Pour atteindre sa cible, il fallait une unité parfaite entre l'esprit, l'arc et la flèche.

On le lui avait toujours dit.

Sara ne prêtait pas attention à ce qui se passait autour, avec les autres membres du club. Son niveau était plus que suffisant pour que l'on ne soit pas derrière elle et que l'on ne passe pas après elle pour vérifier que tout était impeccable.

Son attitude l'était déjà.


Après les cours, elle avait retrouvé les autres membres du club dans le gymnase, comme depuis ses débuts à Ilukaan et avait revêtu ses vêtements de kyûdo, amples, sobres, la ceinture portant un carquois rempli de flèches ainsi que le gant, si particulier à la pratique de cette activité.

Toute de noir et blanc vêtue, comme le choucas de son patronus, elle attacha ses cheveux sombres et courts en une petite queue de cheval, pour ne pas être entravée par ses mèches de jais et elle banda son arc, immense en comparaison à ceux que l'on voyait habituellement.

Elle se mit à l'autre bout du gymnase pour ne pas être dérangée, le pas preste et rendu silencieux par ses tabi


La demoiselle avait posé le yumi au sol pour s'étirer, échauffer ses articulations avant de se saisir à nouveau de son arme, de se mettre en position.

La première cible apparut devant elle dès que ses pieds s'ancrèrent dans leur position définitive et elle inspira profondément, tendant la corde. Son visage était aussi impassible que s'il n'y avait pas eu d'effort fourni.

Quelques secondes s'écoulèrent, pour que l'Ursirre puisse ajuster sa position, sensiblement...


Et elle lâcha la corde qui claqua sèchement, envoyant la flèche en ligne droite, en plein coeur de la cible.


Comme à chaque fois.


Sara, dans ses activités, était d'une précision chirurgicale. Ses flèches atteignaient toujours le centre de la cible au tir à l'arc, le souafle entre ses mains était passé de manière efficace à ses coéquipiers et entrait dans l'un des buts au Quidditch...

Une justesse qui se retrouvait dans son attitude quotidienne.

L'oiselle était pragmatique, rigoureuse. Sans fioritures, les informations étaient données, claires, que ce fût à un.e interlocuteur.ice ou sur la feuille pour un devoir.

Et elle était souvent comparée à un oiseau de proie pour ces qualités. Vive, carrée, dans ses paroles ou ses actions, elle ne semblait pas laisser de place au doute ou à l'hésitation. Ce qui lui donnait une prestance certaine... Et intimidait plus d'une personne.
C'était sans doute la raison pour laquelle son cercle de connaissances était si restreint et qu'elle se retrouvait souvent bien seule.

Et elle en souffrait, malgré les apparences.

Peu d'amis, une famille distante par son statut d'adoptée... Son sort n'était pas vraiment enviable.

Mais cela n'avait pas à être des données connues. Sara renfermait ces peines et affichait une attitude froide et impénétrable.
Alors que son coeur brûlait.

Un feu contenu par de nombreuses barrières érigées, d'abord par les yamabushi de Gokayama, puis par les Kujou et enfin par elle-même.
Un feu qui était réduit à l'état de braises endormies... Mais qui pouvait être bien rapidement ravivé selon les circonstances.

Toutefois, à ce sujet... cela n'avait pas à être su.

Sa main gauche, désormais libre, se porta à sa taille pour prendre une nouvelle flèche pour poursuivre son entraînement.

Mouvement qui fut bien vite avorté.


En effet, soudainement... Sara ressentit la plus que désagréable désagréable sensation d'être observée. Les sourcils sombres de la jeune femme se froncèrent sensiblement et son visage se ferma encore plus alors qu'elle abandonna le fait de prendre une nouvelle flèche pour le moment.

Elle se tourna, faisant face au blondinet dans son dos, sans se départir de son expression inabordable, et le scruta de son regard aussi glacial que l'extérieur du gymnase.



Questionna-t-elle d'une voix tranchante, froide, comme le fer de la lame d'une épée, ses lèvres rosées, déjà minces, pincées.

En face, son interlocuteur souriait.

D'aucuns disaient que Sara était froide avec ses interlocuteurs, en toutes circonstances, gardant une distance polie que l'on associerait à l'étiquette japonaise.

Ayant été adoptée dans une famille de sang-pur, elle avait pris connaissance des codes après tout.

Avec son interlocuteur du moment, son attitude ne fit pas exception.
Elle lui fit face, glissant son arc sur son épaule, en attendant que la conversation se termine. Ses doigts nerveux s'éloignères de son carquois à sa taille. Elle ne tirerait pas tant que le blond qui avait décidé de lui parler à ce moment ne s'éloignerait pas.

Pour autant, elle le toisait sans une once de chaleur, conservant son habituelle réserve qui faisait sa réputation, ne cillant pas quand l'autre se fit quelque peu enjôleur. Elle était généralement insensible à de telles paroles. Il fallait atteindre un certain niveau de proximité avec elle pour qu'elle s'en émeuve ou que ces belles paroles la touchent.



Elle ne semblait pas s'étonner qu'il connaisse son nom et son prénom... Elle était capitaine de l'équipe de Quidditch d'Ursirre et... à son grand désarroi, les rumeurs allaient très vite au sein de l'école. Elle ne s'étonnait pas qu'elle en était parfois le sujet.

La jeune fille fronça simplement les sourcils quand le hafu loua l'aspect esthétique de ses mouvements, ce qui eut pour effet de rendre la demoiselle circonspecte.




Au kyûdo, ce n'est qu'un but parmi deux autres. La beauté sans la vérité et la vertu donnent un tir vide, superficiel.

Le parfait kyûdojin dans cette discipline se devait d'être maîtrisé, discipliné, pondéré et modeste... Son corps devait atteindre l'union parfaite avec son esprit afin de transcender le monde matériel.

Et c'est cela que visait Sara.


Sa pratique était quasi-religieuse... Comme beaucoup de choses qu'elle faisait dans sa vie.

Qu'on ne se leurre pas, la fille Kujou était une dévote dans bien des aspects de son existence et attachait à chacune de ses actions ou à chaque moment de sa journée une ferveur religieuse.

En cela, elle était loin d'être aussi froide qu'elle ne le paraissait. La passion la touchait au quotidien...

Les dieux avaient fait part de leur grâce à l'adolescente, même si cela ne se voyait pas d'un point de vue extérieur...


Sous une façade dure, la Japonaise brûlait... Et depuis septembre avait comme connu une sorte de transverbération.
Mais ça... Elle n'en parlait pas. Déjà parce qu'elle avait le verbe rare, puis parce qu'elle n'en n'était elle-même pas totalement consciente.