People will stare. Make it worth their while.
Oliver & Abigaïl
Qu'y a-t-il de mieux sinon une virée shopping, lorsqu'on veut se débarrasser de quelques troubles du cœur ? Longer les devantures en quête de la perle rare comme d'autres chercheraient l'amour, dépenser à s'en crever les poches, puis pleurer de regret jusqu'à en avoir sous les yeux... Pour Oliver, dont les goûts s'apparentaient à ceux d'un fin gourmet du tissu - ou plus grossièrement, une mite - rien ne surpassait le plaisir qu'il pouvait ressentir en passant les portiques d'une boutique. Les vêtements étaient une libération, un moyen de ne pas étouffer dans la masse ; et c'est dans cet état d'esprit que l'idée d'un relooking survint dans le sien, alors qu'Abigaïl se confiait à lui. Le malaise qu'elle éprouvait à l'égard de son identité de femme l'avait touché avec une force qu'il n'attendait pas, et, en un sens, il comprenait cela mieux que quiconque. Cependant, il savait tout aussi bien, par expérience, que le monde magique faisait preuve d'une curieuse tolérance en matière d'expression genrée - ce qui lui paraissait logique, étant donné qu'on pouvait difficilement juger autrui quand un des traits de sa propre culture consiste à s'asseoir sur un balai.
Voulant aider cette chenille à déchirer sa chrysalide afin de prendre son envol, il ne lui restait plus qu'à lui trouver quelques belles couleurs à arborer à la vue de tous... Le jour de leur sortie arrivant, l'Ursirre avait choisi sa tenue avec soin, et ne quitta sa chambre qu'une fois sûr de pouvoir sourire en apercevant son reflet. Loin de lui était l'envie de porter le déshonneur à son compte Pentagram, grâce auquel il avait fait la rencontre de la jeune femme, et plus loin encore celle de décevoir ses attentes : il devait être mignon, ou ne pas être du tout ! Et fort heureusement pour son espérance de vie, Oliver savait parfaitement comment se mettre en valeur. D'une main délicate de manière à ne pas emmêler ses cheveux tressés en une longue natte, il y apposa son chapeau de paille, resserra le ruban qui sertissait sa taille et s'aventura seul dans le centre commercial où Abigaïl devait le retrouver. Lui-même n'était pas sûr qu'elle y arrive seule, et se décida après quelques minutes d'errance de lui donner rendez-vous devant le Fancy Phoenix.
Ce dernier n'était pas vraiment son endroit préféré, mais les goûts vestimentaires d'Abigaïl lui étaient encore inconnus... Si elle désirait y entrer, Oliver la suivrait sans faire de scène ; après tout, il ne voulait en rien lui imposer son propre style en l'entraînant dans les mêmes magasins que les siens. Il réalisa toutefois son erreur lorsqu'il vit la masse de gens qui s'agglutinait dans les allées et qu'il devait quelquefois bousculer puisque tout semblait indiquer que Dieu ne leur avait pas donné une mère pour les éduquer. Tout en regrettant amèrement les petites boutiques qu'on trouvait dans les coins de rue et qu'il aimait tant visiter, il trouva refuge contre un mur voisin du point de rencontre, se positionnant de façon à ne pas manquer l'arrivée d'Abigaïl. Se saisissant de son téléphone portable, il tapota un second message qu'il lit à voix basse, avant de l'envoyer à sa camarade :
❀ Je t'attends... devant... le Fancy Phoenix... tu ne peux pas me manquer.