Words: 423

September 11

Idun ne peut pas se plaindre.

Du jour où elle était née, Vibeke, affectueusement désignée comme Vibs par ses parents et leur entourage, a été un bébé "facile" : elle pleure, bien sûr, comme n'importe quel enfant en si bas-âge, mais ne pousse pas des cris de banshee qui déchirent les tympans. Elle est facile à calmer, dort longtemps et réveille peu ses parents (non pas que cela aide Magnus dont les insomnies étaient régulières et quasi-inévitables). Bref, Vibs est un peu le bébé parfait : une perfection qui avait sans aucun doute contribué à un apaisement tangible de l'anxiété qui peut survenir chez deux nouveaux parents.

Idun est ravie de recevoir de la visite, aujourd'hui. Si elle n'est (fort heureusement !) pas lassée de sa fille, le temps peut parfois être long pour une extravertie qui a toujours aimé sortir avec ses amis, et cultiver un cercle élargi de connaissances à des fins plus ou moins intéressées. Si Vibs la fascine tous les jours, et qu'elle ne se lasse pas des tirades philosophiques de Magnus, la perspective de voir un "nouveau" visage à la maison l'enchante. Elle a donc nettoyé l'endroit de fond en comble, ce qui n'est pas si épuisant lorsque l'on a le pouvoir d'une baguette magique qui fonctionne correctement en main, et a préparé du thé. À son grand regret, c'est à peu près tout ce qu'elle est capable de prévoir sans mettre le feu à la cuisine : l'infirmière n'a jamais été particulièrement douée aux fourneaux. D'ailleurs, elle est toujours intimement persuadée que Magnus ne mange ses cookies que parce qu'il a pitié.

En entendant la sonnette, elle bondit presque du canapé et court jusque dans le couloir d'entrée, dérapant presque sur le parquet lisse, et décroche le téléphone.

- Keyne ! Non, tu n'es pas en avance, ni en retard d'ailleurs. Attends, je t'ouvre... Là

Idun appuie longuement sur le bouton où trône une clé, et vérifie bien qu'elle entend le bruit de la porte qui s'ouvre à l'interphone avant de raccrocher. Elle se regarde dans le miroir de l'entrée et réajuste quelques mèches - c'est plus fort qu'elle - et ouvre la porte dès qu'elle entend Keyne s'approcher.

- C'est moi qui te remercie, tu n'a pas idée d'à quel point je suis heureuse d'enfin accueillir quelqu'un d'autre que mes beaux-parents ou ma mère à la maison.

Elle marque une pause.

- Ne dis pas à Magnus que j'ai fait ce commentaire, hein. Viens, rentre ! Tu peux mettre tes chaussures là, et donne-moi ton manteau...

NOTES: ♫

Words: 334

September 11

Elle ne semble pas dérangée par le flot de paroles de Keyne, à vrai dire plutôt heureuse d'avoir à faire à une pipelette comme elle. Si Magnus ne manque pas de conversation, elle sent bien qu'elle inonde parfois son esprit de commentaires sans queue ni tête qui suffisent à lui faire perdre le fil de la discussion. Elle n'en veut pas à son mari, mais... Parfois, recevoir une amie capable de parler aussi simplement de la pluie et du beau temps, c'est un plaisir qu'elle ne peut refuser.

- Oh, Keyne, c'est trop gentil ! On n'a qu'à les manger en prenant le thé, j'ai déjà mis l'eau à chauffer. Quant à moi, je me porte bien - Magnus aussi, même si je sens bien qu'il est un peu débordé, entre ses élèves et sa propre progéniture qui n'a d'yeux que pour lui...

Idun lève un peu les yeux au ciel en parlant, mais le sourire sur ses lèvres indique qu'elle n'a pas vraiment de ressentiment envers la préférence nette de Vibeke pour son père. Il semblerait de toute manière que la fillette, non contente d'avoir hérité du physique de son paternel, en ait aussi tiré une prédisposition au calme et aux activités artistiques. Pour une enfant de son âge, elle est incroyablement facile à vivre, ne pleure que rarement et s'occupe facilement seule.

- Je dois avouer que je ne suis pas sortie beaucoup, dernièrement, entre mon travail et Vibs... Et je n'ai pas pu profiter de toutes les festivités. Elle fait la moue. Mais viens, la star du show est dans le salon !

Idun entraîne Keyne dans la pièce principale de l'appartement qu'elle occupe en centre-ville avec Magnus. C'est un espace traditionnel et chaleureux, où l'ancien se mélange au moderne - reflétant, quelque part, ses occupants. Tranquillement installée dans le parc à bébé, Vibeke tourne et retourne une peluche dans ses mains, levant les yeux vers l'inconnue. Elle lui adresse un sourire presque timide et édenté, comme pour lui poser une question polie.

T'es qui, toi ?

NOTES: ♫

Words: 401

September 11

La fillette regarde Keyne avec un regard curieux mais calme, que l'on pourrait interpréter comme fatigué si l'on ne connaissait pas bien l'enfant. Elle porte sa main à sa bouche comme pour se donner un peu d'assurance : Vibeke est toujours timide en présence de nouvelles personnes, qu'elles soient proches ou non. Bien sûr, elle est trop petite pour comprendre entièrement ce que lui raconte Keyne, mais le ton chaleureux, le visage naturellement enjoué et accueillant et les yeux verts pétillants de la brune lui tirent un sourire léger derrière son poing fermé. Le premier contact établi est positif.

Idun sourit fièrement. C'est sans doute un sentiment presque primal que de montrer son enfant à de nouvelles personnes : sans doute cela se rapproche-t-il de la sensation de présenter une œuvre d'art que l'on a réalisé de ses mains. I made this, en quelque sorte. Idun est souvent reconnaissante pour le caractère placide de Vibs, qui manifeste simplement sa timidité par un certain silence, au lieu de hurler à la mort comme d'autres enfants de son âge. L'infirmière n'a même pas le temps de réagir lorsque Keyne sort de la pièce puis revient, un paquet dans les mains.

- Ce n’est pas grand-chose, mais j’ai acheté plusieurs contes et livres pour les enfants. Pour être honnête, certains sont ceux qu’on me lisait plus petite ! Il ne faudra pas s’étonner s’il y a plusieurs fois la mention de dragons !

Immédiatement, un sourire sur ses lèvres et un ton rosé sur ses joues fleurissent sur le visage d'Idun, tandis qu'elle accepte volontiers le cadeau.

- Oh, Keyne...! C'est trop gentil ! Et je suis sûre que Magnus appréciera le fait que Vibs ait une bibliothèque bien fourni, déjà à son âge. Sa propre remarque lui tire un rire. J'ai hâte de lui lire tout ça... Encore et encore, vu que les enfants adorent la répétition.

La remarque lui tire un rire légèrement nerveux. Elle a d'ores et déjà vécu l'obsession de Vibeke pour certains jouets ou même objets du quotidien... D'un geste de baguette adroit, la théière est invitée à servir le thé à parfaite température dans des tasses en porcelaine, et les gâteaux se déposent délicatement dans des assiettes assorties, accompagnés de fourchettes à dessert. Elle prend le paquet de livre qu'elle dépose précieusement sur un guéridon, puis s'assoit à côté de Vibs, invitant Keyne à en faire de même.

NOTES: ♫

Words: 538

September 11

- Alors ça, les livres en français...

Idun soupire, mais son sourire ne quitte pas ses lèvres.

- Magnus le parle couramment. Moi… C’est plus compliqué, on va dire. Je sais faire du shopping à Paris, Magnus sait discuter de philosophie dans des salons littéraires. Je pense que l’écart est bien illustré.

L’infirmière ne peut s’empêcher de souffler brièvement du nez en évoquant des souvenirs de voyages plutôt amusants. Ce n’est pas faute d’avoir tenté de pratiquer, mais elle a beaucoup de mal avec les méthodes traditionnelles d’apprentissage, notamment des langues. Elle espère que Vibeke sera scolaire comme son père, sinon… Sinon cela promet de belles soirées de frustration à faire les devoirs.

Elle se tire de ses pensées pour répondre à la question de Keyne.

- Je suis en forme, oui. Il faut dire que Vibs est particulièrement facile à vivre. Hormis quand elle est malade et qu’elle se réveille beaucoup pendant la nuit, mais qui peut lui en vouloir ? En plus de ça, je fais preuve d’une patience dont je ne me serais honnêtement pas crue capable.

La rousse serre légèrement les dents. Idun le sait bien, qu’elle a tendance à vivre à cent à l’heure et qu’elle fait parfois preuve d’une impatience qui ferait rougir un enfant de cinq ans. Si elle a clairement fait preuve d’enthousiasme pour deux pour préparer l’arrivée de Vibs, il lui semble parfois qu’à présent, Magnus s’en sort mieux qu’elle. C’est sans doute une question de caractère, du moins c’est ce qu’elle se dit, pour éviter que son ego ne soit écaillé par des pensées parasites.

- Magnus a pris ses marques. Évidemment, c’était loin d’être évident au début, mais je pense que c’était le cas pour nous deux. Mais… À présent, je pense qu’il se voit en Vibs, et ça lui permet d’être… Tendre avec une partie de lui-même, en un sens ? Urgh, je n’ai pas son aisance avec les mots, mais tu vois ce que je veux dire ? Magnus est très dur avec sa propre personne, sans forcément le vouloir, juste parce que… C’est comme ça. Vibs lui ressemble énormément, et j’imagine qu’il n’imaginait pas pouvoir faire plus que tolérer un enfant en bas-âge avant qu’elle ne soit là.

Elle fait un geste de la main pour signaler que sa réflexion s’égare, que l’enfant suit du regard avec intérêt. Idun en profite pour presser sur son nez de son index comme on appuierait sur un bouton, ce qui déclenche immédiatement un éclat de rire chez la petite.

- Alors voilà, on en est là. Je pense cela dit que tu devrais lui poser directement la question si tu voulais une réponse plus assurée… J’ai beau le côtoyer tous les jours, c’est difficile de savoir ce qui se trame dans sa tête bien remplie.

Idun boit un peu de thé pour se donner une contenance. Elle sait qu’elle parle beaucoup, parfois trop, et ne veut pas risquer de dire des choses qui seraient à la limite de la vérité, comme il lui arrive parfois – une mauvaise habitude qui lui reste de son adolescence. Son regard couleur mousse des forêts alterne entre Vibeke et Keyne, espérant que la conversation prenne un autre tournant sans néanmoins le montrer.

NOTES: ♫