(On est au Canada, au XXIe siècle, la vie quotidienne de Bloomsbury, ville sorcière de Nouvelle-Ecosse, est marquée par la présence des étudiants d’Ilukaan, l’une des plus grandes écoles de magie de la période moderne, développement instigué par Vincent Leroy, nouveau directeur qui ne manque pas d’ambitions pour l’école dont il est à la tête et qui n’est pas loin de rivaliser avec Poudlard, Beauxbâtons ou Ilvermorny.)


Salle principale du bar, en début de soirée. Il y a foule et une lumière chaleureuse. On peut sentir les effluves d'alcool et de finger food, populaires dans ce genre de lieux à cette heure du soir.

Les rires éclatent entre les murs de l’Another Round et de la musique résonne en fond sonore. Un groupe de jeunes femmes, trois au total, une brune, une rousse et une blonde, est posé au comptoir, discutant gaiement comme voulant décompresser de leur journée après des heures de cours bien éreintantes. Elles n’ont pas encore commandé.

Ming entre. Il est censé retrouver Ying pour trinquer ce soir-là, c’était une promesse qu’il lui a faite plus tôt dans la semaine. Ils ne se sont pas beaucoup vus depuis l’incident de potion du Strixyst mais son regard brun est vite attiré par le trio de demoiselles desquelles il finit par se rapprocher.

MING, esquissant un sourire charmeur, comme c’est souvent le cas en présence du beau sexe - Quelle belle vision ! Êtes-vous les Trois Grâces venues honorer nous autres, mortels, de leur présence ?

Les trois demoiselles tournent simultanément la tête vers ce beau parleur.

LA BRUNE, riant - Trois à la fois, tu n’as pas froid aux yeux ! (elle s’apprête à ranger une mèche derrière son oreille)

MING, interrompt son geste en rangeant lui-même la boucle châtain - Moi ? Jamais. (rire tranquille, confiant. Il fait le fier)

LA BLONDE, lève les yeux au ciel et semble chuchoter à ses comparses - On passait une si bonne soirée jusque-là…

MING, esquissant un geste de recul, devinant sans mal qu'il est de trop dans ce trio - Oh ne vous méprenez pas, j’ai à faire ! Je vais vous laisser mesdemoiselles, passez une bonne soirée ! (il jette un oeil aux boissons qu’elles ont dans les mains et qu’elles semblaient savourer jusque-là, devinant sans mal que les breuvages sont à leur goût.) Serveur ! Peux-tu leur offrir un deuxième verre identique à ce qu’elles ont ? Ces charmantes dames ont bientôt terminé leur première tournée ! (il pose de généreux gallions sur le comptoir pour payer de lui-même, généreux, les verres du trio et le pourboire du barman avant de s’éloigner, non sans adresser un clin d’oeil complice aux trois jeunes femmes)

LA ROUSSE et LA BLONDE, relèvent un sourcil avant de hausser les épaules, la première un brin amusée donnant un petit coup de coude à la Brune, non sans un gloussement - Tu as une touche je crois !

Comme une marée, le monde afflue en ce jour propre aux breuveries après-cours. Ming semble pas dérangé malgré la masse qui se regroupe au comptoir pour commander.

MING finit par s'extriper de cette mêlée et balaie la salle, bondée et imposante du regard. Il avance un peu, avisant chaque visage avant d'entendre son prénom et reconnaissant le timbre de Ying, qu’il cherchait et était censé rejoindre pour cette soirée. Remarquant là où le plus jeune se trouve, il presse le pas pour s’approcher.

YING, ne semblant pas avoir remarqué Ming - Miiiing ? (un brin suppliant)

MING, pouffant et lui agrippant le bras de sa main avec fermeté pour ne pas le perdre dans les mouvements de foule - Hé bah, quel monde ! Tu as bien choisi ton soir ! (railleur, il laisse passer un petit silence) Comment tu vas ? Tu m'attends depuis longtemps ? (ayant repris un peu de sérieux, il garde son sourire impertinent)

À l'Another Round, tous sentiments se mêlaient
Eclats de joie et désespoirs, fêtes et silences
Souvent, les alcools menaient à la somnolence
Alors qu'à côté on se mettait à danser.

Or, ce n'était-là que le début de soirée,
Attablés et servis, les deux compères parlaient
Sans se soucier de ce qui pouvait se passer
Ailleurs. N’étaient-ils pas dans leurs vertes années ?

Ne manque-t-on pas de sérieux à ce jeune âge ?
L’esprit occupé par des pensées égoïstes,
On ne juge pas avoir le temps d’être sage,
Il est sans doute préférable d’être hédoniste.

L’éthanol avait la préférence de Ying,
Bien que la boisson n’était jamais dédaignée
Par l’aîné, ses préférences étaient renommées.
Le beau sexe était donc ce que préférait Ming.

Toutefois, le Lupy ne pouvait échapper
Aux responsabilités que lui incombaient
Les années qui n’avaient pas cessé de passer
Impossible de faire cesser le temps de couler.

Et il était désormais plus proche du diplôme,
Que des jours où il n’était encore qu’un môme.
Un rire, franc, clair. Il ne se laisse pas faire…
Toute situation semblait le satisfaire.

Et puis il déclare, sans détour, ses projets :
Se spécialiser dans la branche belliciste
De l’Histoire de la magie qu’il étudiait.
Il ne craignait pas le dur travail d’archiviste.

Peut-être que l’on l’aurait vu plus proactif,
Cependant, il tenait à garder ses passions,
Qui laissaient bon nombre de hères admiratifs,
Mais qui savaient bien ternir sa réputation.

S’il apparaissait détaché de ces cancans,
Et des rumeurs qui ne manquaient pas de piquant,
Ming méprisait ces échos divers incessants.
Ils venaient de piètres inconnus méconnaissants.

Mais l’heure était loin d’être à penser aux envieux.
Il ouït Ying évoquer irrévérencieux
Le fameux fief céleste des Lan de Gusu
Dont les règles forçaient quiconque à être absou.

Si d’ordinaire, on imagine les nuages
De l’illumination être les apanages,
Ce lieu avait tout pour représenter l’enfer,
Pour Ming, cela tenait plus du pénitenciaire.

“Il aurait été sans doute bien plus aisé,
De lister ce qui y serait autorisé.”
Répondit le Lupy dans un des traits d’esprit
Il préférait à ce lieu la coquetterie.

Oh il plaignait son cher camarade, obligé
malgré lui de se retrouver avec ces coincés…
Mais il ne le rejoindrait pas dans cette épreuve
Il préférait plutôt se noyer dans un fleuve.

C’est dire à quel point Ming tient à sa liberté
de faire ce qui lui plaît, avec légèreté,
sans recevoir sermons ou jugements d’autrui
Qui n’ont aucune chance qu’il en soit détruit.

Le bras levé, il porte le verre à ses lèvres,
Encore bien loin d’avoir de l’ivresse la fièvre
La chaleur du liquide envahit son gosier
Mais son apparence reste bien composée.

D’un coup d’oeil, Ming vérifie du côté de Ying,
Sur le bois obscur, bien brillant comme un sterling

Le gallion déposé annonce un deuxième verre
Comme si oubliés étaient les effets pervers

De l’éthanol d’un samedi soir au succès
fou que personne dans ce lieu ne refusait.

Les règles sont-elles l’apanage du bien ?

Pour toute personne ayant été éduquée, la première chose que l’on apprend est la connaissance de ce qui est “bien”, en opposition à ce qui est “mal”. Souvent, la morale religieuse intervient dans l’apprentissage de ces notions et facilite grandement la compréhension de ces concepts. Par la suite, des lois ont pu être créées, reprenant les diktats de la religion et ont pu être propagées par celles-ci à travers les pays et les continents pour qu’au final il y ait consensus sur ce qu’il faut et ne faut pas faire.
En cela, on peut les considérer comme “absolues” et “universelles”.

Le “bien” est ce qu’il faudrait faire, ce qui est encouragé par la société. Ainsi, il y a un consensus commun à bien des cultures et religions que la charité ou l’altruisme sont au service de celui-ci par exemple. On y trouverait un sens objectif, un idéal que chacun devrait atteindre.
À l’inverse, on trouvera le meurtre ou l’égoïsme répréhensibles, donc associés au “mal” et donc on tentera de dissuader quiconque à agir de la sorte. Les passions sont propres à chacun, donc subjectives. En cela, elles sont souvent associées à quelque chose de mauvais.

Ainsi, comme les Lan de Gusu, ériger des règles objectives contribuerait à assurer la paix dans leurs rangs. Les lois permettent d’éloigner ce qui est mauvais et poussent l’Homme à travailler sur lui pour faire le “bien” plutôt que de se laisser emporter par ses passions qui peuvent le consumer, à terme.

Pour autant, les passions sont-elles nécessairement au service du “mal” ? Et les règles à celui du “bien” ?

On a pu voir au cours de l’Histoire que certains exécutants, un peu trop zélés, justifier leurs actes, aussi horrifiques pouvaient-ils être, par le prétexte des règles. Ces dernières contribuent donc dans certaines circonstances à banaliser le mal. Dans ce cadre, comment peut-on affirmer que les lois sont “bonnes” et permettent d’éloigner le mal ?

À l’inverse, les passions, aussi subjectives peuvent-elles être, peuvent provoquer le bonheur chez un individu ou un sentiment de satisfaction. Quand celui-ci est permis sans que ce soit au détriment d’un autre, peut-on dire que c’est “mal” ?

Le “bien” et le “mal” c’est ce qui diffère l’Homme de l’animal, qui n’a nullement conscience de ces concepts et qui écoute son instinct. Un loup ne va pas tuer par cruauté, mais parce qu’il a besoin de se nourrir, parce qu’il en va de sa propre survie.
À cette opposition s’ajoute celle entre Nature et Culture. L’Homme, parce qu’il se cultive, s’éloigne de la nature et donc de l’instinct. Il est donc forcé de se plier à certaines règles pour se faire accepter de ses pairs.
Ces concepts ne s’appliquent donc pas aux animaux parce qu’ils ne sont pas en mesure de comprendre ces notions.

Le Bien, c’est la culture, c’est ce qui permet à l’Homme de progresser, de se détacher de l’animal, c’est le respect de l’humanité.
Le Mal, c’est la nature, ce qui s’oppose à l’évolution et fait régresser l’Homme au statut de bête, c’est le mépris de cette humanité.

En ce qui concerne la magie, c’est assez similaire, en un sens.

La magie “blanche”, celle qui contribue au “bien” comme cela est couramment admis, s’exécute en concordance avec les lois de la nature et de la dignité de la vie, ce qui la rend différente de la magie “noire” qui méprise ces lois naturelles, notamment avec l’exécution de sorts interdits qui vont provoquer artificiellement chez un individu des souffrances, des actes nullement consentis ou encore la mort, dans le cas le plus extrême.

Alors que quelqu’un soit fasciné par la magie noire est quelque chose d’inquiétant en soi, pour beaucoup d’individus.

Pour autant, l’on pourrait arguer qu’il est nécessaire de “vaincre le feu par le feu”, la magie noire ne serait-elle pas le meilleur outil pour lutter contre les sorciers qui ont des ambitions peu louables ?

Sans doute est-ce le cas avec parcimonie. Après tout, dans la morale taoïste, on accorde de la nuance aux choses.
Le symbole du Yin et du Yang représente bien cette dualité. Il y a du bien dans le mauvais et du mauvais dans le bien, mais ceux-ci sont tout de même limités, il ne s’agit pas d’être excessif.


Si Ming est quelqu’un de passionné, il demeure qu’il croit en la voie du Dao. Il observe son interlocuteur, un sourcil levé.