Tu es née en hiver, avec les premières neiges tombées sur Séoul. Première née au sein d’une grande famille Sorcière de Corée du Sud, ta destinée était toute tracée dès que tes parents ont appris que tu serais une femme. Avant même d’avoir choisi le nom qui te serait attribué, ils avaient décidé une grande partie de ta vie : Tu serais leur héritière, celle qui dirigerait la famille après leur disparition, un jour lointain.

C’est dans cette optique que tu as été élevée : Tu aurais dû devenir la petite Sorcière parfaite, celle que tes parents éduquent aussi bien que possible, pour pouvoir la forcer à prendre des responsabilités dont elle n’a jamais voulu. Et c’était le cas : Tu n’as jamais voulu de ces responsabilités, ou d’hériter de cette famille. Toute petite déjà, tu avais été plongée dans un domaine qui te passionnait bien plus que tout le reste : La musique. Ce domaine, tu avais décidé qu’il s’agirait du tien. Ou du moins, tu rêvais que c’en soit le cas, car jamais tes parents n’auraient accepté que leur fille devienne musicienne.

Donc c’est avec cette frustration exponentielle que tu as grandi, que tu as commencé à apprendre à maîtriser la magie. Frustration qui, par moments, explosait et résultaient en disputes avec tes parents, qui y coupaient bien souvent court en te forçant à retourner dans ta chambre, ou à disparaître de leur champ de vision. On peut le dire, tu n’as pas eu les parents les plus faciles… Ou alors tu n’étais pas assez bien pour eux ? C’est certainement la seconde option, à tes yeux.

Alors tu passais ton temps à t'échapper, à t'éloigner de ces grandes villes qui ont bercé ton enfance. Tu étais plus proche des animaux que des êtres humains durant certaines périodes, durant certains moments. Chaque fois que tu revenais, il y avait des soucis avec tes parents. Et chaque fois que c'était le cas, tu t'échappais encore. Chaque fois, tu allais courir dans cette forêt que tu avais tendance à apprécier. Tu ne détestais pas les villes, ça, non. Mais tu appréciais tout autant l'odeur de la forêt, les animaux qui courent autour de toi.

Lorsqu’il a été question de t’envoyer dans une école pour parfaire ton apprentissage de la magie, tu n’as pas été envoyée dans l’école de magie la plus proche, mais bien celle qui aurait pu t’apporter un apprentissage plus prestigieux, selon tes parents. Et ils considéraient, de toutes façons, que t’éloigner d’eux ne ferait que peser plus sur tes épaules, et te forcerait à te ranger.

Ça n’a pas du tout été le cas.

En arrivant à Ilukaan, tu as été envoyée dans la Maison des Cervirald, suite à la cérémonie de répartition. Pour être honnête, au départ, tu n'avais pas réellement grand chose à y penser. Mais c'est après t'être rendue compte des valeurs de la maison que tu t'y es sentie rapidement à ta place. Après tout, malgré les peurs qui te parcouraient, l'idée de voir souffrir n'importe qui t'était insupportable. Alors cette Maison te correspondait probablement plus que tu ne l'avais pensé originellement. La seule chose qui t’importait était la liberté dans laquelle tu vivais désormais. Tu n’avais plus parents à respecter, tu n’avais plus aucune responsabilité sur les épaules. Tu n’avais plus rien à prouver à personne, bien au contraire.

Les premières années se sont passées merveilleusement bien. Tu t’es fait des amis, tu as développé ta passion pour la musique, tu as commencé à travailler sur celles que tu rêverais d’écrire, mais… Chaque été, chaque fois que tu retournais chez tes parents, c’était une guerre et une bataille de plus qui s’écrivaient. Jusqu’à ce qu’ils aillent jusqu’à dire que tu n’étais qu’une déception, que tu n’avais de toutes façons pas le choix et que s’ils devaient t’arracher ces rêves « stupides » pour que tu les écoutes, alors ils n’hésiteraient pas à le faire.

C’est pour cette raison que, récemment, ton sourire était plus faux. Ta confiance avait entièrement disparu, et tu n’avais peur que d’une chose : Que tes parents t’arrachent tout ce dont tu avais rêvé, tout ce qui te faisait vibrer, tout ce qui te donnait envie de vivre. Aujourd’hui, tu n’as plus que l’ombre de la confiance que tu avais réussi à construire lors de tes premières années à Ilukaan.

Mais également, aujourd’hui, des choix déterminants approchent. Et tu sais qu’il faut bien que tu reprennes tout ça en main, si c’est ce dont tu rêves. Mais…

Ça te terrifie.

(c) Ilukaan