C’est une belle journée d’été qui commence. Le ciel est bleu, les oiseaux chantent, il n’y a pas un brin de vent, pas un nuage. Il fait sans doute un peu chaud, mais rien d’insupportable. Oui, c’est vraiment une belle journée. Une belle journée que je vais passer enfermée, comme d’habitude. Mais pas par obligation, pour une fois. Enfin si, pour la première partie de la journée. Mais là, maintenant, j’y vais par volonté et gaieté de cœur. Je vais profiter d’un endroit tranquille, où peu de gens se rendent, pour y étudier. Ouais, « fin étudier est un grand mot. Certes. Mais ce n’est pas le sujet.

J’entre dans la serre, un gros sac dans les bras. Dans ce sac il y a tout mon trésor. Mon livre, mes affaires d’écriture, mes affaires de dessin, de p’tits trucs utiles… Enfin bref, tout ce qu’il me faut — ou presque. Maintenant, il me faut l’inspiration, le sujet d’étude et la place. Mais je ne me fais pas de soucis, je sais que je vais trouver.

« Tu cherches quoi aujourd’hui, spécialement ?
— Un géranium dentu.
— Bizarre, une plante avec des dents. Je suis faussement surpris.
— On parle de Nwer, hein. »

Rin ricane, alors que je m’arrête. Le voilà ! Je me tourne avant d’observer les alentours et de trouver un coin où m’asseoir, avec vue directe sur le géranium. Bien, donc… Au travail !


Je me redresse, devant mes croquis de Tarentula Bieorna. Je pense que la page à leur sujet est plutôt bonne ! J’assemble mes affaires et me rapproche du géranium.

« Merci mon brave. Tu n’es pas exactement le sujet, mais clairement ce qui s’en rapproche le plus. Tu as été un bon camarade. »

Je salue le géranium à la nwerienne, afin de lui dire au revoir, tout en le remerciant de sa présence. Rin se met à ricaner et je ne réponds même pas à sa remarque concernant le fait que je parle mieux aux plantes qu’aux humains. Il est bête en même temps. Tu parles mieux à tout qu’aux humains, ahah ! Exactement. Bref. Je m’éloigne de l’endroit, déambulant à travers les allées de la serre et observant les plantes. J’aime beaucoup ça. Il n’y a personne à cette heure-là, c’est calme, tranquille et apaisant. Je préfère ça à ce qui m’attend. Je fais la grimace en y repensant.

Papa a prévu le mois de juillet tranquille, à la maison, entre nous. Mais il m’a grandement encouragée à passer le mois d’août à la ferme de Juneberry, avec l’école. Soit disant que c’était pour fêter mon ASPIC avec mes camarades. Mais je n’arrive pas à m’ôter de la tête que s’il a tant insisté, c’est parce qu’il a prévu quelque chose et qu’il ne me veut pas dans les pattes. En soi je peux comprendre et je ne lui en veux pas, mais j’ai vraiment pas envie de passer un mois de mes vacances avec des gens d’Ilukaan ? Je ne supporte déjà pas beaucoup de gens… Enfin bref.

Je redresse la tête en entendant la voix de Rin. Je n’ai pas le temps de réfléchir à ce qu’il me dit que je vois un visage souriant posé sur moi. Je dévisage la personne, quelque peu surprise de trouver une âme errante ici. Et un peu déçue de ma tranquillité brisée. La fille est aux couleurs de Cervirald, plus jeune que moi, et tient un arrosoir. Visiblement, elle s’occupait d’un dictame. Je lui adresse un signe de tête poli accompagné d’un petit “bonjour”, sans lui rendre son sourire néanmoins, avec juste mon visage neutre habituel.

« Euh non, je venais chercher un endroit calme et un peu d'inspiration. »

Au moment où je prononce ces mots, des bruits d'agitation surgissent de l'endroit où sont habituellement placés les bulbes en question. Inconsciemment, mon visage se pointe dans leur direction alors que la voix de Rin retentit.

« Rho, vous allez vous calmer, bande de sauvages ?!
— Oui… Je marque un temps de réflexion et m’empresse de rajouter, en direction de la fille : Quand on parle des loups. »

Bon, où j’en étais ? Ah oui, je voulais reprendre ma marche solitaire dans les allées de la serre.

La fille semble aussi ravie que moi d’apprendre que les bulbes se mettent à s’agiter. Toutefois, elle s’en vient à me préciser que, tant qu’on ne leur accorde pas d’attention, ils finiront par se calmer. J’opine du chef. Elle connait ses cours de botanique, c’est déjà bien. Bon, à quoi tu t’attendais d’une fille qui vient profiter de son temps libre dans la serre ? Certes.

« C’est pas moi qui vais leur donner de l’attention, sois-en certaine !
— Tant mieux.
— Puis de toute façon, c’est même pas comme si on comptait rester ici !
— Mais quel casse-pieds. »

Rin me regarde avec un regard suspicieux que je cherche à ignorer. Bah il faut dire… Même moi j’arrive pas trop à déterminer si tu parlais de lui ou d’eux. De lui, mais j’ai choisi mes mots pour laisser planer le doute. C’est fabuleux, si même toi tu hésites, alors elle n’a pas d’autre choix que de croire que je parle d’eux, et Rin de se poser la question. Ah les mots… Quelles choses fantastiques !

La fille se décide donc à changer de sujet, et comme je n’ai pas encore fait un pas pour partir, je me retrouve bloquée dans une discussion que je ne veux pas. Rho, en même temps, quand est-ce que tu veux parler ? C’est vrai, jamais. Pourtant elle a pas l’air méchante. Là n’est pas la question : Yoimiya non plus n’est pas méchante. C’est juste une question de principe. Ouais bah tes principes, des fois ils sont bidon. En plus elle s’intéresse à ce que tu fais pour avoir besoin d’inspiration. Ouais.

Mais avant que je n’aie pu lui répondre, probablement à cause du temps de vide entre sa question et ma réponse, la fille s’excuse rapidement, jugeant qu’elle est sans doute trop prompte à la discussion à cause de l’absence de personnes dans la serre. J’avoue que ces mots me tirent un sourire moqueur, ainsi qu’une légère dose d’amusement.

« En effet, sans doute un peu trop. Surtout qu’il y a des gens qui n’apprécient pas de faire la causette et qui aiment cet endroit pour son silence. »

C’est pas très sympa ça. C’est pas méchant non plus, c’est un constat. Et c’est aussi mon cas, d’ailleurs. Certes, mais bon.

« Mais ouais, j’écris. Même si là, je venais pour du dessin et de la recherche. »

Plus de dessin que de recherche, puisque je connais déjà techniquement ces plantes. Cela dit, il faut avouer que les voir dessinées m’a fait poser des questions et… bon, je vais peut-être pas m’éterniser, ça fait bien longtemps que je n’ai pas parlé de Nwer à un autre être humain.