Il était un peu fatigué avec ses devoirs dernièrement. Il sentait le niveau augmenter dans les cours, le CATUS n’était que dans deux ans, mais il se rapprochait visiblement quand même trop pour les professeurs. Shinji ne lâchait pas l’affaire, il travaillait dur, il restait attentif et participait en cours. Le contrecoup de tout ça c’était qu’il était exténué. Les soirs où il ne faisait pas ses cartes du ciel, il dormait comme un loir. Et dès qu’il avait un moment il piquait une petite sieste. Il savait que c’était le temps de retrouver le rythme, mais la rentrée était passée depuis deux mois et il se demandait quand son corps allait s’habituer. Peut-être n’était-il pas fait pour des études si demandeuses ? Il adorait pourtant les étoiles, il avait passé des supers moments, cet été, perché sur les pyramides avec le Professeur Goetia, à étudier les différence des ciels entre chaque destinations qu’il avait pu voir. Fascinant.

Le moment du déjeuner était toujours celui qu’il utilisait pour se reposer un peu, vaguement, entre deux bouchée de nourriture lentement amenée à sa bouche fine. Il observait les interactions entre élèves, à moitié là et à moitié parti loin dans sa tête. Les gens venaient parfois s’installer près de lui, parfois non, peut-être qu’il leur faisait peur en souriant. Certains de ses amis le rejoignaient et ne se formalisaient pas de le voir en partie absent. Et bien sûr. Il y avait les « envahissants ». Ceux-là, Shinji, ils le saoulaient, parce qu’il avait besoin de sa pause de recharge solitaire au milieu du monde. Et qu’ils l’empêchaient de bien se remettre pour enchaîner les cours ou les devoirs qui suivaient.

Il avait donc l’air déjà au bout de sa vie inscrit sur son visage quand Owen débarqua avec un simple « Yo ». La phrase de salutation toute simple mis un moment à monter au cerveau de Shinji, laissant le temps au lupy de s’installer à côté de lui et de commencer à parler d’autre chose. Il fallait un instant, long, au japonais pour se reconnecter à autre chose que ses pensées et l’autre en avait profité comme d’une brèche où s’engouffrer.

« Bonjour, ça va. Ah ? » Il répliqua d’une voix monotone, sentant que de toute manière, il n’avait pas vraiment voix dans la conversation tandis que le coréen commençait à déblatérer sur sa grande chance dans la vie, sa force de sportif et ses compétences, et classements incroyables. Shinji lui jeta un regard morne, blasé, ennuyé.

Est-ce que ça allait fonctionner ? Non. Owen était lâché, et comme un chat qui passe n’importe où, il continue à faufiler ses exploits jusqu’au blond, jacassant et exprimant toute sa joie par tout son corps, de ses mains fières qui affichaient des photos sur son téléphone au torse bombé et bien bâti qui occupait une partie du champ de vision de Shinji. Il soupira.

« Et donc tu vas continuer ? » Il demanda poliment, de son ton plat. « Si tu n’as pas atteint la première place, c’est que tu n’es pas encore assez bon, non ? » Le jeune astronome n’avait aucun intérêt dans aucune discipline sportive. Autant dire que l’autre lui parlait presque une langue inconnue, et ça demandait un grand effort de se concentrer sur ses mots.

Il savait qu’il lui avait posé des questions, il savait donc qu’il allait obtenir une réponse. Pourtant quand l’autre se tût et commença à manger, il ne put s’empêcher d’espérer une trêve durable, un silence qui lui conviendrait et lui permettrait de se remettre dans sa bulle. Comme ça il pourrait recharger sa batterie sociale et ne pas être trop exténué le soir venu, alors qu’il y avait club de musique et ses devoirs à faire. Il reprit donc son déjeuner silencieux, satisfait. Malheureusement, Owen avait encore des choses à dire, et des questions maladroites à répondre.

Il hochait la tête au fil de la réponse de Owen. Okay, une petite équipe et des moyens limités, il comprend le principe. Il comprend que ça puisse freiner. On ne fait pas la même observation astronomique avec un petit télescope et une machine télescopique géante posée dans un observatoire professionnel quoi. Ça, Shinji pouvait donc, malgré son manque de connaissances sportives, saisir l’enjeu et l’importance pour Owen de s’entourer un peu mieux. Même si ça passait par une minimisation de ses coéquipiers, et de ce lancer de roses orgueilleux et mâtinées de suffisance. Peut-être que s’il était dans son équipe, il pourrait se sentir vexé. Il était donc bien content de juste côtoyer Elijah et Neah, au club de musique. C’était largement suffisant en terme de prétention et de condescendance. Owen était un poil plus agréable au final. Ça convainquit le japonais de ne pas tout de suite le rembarrer.

« Et bien je te le souhaite. » Il répondit platement. Que dire de plus ? L’autre était si sûr de lui. Jamais Shinji n’oserait assumer des choses comme ça. Il avait des rêves, liés à son futur métier, mais jamais il n’oserait se prétendre le meilleur ou le plus apte à réussir certains exploits qui pourraient pourtant le faire être reconnu internationalement. Qu’est-ce que ça lui plairait… Il soupira. « Je suis sûr que ça fait peur oui. » Il n’avait absolument aucune idée de ce qu’impliquait une courbe de progression en dehors de l’arithmancie, donc il se contenta de hocher la tête, indolent.

« Oh... » Il haussa les épaules. « Comme tu veux. » Pas sûr qu’il a envie, en vrai, il s’en fiche totalement. « Peut-être que la rediffusion suffira… oui... » Il le fixa un bref instant. « Sur youtube ? » Il pencha la tête. « C’est du côté moldu ton… sport ? »

Shinji a vraiment l’impression qu’on lui parle dans une autre langue, sur tout, sauf sur l’aspect moldu/sorcier. S’il y a bien une chose pour laquelle il est d’accord, c’est ça. Il observe son ancien camarade de classe lui déblatérer ses trucs et se perd dans ses pensées, écoutant à peine l’autre. Oui, c’est vrai que les possibilités dans le monde moldu sont quand même supérieures, dans beaucoup de domaines : le sport visiblement, mais aussi l’astronomie ou l’ingénierie. Largement plus simple et plus ouverts, les moldus, sans magie, font des choses folles, qui lui paraissaient quotidiennes avant qu’il n’arrive ici. La magie ne remplace pas tout, et ça, c’est une chose importante.

Il continue de hocher la tête, donnant l’air d’écouter Owen, sans cesser de comparer les techniques moldues et magiques, estimant ce qui était mieux chez l’un, mieux chez l’autre… Il tressaille légèrement en voyant un écran surgir devant ses yeux. Ok, il fait du vélo quoi. C’est triste à dire, mais vraiment il n’y comprend pas grand-chose, il suppose que c’est incroyable de le voir doubler des congénères mais pour lui… c’est juste un gars qu’il connaît qui fait du vélo, super vite… Comment il fait pour ne pas se tromper dans les pédales ? Il n’a jamais été super à l’aise sur une bicyclette, lui. Enfin, ce n’est pas le sujet.

Il hoche la tête avec un très léger sourire. « Tu es épatant, Owen. Je te souhaite d’aller loin. Et c’est bien d’avoir des fans, comme ça tu te sens soutenu pour tes baisses de tension. » Il réorganise les assiettes et autres contenants sur son plateau et se lève lentement. « Je dois retourner en cours, on pourra… en rediscuter, si tu veux… » Pitié, non. Pas tant qu’il n’a pas fini ses devoirs. Soyez cléments avec lui.