera patient, jusqu’à ce que le cycliste soit de nouveau accessible. Qui plus est, rien ne l’empêche de commencer à “préparer le terrain”, il ne quitte pas ça non plus des yeux. Ça pourrait même faire accélérer les choses s’il en parle avant ! Cela tombe bien, en plus, Owen lui pose la bonne question.

“Je suis intéressé, c’est tout. On ne parle jamais vraiment de tout cela, alors pourquoi pas le faire ? Tu sais, pour ma part, si je veux le quitter, c’est car je crois... Enfin, c’est car je me sens attiré par quelqu’un d’autre. Ce n’est pas si étonnant ? Ça arrive. Je veux donc être libre, au cas où.”

Il le fixe, le regarde droit, fait de son mieux pour être convaincant. Bien entendu, le voir comme ça, aussi proche et dans cette tenue le trouble toujours autant, ses rougeurs ne veulent définitivement pas se calmer, mais il ne s’arrête pas malgré tout. Il doit tenir bon, n’est-ce pas ? Ou alors, être encore plus soudain, pour aller au plus intéressant.

“Tu comprends où je veux en venir, Owen ?”

Etrangement, il a l’impression d’avoir besoin de plus de courage ici que dans toutes les autres situations dans lesquelles il s’est retrouvé depuis ses débuts à Ilukaan, il y a sept ans. Qui l’aurait cru, franchement ? Ce qui aide également doit être le fait qu’ils ne soient que tous les deux, dans un espace “intime” ou personne ne peut débarquer sans raison.

Non seulement Owen passe au-dessus de sa question, mais en plus il commence à lui parler de tout autre chose. Presque déçu, il retient de justesse une moue et se contente d’écouter sa nouvelle histoire. Pourquoi est-ce qu’il lui reparle encore de la potion ? Est-il aussi nécessaire de radoter là-dessus ? Il n’en a pas grand-chose à faire de ce sujet, mais si Owen veut en parler… Allons-y.

« Une erreur ? Quoi, tu m’as passé une pour m’endormir ? C’est pas… »

Il continue son récit et, finalement, avec ce qu’il lui raconte, le rouquin devient enfin plus attentif. C’est quoi cette histoire encore ? Il a pris de l’amortentia ? Il s’en serait rendu compte non ? Il se souvient en avoir parlé en cours, de l’avoir même réalisé et réussi sans trop de souci comparé aux autres de sa classe. D’accord, l’odeur était similaire, mais c’est tout, même s’il n’a en réalité jamais vraiment goûté auparavant, forcément. Quoi qu’il en soit, ça ne veut pas être vrai, il sait encore ce qu’il ressent !

Enfin… Pour sûr, ça expliquerait pas mal de choses, pour c’est devenu aussi soudain, aussi fort, aussi troublant, aussi… tout. Pourquoi il agit « bizarrement », pourquoi… il est comme ça. Ce serait à cause d’une stupide potion, encore ? Il se serait fait avoir une nouvelle fois ? Ça n’a absolument aucun sens, cette histoire ! Et puis, pourquoi Owen aurait une telle fiole avec lui ? Surtout s’il est en couple. Ça n’a carrément aucun sens, tout cela ! Mais depuis le début, tout est mélangé dans sa tête, c’est encombrant.
Et s’il lui disait cela pour le rassurer ? Pour lui mentir et se débarrasser en fait de lui ?  Ce serait mesquin, non ? Il ne l’a jamais vu agir ainsi. Il ne sait pas du tout ce qu’il doit croire, s’il doit être totalement honnête avec lui-même. Est-ce que ça va le vexer s’il ne le croit pas ? Mais lui, ça ne le met pas à l’aise d’être traité de menteur. D’accord, ce n’est pas exactement ça mais ça y ressemble quand même. Juste le fait qu’il ne puisse pas croire en ce qu’il dit.

« Pourquoi tu me dis ça ? Comment en es-tu sûr ? Si tu t’es trompé déjà de potion, tu peux encore prendre le philtre pour autre chose ! »

C’est vrai quoi, ça peut encore être tout autre chose. Il est totalement dans le déni, après tout, il apprécie ses sentiments actuels, ça ne peut décemment pas être contrôlé. Et si c’est finalement bien le cas… pourquoi changer s’il est bien comme cela ? Qu’est-ce qu’Owen gagne à tout lui dire ? C’est peut-être juste pour qu’il sache… Le prévenir, quoi. C’est sympa comme idée, vraiment mais… Il ne sait plus quoi penser, il déteste se prendre autant la tête, ça lui fout un mal de crâne pas possible après et ce n’est pas des plus agréables.

« Je me sens bien, avec les sentiments que j’ai tu sais ? Puis du coup, tu as donc compris avant. JE te vois souvent flirter, qu’est-ce qui te dérange ici ? »

Il prend la potion dans ses mains et la regarde. D’accord, il admet qu’elle est similaire à ce qu’il vient de boire, mis à part la forme même de la fiole. L’autre, s’il doit vraiment être totalement honnête, a effectivement un peu plus une forme de cœur que celle-ci. C’est vrai, la coïncidence est tout de même assez grande, si ce n’est même flagrante. Malgré tout, c’est un point qu’Ichigo veut bien admettre même si ce n’est pas simple pour lui.

Mais ça ne veut pas tout dire, si ? Il ne sait plus ce qu’il doit penser, sa conscience se bat contre ce qui est toujours bien trop présent dans ses veines. D’un côté, il s’entend penser que les explications d’Owen sont plus que logiques et expliquent toute la situation, de l’autre, ses sentiments sont si fort qu’il est compliqué pour lui d’admettre qu’ils sont réellement faux. Le blond ne peut pas tout simplement dire qu’il ne l’aime pas ? D’accord, ce serait dur mais c’est tout de même plus direct que d’inventer toute cette histoire de philtre d’amour !

Si c’est bien une histoire, une excuse qu’il vient de trouver pour le repousser.

« Je… »

Pas le temps de finir sa phrase, il lui annonce qu’ils vont aller à l’infirmerie. Dire qu’il est parvenu à ne pas y aller depuis pas mal de temps en ce moment, repartir voir Mme Nordskov pour cette raison n’est pas ce qui l’enchante le plus. Que se passe-t-il si elle annonce qu’il n’est pas sous potion, hein ? Il va juste se taper la honte et il n’en a pas envie. Mais Owen insiste, est déjà en train de s’habiller correctement pour y aller. Ichigo ne semble vraiment pas avoir le choix, donc. Bon, très bien.

« Si tu veux, mais tu risques d’être déçu, je pense. Quand on va revenir, rien ne changera. »

Il ne sait pas comment il peut être aussi sûr de ce qu’il avance, une part de lui continue de hurler que le cycliste de renom prend la bonne décision, mais tout le reste de son corps le repousse à cette idée trop farfelue. Il se lève à son tour et récupère sa cape pour contrer le froid de l’extérieur. Une nouvelle fois, il dérange Kon qui était confortablement installé dessus. Décidément, ce dernier semble vouloir garder l’odeur de son propriétaire avec lui aujourd’hui. Pour éviter de se faire griffer quand il va revenir, Ichigo lui sort un de ses pulls du placard et le met sur le lit. Cela satisfait son chat qui s’allonge dessus sans plus attendre. Bon, il va encore devoir enlever des poils, visiblement.

« Je suis prêt. »

A la suite de leur départ, Owen avoue enfin tout ce qui le dérange, rendant le rouquin inexplicablement sans voix. Sur le coup, il ne sait réellement pas quoi répondre, il souhaite juste se balader avec lui sans rien dire, profiter. Même si la destination ne l’enchante pas, être à ses côtés reste agréable.

« Je ne suis pas stupide, je ne fais pas d’erreur, tout comme tu n’en as pas fait. Mais ça me fait plaisir que tu fasses attention, malgré tout. »

Il ne dit plus rien ensuite, profitant des derniers pas qui le sépare de l’infirmerie. Bien entendu, quand tout ira mieux, le rouquin va insulter un instant son camarade de chambre, remercier Idun, s’insulter lui-même de ne pas avoir reconnu l’amortentia et partir dans sa chambre s’enfermer pour le restant de la journée à venir. La suite semble toute trouvée.

Quand il accepte de prendre l’élixir, il grogne légèrement en sentant l’odeur, vraiment rien à voir avec la potion précédente, beaucoup moins attrayante, encore un truc à faire gerber. Est-ce que c’est si sûr comme ça, des « médicaments » qui sentent aussi mauvais, absolument tout le temps et sans exception ? C’est quand même net cette histoire, voilà pourquoi il n’aime pas en prendre. Mais bon, apparemment, il n’a pas le choix. Il soupire en regardant Owen et finit par boire en entier, cul-sec. Au début, il ne ressent aucun changement. Absolument rien, il se sent bien et quand il regarde Owen… C’est toujours pareil.

« Tu vois, je vais …. Urf. »

Soudainement, le mal de tête arrive, violent, horrible, qui lui tient trop. Les nausées sont violentes, il est obligé de s’asseoir un instant car il parvient plus à voir clair devant lui. Bordel, qui s’amuse à se servir de lui comme punching-ball ? Personne ? Il sait pas si c’est mieux en fait.
C’est comme s’il se réveillant d’un… Cauchemar. D’une transe qui l’a pris pendant un moment sans qu’il puisse s’en sortir. Ce n’est vraiment pas un effet qu’il souhaite à qui que ce soit, même pas à Owen, malgré ce qui vient de se passer.

Qu’est-ce qui vient de se passer d’ailleurs ? Il en est plus bien sûr. A l’origine, il était dans le dortoir, en train de bosser, son colocataire est arrivé, il a voulu l’aider dans ses révisions, il a bu une potion et… et… Bordel. Putain. Il hait la magie. D’accord, peut-être pas à ce point-là. Mais merde.

« Owen… »

Clairement, le prénom n’est pas doucement susurré, rien de tout cela. Il plane autour de ce simple mot une certaine colère prête à éclater mais retenu par la présence de l’infirmière non loin. Comment il a pu confondre la potion ?! Lui aussi cela dit, mais de base jamais ça lui est venu à l’idée de prendre une potion ! Pourquoi il a seulement voulu le faire hein ? Fais chier, il doit être en colère contre qui ? Contre quelle stupidité ?!

« Tu connais l’utilité des étiquettes ?! Des feutres ?! Marquer pour savoir ce que tu as dans ton sac ?! Bon sang, j’arrive pas à croire… ! »

Penser à tout ce qu’il venait de se passer le gêner presque, non en fait ça le gênait vraiment. Heureusement, tout a eu lieu dans un endroit privé, personne n’a pu voir quelque chose comme ça arriver. Il serait probablement mort de honte sinon. Il n’a pas envie que ça tourne de partout cette histoire, ça suffit en ce moment.

« Tu sais quoi ? On va oublier. Tu vas en parler à personne, pas de problème. Merci de m’avoir amené ici et la prochaine fois, achète pas des trucs de merde comme ça. »

Il ne va pas rester fâcher longtemps, il a juste besoin de souffler un peu et ça ira, dès ce soir probablement. Au final, il n’est pas non plus le genre à rester réellement énervé trop longtemps, il doit juste un instant se calmer. D’ailleurs, juste après un dernier signe adresser à ce dernier et un remerciement à l’infirmière, il s’en va, ne sachant pas trop où aller en vérité. Sûrement à Bloombury, tant pis pour son devoir. Il verra ça plus tard, c’est tout.

Et plus jamais de potion.