À onze ans, on pouvait tomber amoureux. Ça arrivait.
Et dans le cas de Sigmund, c'était... pas encore tout à fait ça. Onze ans. C'est jeune.
C'est trop jeune pour savoir ce qu'est l'amour, mais c'est déjà assez grand pour avoir la curiosité d'y goûter. Sigmund, qui venait d'entamer sa première année à Ilukaan.
Sigmund qui ne s'était pas encore fait à l'école.
Trop grande.
Trop différente.
Trop de monde.
Trop... trop, juste.
Il se sentait encore petit, enfermé (en comparaison avec son renfermement sur soi dans sa chambre), encore acculé à des murs auxquels il n'aurait jamais voulu tourner le dos. Mais voilà, il était là... et il devait s'y faire. Par conséquent, le jeune Allemand s'était cloîtré dans son petit monde virtuel avec... des gens qu'il ne connaissait pas et qu'il ne verra jamais. Aah... Quels doux sentiments que la sécurité et l'assurance quand on pouvait savoir à l'avance comment réagir et quoi dire quand on ne parlait qu'avec un clavier !
C'était beaucoup plus simple d'avoir le temps d'écrire sans fourcher plutôt que de paniquer face à la première question sorcière qui, tout de suite, nous balançait cette espèce de poids trop lourd sur la conscience – parce qu'on est encore un Né-moldu qui ne sait rien de ce monde.
Malgré tout, à côté de tout ça et toutes ces critiques qu'il garde pour lui, il y avait une étoile. Une petite étincelle d'espoir. Une figure qui le rassurait et qui l'aidait à mieux s'extirper de ses quatre murs.
Elle s'appelait Natalya, et elle était un peu plus âgée que lui. Mais vraiment à peine.
C'était peut-être leur ressemblance physique un peu hasardeuse mais étonnante qui l'avait invité à l'aborder plus que les autres, ou juste parce qu'elle avait un petit côté gentil derrière cette froideur constante, mais le gosse de 11 ans qu'il était... cet Allemand encore un peu timide et qui ne savait pas vraiment où prendre ses marques, avait comme un léger truc.
Oui, un truc. Un petit truc.
Truc mini-riquiqui de rien du tout...
Oui, bon, il en pinçait un peu pour elle, quoi.
Mais il avait 11 ans ! Et avoir le béguin pour une jeune fille un peu plus grande que soi à onze ans, c'était tout à fait normal ! Elle l'acceptait comme tel, le suivait même un peu ici et là (en fait, c'est lui qui la suivait), ne le repoussait pas spécialement... Natalya était quelqu'un de bien.
Il l'appréciait beaucoup. Si bien que, voilà, il avait ce petit coup de cœur innocent à son égard.
Elle l'avait aidé à s'ouvrir aux autres. C'était toujours un peu laborieux, quelque part, mais elle fut une aide dans le processus.
Il sortait même avec, de temps en temps. En fait, il voulait toujours emmener Natalya ici et là : il suffisait qu'il trouve un coin sympa dans Bloombury bien commenté par les critiques du Witchnet, et ça y est, il était parti pour la supplier d'y aller ensemble. Elle acceptait assez souvent, refusait quelques fois, mais devait sûrement l'accompagner de temps en temps pour être gentille.
Ça faisait son bonheur, en tout cas. À Sigmund.
Avant de rejoindre la jeune fille à qui il avait donné rendez-vous pour un peu plus tard, l'Allemand cliquait ici et là sur toutes les reviews qu'il pouvait trouver sur le lieu en question. Apparemment, les gens aimaient beaucoup, et ça annonçait une sortie un minimum sympathique pour lui. Il n'envisageait pas non plus l'occasion comme un date avec elle, c'était plutôt une autre excuse pour discuter, pour passer un peu de temps ensemble, comme il ne s'en lassait jamais, en fait... Dans la salle informatique, il était seul, et personne n'était témoin de ce petit sourire aussi mioche qu'amoureux. Un amour niais de gosse qui était empli d'un bonheur nerveux.