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Preview du mois de décembre : it's beginning to look a lot like Christmas!
ILUKAAN est un forum MULTIFANDOM dans l'univers d'Harry Potter.
Ilukaan est une école de magie internationale se situant en Nouvelle-Écosse au Canada.
L'histoire se déroule en 2024, mélangeant magie et technologie.
Vous pouvez jouer des personnages de manga/anime, jeux vidéos, films d'animation, dessins animés, romans jeunesse ou encore un OC.
L'intrigue se fait à la fois en RPCB et RP-POST.
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Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
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Invité
Anonymous
Sujet: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Jeu 1 Sep 2022 - 21:34
                    
[AVANT-PROPOS] - Même si c'est une adaptation du canon pour correspondre à Ilukaan, SPOILER ALERT parce que je me suis vachement inspirée de ce qui arrive à Kyojurô dans KnY, donc si vous ne voulez pas être spoilé•e, on fait demi-tour et on va regarder Demon Slayer !




shinobu kochô
2026
'心に炎を灯して 遠い未来まで' ;
Longue avait été l’errance dans l’obscurité.
Kyojurô marchait avec difficulté, le regard rivé devant lui.

Depuis combien de temps ? Des minutes, des heures ?
Des jours, des semaines ?
Il était incapable de le dire.

Il serra la main pâle qui tenait la sienne fermement mais non sans une tendresse maternelle, à l’instar de ce que ferait un enfant.

_______________

C’était la fin.
Une nuit à protéger un train d’une attaque de mages noirs… Il s’éteindrait alors que l’aube se levait sur la campagne japonaise…

À genoux sur le sol, il était incapable de faire le moindre mouvement et il respirait avec une difficulté croissante alors qu’il se vidait de son sang. Ses membres étaient pétrifiés, peut-être les prémices de la rigor mortis.

Les mages noirs n’avaient laissé aucun répit, avaient préféré prolonger ses souffrances plutôt que d’utiliser le sortilège de la mort avant de partir quand des renforts d’Aurors avaient été annoncés.

Il sembla à Kyojurô d’être non loin de l’autre monde. Il le sentait.
Avait-il des regrets à ce moment ?

Un certain nombre pour être honnête. Sans doute aurait-il préféré ne pas mourir aussi tôt… Il eut d’abord une pensée pour son père, prendrait-il soin de lui ? Ils n’auront jamais pu se réconcilier… Néanmoins, il espérait que Shinjurô trouve un peu de paix, un jour, et retrouve goût à la vie, comme avant.
Ensuite, il songea à Senjurô. Oh, qu’il aurait aimé le prendre dans ses bras une dernière fois, lui affirmer son soutien indéfectible, malgré les difficultés et l’encourager à toujours aller de l’avant et que, quelle qu’était la voie qu’il choisirait, son grand-frère serait fier de lui.
Quant à ses juniors et ses amis… Kyojurô observa ceux présents.
Il n’avait pas de soucis à se faire. Un futur brillant les attendait, la relève était assurée, il en était convaincu… N’avait-il pas dédié ses derniers mots à ces jeunes bourgeons ? Il était bien de son devoir de s’assurer que ceux-ci fleurissent sans problème et puissent montrer un jour tout leur potentiel.

Son dernier regret, et non des moindres, était sans doute de ne pas revenir une dernière fois auprès de son aimée, de ne plus sentir les effluves de glycines.
Il lui sembla voir ses grands yeux tristes, si particuliers. Cocasse, étant donné que Kyojurô n’était pas doté d’une grande imagination.
Il regretta de ne pas lui avoir assez dit “je t’aime”, d’avoir été si réservé quant à leur relation… Il espéra qu’elle lui pardonne tout cela et garde elle aussi la tête haute, face à l’adversité.

Malgré ces inquiétudes amères qui lui serraient son coeur déjà bien faible, l’Auror garda affiché un sourire d’une tranquillité qu’il lui était rare d’arborer en public, sans doute pour atténuer la douleur qu’il lisait dans les visages alentour, malgré avoir perdu la moitié de sa vue par un oeil crevé dans le combat.

Il ne regrettait en aucun cas d'être monté dans ce train, d'avoir accepté cette mission. Si cela était à faire, il le referait.


Kyojurô n’avait pas réussi à neutraliser l’ensemble des mages noirs qui avaient conduit l’attaque sur le train en plusieurs vagues. Néanmoins, pas une victime n’était à déplorer, ce qui était en soi une victoire.

Son souffle se raréfiait au plus le temps passait, sa vue se troublait.

“C’est la fin... Mais ne pleurez pas pour moi.” Pensait-il après avoir proféré ses dernières paroles. Au bord de mourir, comme la cigale, il ne s’était pas tu. Ses paroles résonnaient encore, plus que jamais bruyantes.

Il sourit avec une infinie douceur à ceux qui l’entouraient.

“Ne pleurez pas pour moi.”

Un regard devant lui, attendant le moment fatidique… Il se figea.

Non pas parce que le moment était venu, mais parce qu’il discernait une silhouette éthérée, diaphane qu’il ne lui avait pas été donné de voir depuis des années. Du moins, pas de la sorte.

Si pour O-Bon, elle apparaissait auprès des siens sous une forme froide et entièrement d’agent, Ruka ne semblait pas aussi vivante qu’à ce moment-là.
Le masque sévère pour lequel feu la matriarche Rengoku était connue était comme dans ses souvenirs… Il lui semblait presque revoir son épouvantard qui prenait la forme de cette femme qu’il admirait et dont le regard avait été d’une importance capitale pour l’ensemble des choix qu’il avait eu à effectuer au cours de sa vie.

Néanmoins, l’apparition de Ruka à ce moment était loin d’être aussi hostile que l’illusion que donnaient les épouvantards. Sa peau était rose et pleine de santé, ses cheveux noirs, comme des fils de satin, étaient rassemblés en une tresse lâche, délicatement ornée d’un ruban de soie. Ses yeux, garance que son obi de même ton faisait ressortir, le fixaient, imperturbable.

Vêtue d’un kimono d’une teinte pâle et délicate comme des fleurs au printemps dont les motifs de la soie délicate s’inspiraient, la regrettée dame Rengoku était éblouissante comme une étoile à l’aube. Cela était d’autant plus renforcé par les rayons qui venaient d’elle, telle Amaterasu.
Comme la neige au soleil, le sourire de Kyojurô avait fondu et ses yeux s’écarquillèrent derechef devant la beauté de ce spectre.


“Mère… ai-je agi comme il le fallait ? Ai-je accompli mon devoir ? ne put-il s’empêcher de penser, cherchant l’approbation de sa mère, comme si cela lui permettait de se libérer, enfin, et de partir en toute quiétude et tranquilité.

Le visage de l’apparition fantomatique s’illumina, aussi rassurant et doux que la flamme d’une bougie allumée au nadir.

“Oui. Je suis fière de toi.”

À ce moment, face à tous, qui ne virent sûrement qu’une lueur dorée sans détails à la place de Ruka, le visage de l’Auror se figea dans ce qui semblait être un dernier sourire, paupières baissées, avant que son menton ne tombe, tout comme lui dans les abysses.


Le lever d’automne du 19 novembre 2026, on dirait le Pays des Ombres.



_______________

Depuis, il marchait dans l’ombre avec sa mère qui lui tenait la main, le guidant sur ce chemin entouré par les ténèbres.
Cela ne se faisait pas sans difficulté, il lui semblait encore sentir ses plaies le lancer au visage, sa respiration se faisait avec difficulté à cause de ses côtes brisées et une brûlure désagréable au niveau de ses entrailles le lançait.

Comme s’il était encore vivant.

Et pourtant, il marchait, encore, ce dont il était incapable dans le Royaume des Vivants.

Sans doute était-ce une nouvelle épreuve des Cieux pour mettre au défi sa persévérance et sa vaillance avant qu’il ne trouve la paix, auprès de sa mère, au milieu des cerisiers.

Nombre de questions affluaient au bord de ses lèvres et s’il voulait ouvrir la bouche, aucun son ne sortait.
Ruka, quant à elle, demeurait mutique et était la seule source de lumière dans la pénombre. Ses iris rubins fixaient un point inconnu au loin, sans ciller. C’était là une excentricité que l’on pouvait noter chez son fils aîné et qui déstabilisait à bien des égards.

Si Kyojurô n’avait pas tourné la tête à plusieurs reprises pour s’assurer de sa présence, il n’aurait pas pensé qu’il tenait la main de sa mère, tant celle-ci paraissait impalpable dans la sienne. C’était une drôle de sensation qui s’accentuait à mesure que le temps passait, qu’il était difficile de décrire.
Il semblait au fils que sa paume, marquée par ses entraînements, s’était refermée sur le vide et pourtant, il y avait bien celle de la mère dans la sienne.

L'œil qui lui restait observait par moments ce phénomène, comme pour s’assurer que Ruka ne se volatilise pas et le laisse seul dans ce néant noir, l’expression perdue comme celle d’un enfant.

Étrangement, il lui semblait que sa mère s’éloignait de lui, qu’une distance se créait entre eux alors que paradoxalement elle demeurait à ses côtés dans cette longue marche qui semblait ne plus en finir.

Les mèches épaisses de l’Auror bougèrent légèrement, comme remuées par une douce brise d’automne. L’homme redressa la tête pour découvrir qu’ils s’approchaient de cerisiers en fleurs.

« Les cieux… » songea Kyojurô.

Une frontière nette était marquée entre la cerisaie et la terre de ténèbres dans laquelle il avait longtemps marché aux côtés de sa mère. Il n’y avait pas de phase transitoire entre ces deux paysages. Ruka lâcha la main de son fils, passa sous le torii qui marquait l’entrée de ce jardin sans limites et arriva sous les arbres desquels s’échappait un flot infini de pétales roses avant de se retourner vers lui, comme si elle l’attendait.

Il n’y avait aucun retour possible. Kyojurô attendrait ses proches dans ce paysage idyllique qu’il quitterait pour O-Bon, ou attendrait sa prochaine réincarnation.

L’homme avança, son visage à mesure illuminé par le Soleil infini de Takama-ga-hara. Toutefois, au moment de passer le torii à son tour, il se retrouva bloqué comme face à un mur invisible.

« Mère… »


Souffla-t-il, l’air implorant, après avoir tenté pendant de nombreuses minutes, sans succès. Il tomba à genoux, épuisé.

Ruka continuait de l’observer, tranquille et s’approcha de lui, prenant son visage entre ses mains, aussi bénévolente que Kannon.
La madone sourit en voyant ce visage d’homme arborer une expression aussi fragile que celle d’un enfant.
Ses yeux brillaient tandis que ses mains caressaient avec tendresse ce doux visage, faisant disparaître le sang de celui-ci, puis passèrent sur les aigrettes.

Si les années avaient passé, faisant de son fils aîné un homme qu’elle n’avait pas eu la chance de voir grandir et gagner en force au fil des années sinon depuis le paradis, les expressions de l’aîné de ses enfants restaient les mêmes

« Ne t’en fais pas Kyojurô… Ce n’est tout simplement pas le moment pour toi. Retourne au royaume des Hommes. Je suis si fière de ce que tu es devenu, je n’ai jamais douté de toi. »


Elle serra le corps de son fils entre ses bras et Kyojurô ne put que ressentir à nouveau et plus que jamais cette présence impalpable et lointaine malgré sa proximité.
Il huma profondément les senteurs de soie et de cerisiers qu’il associait à sa mère. Ses paupières se crispèrent tandis que sa respiration se fut plus profonde et ardue, sous le coup de l’émotion, au-delà de ses blessures.

« Mère… Je n’ai jamais connu si grand honneur… Que celui d’être votre fils. »


Déclara-t-il, la voix secouée par ses sentiments comme cela était rarement le cas. Lui qui habituellement était maître de lui-même.

« Va, Kyojurô… On t’attend là-bas… »


La voix douce, mais le ton ferme, Ruka déposa un baiser tendre sur le front de son fils… Son garçon… Sa fierté avant de le lâcher, une partie d’elle ayant des regrets de devoir quitter à nouveau son enfant. Elle se posta, droite et digne sous le torii et les fleurs de cerisier.

Kyojurô se redressa avec peine, observant la matriarche Rengoku avant de tourner les talons pour faire le chemin inverse qui ne paraissait plus aussi sombre qu’à l’aller.

Bien entendu, ses blessures, nombreuses, le faisaient souffrir… Mais il poursuivait sa route.


Un frôlement, un bruissement… Soudains, sur sa droite.

Kyojurô s’arrêta et tourna la tête.

Près de lui, un papillon voletait, sans aucune méfiance. Sans doute venait-il de la clairière aux cerisiers où l’aîné Rengoku avait laissé sa mère, messager léger aux tons bleutés faisant le lien entre les morts et les vivants.

L’Auror, les commissures relevées par cette apparition aussi soudaine que bienvenue, approcha doucement sa main de l’insecte, qui vola autour de la paume tendue, comme semblant hésiter, tout à coup bien farouche.
Au papillon, l’homme proposait d’être son compagnon de voyage.


Enfin, la créature atterrit avec délicatesse sur l’index tendu, battant encore paresseusement des ailes une fois posé.

Soudainement, la vision, déjà bien affectée, de Kyojurô se dégrada davantage. Il ne percevait plus les choses aussi nettement que ce n’était le cas jusque-là avec son unique œil, comme s’il était sous l’effet d’un poison.


Des vertiges le prirent de toutes parts, la douleur se fit encore plus insoutenable qu’alors, il lui semblait brûler.
Son corps semblait tanguer, comme pris dans une tornade ou une tempête en pleine mer…

Puis… L’immobilité, enfin.
Sous son dos la mollesse d’un matelas et sur son corps la ouate des draps qui lui semblaient peser des tonnes alors qu’il n’en n’était rien.

À quel point son corps était-il affaibli ?

Il tenta de lever une paupière, ce qui s’avéra plus difficile que prévu alors qu’il s’agissait là d’un geste de la plus grande simplicité pour quiconque… L’autre œil était condamné à l’obscurité à perpétuité.

Son iris se retrouva face au plafond, dont il ne percevait pas les détails. Tout était flou. Seules les couleurs lui donnèrent quelques indications pour se retrouver.
Oranges. Violentes.
Le crépuscule.

Au loin, des paroles inintelligibles, des discussions incompréhensibles. Les voix étaient modifiées par l’éloignement, mais il réussit à discerner plusieurs personnes.

« Ah… »


Kyojurô expira un râle.

La vie.

            
Invité
Invité
Anonymous
Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Ven 2 Sep 2022 - 18:41
                    
Note:

心に炎を灯して 遠い未来まで

Kyojurô Rengoku & Shinobu Kochô
Why do fireflies have to die so soon?

Shinobu, lorsqu'elle était jeune fille, était de ceux qui pensaient encore innocemment que la route du bonheur serait éternelle. Lorsque cette joie de vivre lui avait arrachée pour la première fois, elle réalisa que ses idéaux infantiles reposaient en vérité sur une fine couche de verre : d'une fragilité éprouvante, et prompte à se scinder selon les aléas du destin. Parfois même ses rouages s'étaient-ils enclenchés alors même que la victime de sa fatalité riait aux éclats aux côtés de ceux qu'elle aimait, sans se douter ne serait-ce qu'un seul instant qu'elle ne serait bientôt plus.

Impitoyable destinée.

Elle l'avait séparée trop tôt de sa sœur aînée; son amie, son parangon, sa fierté. Elle était son Tout, et elle lui avait été arrachée.

Cela faisait des années que Kanae Kochô n'était plus. Et pourtant, sa cadette se révélait étonnamment lucide pour se remémorer avec une précision affinée tout ce qui caractérisait jadis la défunte. Chaque inhalation des fragrances poudrées nées d'un bourgeon fleuri faisait figurer, en son esprit, le portrait souriant de la disparue. En coiffant avec une douceur sororale les cheveux des demoiselles sur lesquelles elle veillait avec la tendresse d'une mère, la faiseuse d'élixirs ne pouvait s'empêcher de se souvenir du plaisir et de l'orgueil qui lui gonflait la poitrine lorsque ses mains d'enfant s'évertuaient à tresser la crinière de jais de sa sœur. Si Kanae se révélait être une magnifique créature pour toute personne s'osant à poser une œillade sur ses contours, omnibulée par son apparence, nul ne pouvait passer outre sa bonté éternelle. L'aînée des Kochô avait toujours traité quiconque avec une gentillesse si singulière qu'on aurait pu la croire extirpée d'un conte enchanteur, ainsi encline à tendre sa main aux âmes en peine sans jamais rien quémander en retour.

Doucereuse jouvencelle, allégorie même de la Miséricorde, et magnifique jusqu'à la fin. Jamais Shinobu n'avait-elle pu ôter de sa mémoire le dernier regard qu'elle lui avait adressé, avant d'expirer son ultime soupir dans les bras de la puînée, les atours et l'épiderme teintés de pourpre.

Dans ses prunelles lilas, une douleur ambivalente se crayonnait. "Ne leur en veux pas", semblait-elle chercher à lui faire comprendre, alors que la vue de Shinobu se faisait vaporeuse tant les larmes lui obstruaient le sens de la vue.

Une amertume naquit dans son enveloppe de chair et de sang.

Ces Moldus ignares et détestables s'étaient refusés à extirper Kanae de ces flammes dévastatrices, s'était-elle persuadée. Leur couardise face au danger les avait empêchés de tendre la main à sa pauvre sœur, laquelle les avait toujours aidés lorsqu'ils en avaient le plus besoin.

Depuis ce jour, du poison bouillonnait au sein de ses veines.

Vindicative et rongée par une colère vrombissante, la jeune sorcière qu'elle était avait bataillé pour intimer à ses émotions de se dissiper sous le regard d'autrui. Jadis effrontée, franche et intrépide, l'affection profonde qu'avait Kanae pour son sourire l'avait astreinte à l'arborer envers et contre tout. Délicate, douce et pleine d'un raffinement qui caractérisait autrefois la défunte, Shinobu avait changé du tout au tout.

Et pourtant ...

Kyojurô Rengoku, l'un des Aurors les plus prodigieux de sa génération, s'était épris d'elle.

Ce chevalier blanc à la morale inspirante avait senti poindre en lui les plus délicats sentiments pour cette jeune femme qu'il avait pourtant connue du temps où elle était dépourvue de son actuel masque de sérénité et d'apaisement, lequel ne servait qu'à dissimuler sous sa surface tenace les reliquats de l'ire profonde qui s'enflammait lorsqu'elle songeait à la perte douloureuse de sa précieuse adelphe.

Le privilège lui avait été donné de découvrir ses aspects les plus sensibles. Kyojurô n'était pas si assuré qu'il ne pouvait le laisser paraître. Lorsqu'ils se retrouvaient loin des regards, il arrivait que son assurance se fragilise quelque peu, comme une flammèche vacillant au-dessus de la cire d'une chandelle. Précieuse étincelle qu'elle avait eu l'honneur de raviver lorsqu'il lui faisait part de ses incertitudes et des doutes qu'il se gardait bien de révéler au monde pour ne pas inquiéter quiconque, et maintenir contre vents et marées cette image de mentor imperturbable. Aimés de tous et admirés par leurs pairs pour leurs nombreuses prouesses respectives, l'occasion leur avait été donnée de se redécouvrir.

Ils n'étaient pas si différents, après tout.

Ce jeune homme, à l'instar de Shinobu, avait perdu une proche figure familiale, et sa véritable source d'inspiration. Si elle n'avait pas eu l'honneur incommensurable de faire la rencontre de sa chère et tendre mère, sinon sous les traits d'une funeste apparition spectrale relatant de la manifestation d'un épouvantard au discours calomnieux, une évidence l'avait frappée. Ses traits mêmes étaient ceux de sa génitrice.

Ils œuvraient tous deux pour le bien d'autrui, répondaient au sens du devoir et affectionnaient avec une touchante sincérité les jeunes gens qui les entouraient, et qu'ils avaient décidé de prendre sous leurs ailes protectrices. Ces oisillons qui prendraient un jour leur envol, galvanisés par les encouragements et le soutien sans faille de leurs aînés, prompts à camoufler leurs failles sous un sourire aussi permanent qu'illusoire.

À cette pensée, le Papillon avisa le Phénix à ses côtés et ils échangèrent le sourire le plus tendre qui soit.


_________

Pour d'obscures raisons qui lui échappaient encore, une sensation pénible prenait sa poitrine en tenaille lorsqu'elle entrevit sa silhouette se parer de l'accoutrement qu'il revêtait lorsqu'il était convoqué sur le terrain.

Une sensation d'étouffement lui parvint. Ses paumes blanches s'érigèrent jusqu'à son torse, qu'elle chercha à enlacer avec la précipitation d'une jeune fille éplorée. Pour autant, aucune humidité ne borda ses iris d'améthyste. Ce n'est qu'en sentant sa gestuelle se figer qu'elle incita son front à se laisser choir à l'encontre de ce dos si imposant.

"N'y allez pas", avait-elle murmuré, tandis que la modulation de sa voix se laissait aller à une subtile saccade. S'il n'avait pas eu le petit défaut d'audition qu'on lui connaissait, sans doute aurait-il pu assimiler cette faible vocalise à celle d'une enfant qui refuserait de voir un proche la quitter pour la première fois. Sa prise se raffermit sensiblement sur ses tissus, qu'elle serrait inlassablement entre ses doigts comme si elle craignait de le toucher pour la dernière fois.

Kyojurô accomplissait toujours son travail avec passion, et il disposait de toute la technique nécessaire. Elle priait en silence pour que la chance soit de son côté, et il avait après tout juré de ne jamais l'abandonner.

Alors, de quoi avait-elle peur ?

_________

Ce semblant de bonheur qu'elle semblait enfin connaître lui fut férocement retiré, pour la seconde fois.

Elle ne se souvenait que trop bien de la vélocité de son pas lorsque ses prouesses médicales avaient été réquisitionnées. Jamais ne fut-elle aussi reconnaissante envers les caresses du vent venues s'abattre sur son visage durant sa course, car ses embrassades permirent au moins à ses larmes de s'égarer en gouttelettes ardentes dans l'atmosphère qui l'environnait, alors que son escouade atteignait bientôt les sillons menant aux champs où il avait mené son combat.

Une fois de plus, on la dépossédait cruellement de son bonheur. Ces mages noirs qui s'en étaient pris à l'aîné des Rengoku, véritables essences démoniaques, connaîtraient des souffrances pires que celles qu'ils rencontreraient aux enfers, peu en importait le prix.

Ce fut là la dernière promesse qu'elle se fit, avant de découvrir cette silhouette héroïque et auréolée des premières lueurs aurorales. Tout comme sa sœur, il partirait en martyr. À la découverte qu'elle fit de ce sourire paisible alors même qu'il semblait prêt à s'en aller, le chagrin fit naître en elle l'envie de le serrer dans ses bras pour la dernière fois. L'acculer contre elle, et respirer enfin ce parfum d'âtre réconfortant qui s'exhalait de ses contours.

Son devoir la rappela juste à temps. Lorsqu'elle contempla les visages larmoyants des disciples bien-aimés de Rengoku, Shinobu s'était ressaisie et, comme elle avait toujours su le faire, dissimula sa désolation insoutenable sous le voile d'une expression pleine de maîtrise. La potionniste émérite qu'elle était devenue, intégrée dans les rangs des Aurors à l'instar du souffrant, partagea ses directives à ses comparses guérisseurs.


Son amant, son conjoint, son ami,  son Tout.


Il resterait dans son cœur, pour toujours et à jamais.


Elle serait forte, pour lui.

_________

Pourquoi es-tu si faible, Shinobu ?

Ce songe, piquant et caustique comme le plus venimeux des breuvages qu'elle était capable de confectionner allait et revenait dans son esprit, sans jamais cesser de résonner comme l'aurait fait un écho qui deviendrait à chaque fois plus fort et plus douloureux dès lors que l'on cherchait à s'en déposséder. Elle, qui avait une tendance tenace à se voir comme un fardeau, en vint à s'accuser d'être dépourvue d'une puissance magique pareille à celle de Kyojurô. Si elle avait été aussi vigoureuse que lui, peut-être aurait-elle pu frôler la chance de l'assister durant sa lutte.

La tristesse lui semblait d'autant plus froide lorsqu'elle se chargeait elle-même de changer les draps et les bandages de ce noble combattant ensommeillé, à la paupière gauche enrubannée qui ne pourrait de toute évidence plus voir. Cette simple pensée lui céda la sensation effroyable d'un coup de poignard aux environs de son cœur d'ores et déjà meurtri.

Allongé sur le lit de l'une des chambres du Domaine des Papillons, réputé pour accueillir en son sein les éclopés revenus du champ de bataille, Kyojurô, de par sa position et son silence léthargique, presque mortuaire, avait cette allure honorable qu'ont les samouraïs tombés au combat.

Il n'était pas l'unique tête blonde aux mèches cramoisies comme les flammes à séjourner ici. Son jeune frère, Senjurô, s'installait fréquemment à son chevet et lui parlait de temps à autres dans l'espoir fragile de contempler un jour le réveil tant espéré de son aîné.

Hélas, son œil ne s'était jusqu'alors jamais rouvert. Il n'était d'ailleurs pas rare que les trois soigneuses en herbe de la demeure, supervisées par leur sœur de cœur, trouvent le jeune garçon éreinté sur la surface de la draperie, à proximité du corps endolori de son protecteur bienveillant.

Pourtant, un jour, la flamme refit surface.

Les tons chauds de la voûte au-dehors éclairaient la chambrée par le biais de ses rayons les plus échauffés. Une véritable aubaine, lors d'un si rude hiver; il semblait presque que les jardins de la maisonnée se couvraient d'une fine couche de neige scintillante, adornant la résidence aux charmes pareils à ceux des sukiya-zukuri d'un nouvel aspect. L'on aurait cru les flocons patients tant ils tombaient avec lenteur, comme si les cieux eux-mêmes attendaient le réveil de l'Auror.

Les petits pas d'une fillette à la taille scellée d'un ruban rose se firent entendre à l'orée de la pièce où il reposait. À en deviner la sonorité pressée qui émanait de ses mouvements sur le parquet et le hoquet de surprise qu'elle avait libéré malgré elle, tout semblait indiquer qu'elle était sortie en trombe de l'endroit après avoir assisté aux spasmes subtils venus gouverner la paupière féline du Vaillant.

"Dame Shinobu ! Dame Shinobu !"

Maintenue entre la pulpe de ses doigts pâles, une fiole de cristal reposait. Le liquide violacé qui ondoyait en son sein, couleur glycine, arrêta sa course à temps alors qu'il approchait de ses lippes prêtes à s'y tremper, et l'interpellée estropia son mouvement pour mieux se tourner vers la petite Kiyo. Shinobu écarquilla subtilement les yeux à la vue de sa figure juvénile, couverte de larmes. Elle connaissait la jeune fille depuis assez longtemps pour deviner qu'elle se laissait là submerger d'une émotion bienfaitrice ... tel un soulagement profond.

"Monsieur Rengoku s'est réveillé ! ..."

Un tintement survint. La fiole s'extirpa soudainement de sa dextre, et rencontra le sol dans un fracas. La créatrice de poisons se redressa aussitôt de son assise, ôta l'étoffe blanche aux extrémités rougies qui recouvrait jusqu'alors ses épaules, et serra le vêtement contre sa poitrine tambourinante.

Son précieux haori, qu'elle avait récupéré et qu'ils avaient tous ensemble rafistolé.

Une appréhension nouvelle lui vint lorsqu'elle traversa avec la rapidité d'un insecte volant les corridors de l'hospice, accompagnée de Kiyo. Au-devant de la porte, plus personne n'osait entrer. L'on élevait la voix et éclatait en sanglots, comme lors de ce fameux matin.

Ses disciples étaient présents. Senjurô semblait brûler sous l'envie de se jeter sur le giron de son frère récemment réveillé dont il venait d'entendre le son, tout juste extirpé des limbes. Dans le recoin du couloir, une silhouette adulte aux traits fatigués et à la crinière brasillante se crayonnait, incertaine quant à l'idée d'approcher. Son père était là, lui aussi.

Tous s'écartèrent à l'approche silencieuse de la propriétaire des lieux. Les pleurs de joie et la liesse générale se turent tout à coup alors qu'elle entreprit de faire un pas au sein de la salle de soin.

Rien ne lui parut plus beau que la vue de cet oeil ambré enfin ouvert.

"Kyojurô ..."

Son nom, énoncé en un souffle fébrile, quitta la barrière de ses lèvres peintes. Elle approcha du lit et, sujette à des émotions bien trop nombreuses pour pouvoir toute les citer avec distinction, se laissa choir à même le tabouret qui occupait le côté gauche du blessé. Ses grands yeux tristes, si particuliers et qu'il aurait souhaité revoir avant de sombrer, semblaient désormais habités d'une toute nouvelle émotion.

Ses mains, chétives et frêles comme celles d'un enfançon, saisirent la large paume apposée sur les étoffes avec toute la douceur du monde.

Elle avait cru qu'il ne se réveillerait jamais.
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Sam 3 Sep 2022 - 0:54
                    



shinobu kochô
2026
'心に炎を灯して 遠い未来まで' ;
Des actions aussi simples et naturelles qu’ouvrir les yeux, regarder autour et même respirer semblaient être à présent des épreuves herculéennes.

Son poitrail s’élevait et se baissait avec difficulté, en témoignaient les secousses occasionnelles et irrégulières. Néanmoins, il était bien conscient, son esprit était revenu parmi les siens, il avait émergé d’une longue torpeur qui avait duré les Cieux seuls savaient combien de temps.
Kyojurô, n’étant pas d’une nature à se plaindre, retenait tout gémissement trahissant sa douleur, même si celle-ci était visible aux yeux de tous ceux ayant accouru à son chevet à l’annonce de son réveil.

Et c’est en revenant parmi les vivants qu’il prit conscience du long chemin qu’il aurait à parcourir pour la guérison.
Il n’en avait pas les détails précis, après tout, il n’avait pas ausculté ses blessures et n’avait que des notions grossières dans l’art de prodiguer des soins. L’Auror ne put que constater ce qu’il ressentait et à quel point sa vision du monde avait changé depuis cette nuit fatidique.

D’abord il était devenu borgne. C’était facile à constater. Son œil gauche était plongé dans la pénombre et des souvenirs flous qui gagnaient en netteté à mesure lui rappelèrent progressivement que celui-ci avait été écrasé sous l’impact d’un sortilège d’un de ses adversaires, le privant ainsi d’une moitié de sa vue pour le reste de ses jours.
C’était pour le moins handicapant, surtout qu’il reposait beaucoup sur son acuité visuelle, étant donné qu’il avait depuis des années des défauts d’audition. Toutefois, il pouvait sans doute travailler dessus et réussir à pallier ce problème.

Ses côtes cassées avaient dû se ressouder ou commencé à le faire. Combien de temps s’était-il écoulé depuis ce matin de novembre ? Sans doute cela contribuait-il à sa respiration irrégulière… Mais le temps était le meilleur des médecins à ce niveau, il ne pouvait qu’être patient, à moins d’ingérer une potion Pouss’os… Ce qui était sûrement peu recommandé au sortir d’un coma.

Il était sans doute plus ardu de se remettre des lésions à ses entrailles. Il lui avait semblé que sa blessure était profonde… Mortelle, même. N’avait-il pas perdu beaucoup de sang ce matin-là ? Comment avait-il bien pu survivre à ça ?

Sur sa main, Kyojurô ressentit soudain une sensation de fraîcheur, familière, qui eut le mérite de stabiliser quelque peu son souffle et le flot de ses pensées..

Pourquoi se posait-il la question alors que la réponse était si évidente…


_______________

Les sons feutrés des bruissements de tissus se faisaient entendre dans le silence auroral de la chambrée.
L’injonction avait été donnée à Kyojurô en ce matin de novembre et il se préparait à partir en mission. Ses mains nervurées s’attelaient à serrer sa ceinture et à fixer le porte-baguette de cuir blanc accroché à cette dernière.

Désormais Auror professionnel, il avait fière allure et ne pouvait qu’enorgueillir ses proches et faire honneur à son nom.

« Hm ? Allons allons ! »


Le blond tourna quelque peu la tête en sentant l’étreinte resserrée de sa bien-aimée avant de poser ses larges paumes sur les minuscules menottes du médecin du corps des Aurors. Les commissures de ses lèvres s’étaient relevées en un sourire amusé mais dénué de la moindre mesquinerie. Il n’y avait que des sentiments d’une authentique bienveillance dans ses expressions.

Ecartant les bras qui le serraient avec force, il en profita pour se retourner et garder ses mains dans les siennes, doucement.

Oh ces petits doigts blancs paraissaient si froids à côté des siens qui étaient presque fiévreux du fait de sa haute température corporelle.
Etait-ce la plainte nocturne des pluviers ? Elles étaient glacées, les mains de son aimée. Comme pour les réchauffer, Kyojurô les porta à ses lèvres pour les baiser avec une infinie tendresse.

« Tu n’as pas à t’en faire ! Je suis bien équipé et j’ai toutes les informations nécessaires. Je serais précautionneux. »


Il termina le chemin de bises sur son auriculaire. N’avait-il pas scellé la promesse de ne jamais la trahir en entrelaçant son petit doigt avec le sien ? L’Auror jeta un regard entendu à son amante.
Bien sûr qu’elle devait s’en souvenir. Il était un homme de parole. Droit.
Jamais il ne trahirait ses engagements.


Et, si on l’associait aisément aux flammes, dans son travail, il n’agissait jamais avec hâte et étourderie. Kyojurô prêtait attention à chaque détail, était minutieux, pragmatique.
Oh il s'agissait là de l’Auror parfait. L'on ne pouvait rêver meilleure recrue dans les rangs des protecteurs de la société magique, à tel point qu'il avait gravi rapidement les échelons.

Il n’y avait pas à s’inquiéter. Ses supérieurs louaient sa passion et son dévouement à sa tâche et il était apprécié de tous ses compagnons d'armes, ne suscitant que peu de jalousie ou de réactions négatives à son encontre tant il était bienveillant, et lorsqu'il y en avait, elles ne duraient pas, laissant place à de l'admiration et de la camaraderie franche.
Peu de personnes dans son corps de métier pouvaient montrer le même nombre de qualités de sorcier, d'Auror et d'humain que Kyojurô.


Plus tard, dans les jardins du Domaine des Papillons, il quitta son aimée et disparut en transplanant vers la zone dans laquelle il devait enquêter, s’évanouissant dans l’air dans un feu vif, comme nourri des meilleurs combustibles.

_______________

« Je suis revenu, Kochô, je ne te laisserai pas. » eut-il envie de déclarer à sa douce.

Mais pas un seul mot ne réussit à sortir d’entre ses lèvres. Peut-être était-il encore trop faible.

Oh et l'œil qui lui restait ne lui permettait pas de discerner tous les détails de son environnement, y compris concernant Shinobu et tous ceux qui étaient à ce moment à son chevet.

C’était un peu gênant. À la vue de tous, il paraissait si faible, si vulnérable…
Et pourtant le simple fait de sentir leur présence, de les savoir auprès de lui le transportait. Il leur en était reconnaissant… D’être présents.

Un souffle attira son attention. Son prénom murmuré par sa bien-aimée, si familier pour toutes les fois où lors des moments en tête à tête qu'ils avaient eu ensemble, leurs prénoms respectifs avaient été déclarés, soufflés alors qu'ils étaient si accoutumés à utiliser leurs noms de famille en public.
Tout ceci paraissait soudainement si lointain et le cœur de Kyojurô se serra, coupant un instant son souffle sous la douleur sourde.

Il exerça une pression sensible sur les doigts de la maîtresse du Domaine des Papillons. C’était actuellement la seule chose qu’il était capable de faire.

Il lui était revenu.

« Shinobu… »

À mesure, sa vue s’affinait et il percevait mieux les alentours. Enfin, il put détailler le doux visage de la fille Kochô. Ses cheveux couleur de nuit rassemblés en sa sempiternelle coiffure en yakai maki, tenue par sa délicate épingle imitant un papillon dont les ailes battaient au gré de ses émotions.
Son faciès, rond et blanc comme le clair de Lune, sans le moindre défaut qu’il aurait aimé tenir entre ses mains et couvrir de baisers. Ses grands yeux sombres, semblables à ceux d’une libellule, qui à ce moment paraissaient briller et dans lesquels il s’était tant plongé au point de s’y perdre, volontiers.
Sa bouche, qu’il avait maintes fois grignotée, à l’abri des regards, naturellement rose et délicatement peinte de rouge qu’elle transférait autrefois sur son visage anguleux.

Et enfin ces effluves florales si caractéristiques de glycines, qui figuraient depuis plusieurs années dans les senteurs qu’il reconnaissait dans un philtre d’amour.
À ce moment où il percevait à nouveau cette senteur dans laquelle il se noyait avec joie au cours de leurs moments passés ensemble, dans l’intimité, il ne put s’empêcher d’inspirer profondément, malgré son état…
Ce qui ne fut pas sans provoquer une violente quinte de toux sèche.

Le poison lui faisait perdre la raison, comme avant, au point où il en avait oublié, l’espace de quelques secondes, sa condition physique.


On accourut près de lui pour lui porter assistance, Senjurô le premier. Le puîné des Rengoku s’était spécialisé en médicomagie et il fallait dire qu’il pouvait bien mettre à profit son apprentissage.
Il était entre les meilleures mains pour la bonne conduite de ce dernier.

« Aniue ! Fais attention ! Ménage-toi je t’en prie. Ne saute pas les étapes... »


Oh il avait bien grandi et mûri. Dans la pratique de cette discipline, pas la moindre hésitation était permise… Et le jeune homme l’avait bien compris. Il tenait entre ses bras fins le corps amaigri de son frère… Pour l’heure et pour la première fois de leurs existences respectives, c’était au cadet de veiller sur son aîné.

Il était prévisible que Kyojurô se mette en tête de brûler les étapes de son rétablissement. L’héritier, bien qu’ayant travaillé sur cette tare, conservait une patience limitée, surtout en ce qui concernait d’accomplir son devoir.

Combien de fois, alors qu’il était blessé, l’Auror avait réduit lui-même sa convalescence pour vaquer à nouveau à ses occupations ? Logiquement, il devait déjà être en train de penser à des moyens de retrouver la forme le plus rapidement possible.

En témoignait la lueur déterminée qui brillait dans son œil unique. Une flamme combative, qui n’avait pas été éteinte malgré sa conscience altérée pendant plusieurs semaines.


À l’arrière, en retrait, Shinjurô Rengoku observait cette scène et ne put que remarquer ce regard qui différait en tous points du sien avant de se retirer ailleurs.


Kyojurô haletait, encore affaibli. Il détailla l’assistance, esquissant un sourire douloureux.

« Je suis ravi de vous voir. »


Il puisait dans ses forces afin que ses paroles ne soient pas entrecoupées par le mal qu’il ressentait. Sans doute pour ne pas alerter les personnes présentes à son chevet, donner l’illusion qu’il allait bien, réchauffer les esprits et remonter le moral des troupes avec un sourire et un semblant de maîtrise de soi.

Comme à l’accoutumée.

Il n’avait pas changé.

Senjurô, reconnaissant son aîné qu’il adorait dans ces mimiques ne put s’empêcher de laisser couler de chaudes larmes en souriant, déclarant son soulagement de le voir réveillé alors que ses mains minces serraient le tissu de son hakama.

Toutefois, l’effort qu’il fournissait était visible, un regard expert et attentif ne pouvait être leurré.

Et Kyojurô savait que Shinobu ne serait pas dupe.

Son regard altéré se posa sur la doctoresse, brillant d’émotion comme cela était rarement le cas et son visage prit une expression d’une infinie douceur. Pour ces yeux-là, ceux de la potionniste du Domaine des Papillons, Kyojurô a jeté son cœur dans toutes les flammes de l’enfer.

« Je suis là. » voulait-il lui dire.

De nombreuses fois, il avait prononcé cette phrase, alors qu'ils étaient dans les bras l'un de l'autre, pour la rassurer et rassurer sa présence auprès d'elle... Que jamais il ne lui arriverait quoi que ce soit.
Cela avait débuté par leur première nuit ensemble, et était voué à perdurer.

L’éclopé leva le bras, ayant pour ambition de caresser la joue blanche et bombée de son amante qui lui était la plus proche… Toutefois, cela était bien trop demander à son corps et il dut avorter ce geste bien malgré lui. Son bras tomba seul, lourdement sur sa couche.

L'Auror ne put s'empêcher de jeter un oeil à ce membre qu'il voulait tendre. Si sa tenue d'hôpital le cachait, il sentait qu'il était moins dense, moins musculeux... Qu'il avait perdu en masse. Et ce devait être le cas de l'ensemble de son corps. À quel point s'était-il amaigri ?
Pour autant, il n'avait pas faim, ce qui était peu courant quand on connaissait l'aîné Rengoku.


L'urgence de sa condition physique l'obligeait à être raisonnable et à laisser les sentiments de côté, ne serait-ce que temporairement. De plus, ce n'était pas convenable de laisser transparaître ses émotions à la vue de tous et de toutes. Il était de son devoir de rester digne en toutes circonstances, comme un pilier.

« Combien de temps ? »


S'enquit-il dans un nouveau souffle à peine audible.

            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Dim 4 Sep 2022 - 3:35
                    

心に炎を灯して 遠い未来まで

Kyojurô Rengoku & Shinobu Kochô
Why do fireflies have to die so soon?

Le poids d'une culpabilité jusqu'alors étouffée s'appuyait inlassablement sur ses épaules déjà ténues, lorsque son esprit se plaisait à se remémorer sans difficulté aucune la façon dont ils s'étaient quittés pour la dernière fois. À nouveau, elle n'avait pas su détourner une personne chère à son cœur de sa macabre destinée.

Nul baiser déposé sur les galbes de ses mains pâles comme la neige ne lui avait paru aussi saisissant que tous ceux qui s'étaient abandonnés avec adoration sur les courbes de ses dextres, à l'orée de son dernier départ. Claquemurée dans le plus religieux silence, ses traits lui faisant arborer un air ô combien fermé à la suite de sa requête saugrenue, Shinobu s'était contentée de prêter oreille à son discours bénéfique. Son bienfaiteur lui conta avec cette assurance qui ne le quittait jamais lorsqu'il s'offrait aux flammes du danger qu'il n'était pas nécessaire de s'inquiéter.

Comme l'aurait fait un gentilhomme prompt à sceller ses engagements auprès de sa dame en portant sa senestre à ses lippes courbées sous l'esquisse d'une risette éclatante, et s'auréolant des rayons les plus rutilants, il la rassura comme il savait si bien le faire.

Tel l'ardent Soleil, il lui fit montre du sourire le plus réconfortant qui soit. Cette simple vue lui donna l'envie de pleurer tant l'idée de voir cet Astre s'éloigner d'elle lui était, pour la première fois, insoutenable.

Il lui sembla qu'une secousse gagna son palpitant lorsqu'il lui tourna vaillamment le dos. Ce n'est toutefois que lorsqu'il transplana dans cet éternel amas de flammèches éphémères qu'une commotion lui transperça la poitrine.

Éloigner Kyojurô du danger qu'elle discernait dans les quêtes d'Aurors qui lui étaient confiées lui paraissait aussi attentionné de sa part que révélateur d'un égoïsme cruel. Pour cette jeune femme opiniâtre que rien ne pourrait arrêter lorsqu'une ambition fleurissait en son esprit, aussi redoutable soit-elle, il était tout à coup bien contradictoire de désirer si vivement qu'il reste à ses côtés, et se détourne de sa mission.

Comme il l'avait juré à la disparition de sa mère, il accomplirait son devoir et ce que l'on attend de lui.

Elle n'était pas sans connaître les motivations pleines d'altruisme de son amant. Protéger les plus faibles, et les préserver de l'infortune susceptible de planer au-dessus d'eux tel un oiseau de mauvais augure. Il était né pour cela. Shinobu elle-même partageait ces nobles aspirations : empêcher le malheur de foudroyer le moindre innocent, éradiquer le mal qui survenait d'un bout à l'autre des contrées, et mener à bien un rêve qui n'était plus le sien.

C'était là la voie dans laquelle elle s'était engagée. En intégrant les rangs des Aurors en tant que potionniste et guérisseuse, les risques de cette honorable profession ne lui étaient plus inconnus. Le chemin avait été rude pour cette petit bout de femme, aussi pleine de ressources pouvait-elle être pour pallier efficacement un manque flagrant de robustesse physique.

Un sectumsempra qu'elle serait incapable de dévier la ferait passer de vie à trépas tant sa fragile constitution était pour elle le plus ineffable des fardeaux, et la cause de tous ses doutes inavoués.

Ses lèvres s'entrouvrirent alors que la présence de ce feu follet souriant s'évapora comme un brasier consumé. Se tenant sur l'engawa, la maîtresse de maison s'éprit un instant de la vue qui s'offrait à elle, silencieuse tant l'angoisse croissante qui naissait en elle lui tenaillait sans ambages la gorge.

Cet écrin de verdure paraissait tout à coup si vide, dépourvu de la silhouette de ce garçon si prometteur. Les sonorités nées des cascatelles du bassin aux vertus thérapeutiques ornant l'un des recoins du jardin de la demeure aux allures de papillonneraie eurent pour mérite de l'apaiser quelque peu, avant qu'elle ne se détourne de ce tableau, prête à tourner les talons à son tour.

Une apparition ailée attira son regard avant qu'elle ne puisse quitter les lieux. À la découverte qu'elle fit de l'errance tranquille d'un papillon éthéré, mirifique et diapré, sa peur s'accentua.

Le voir flotter à l'endroit même où le sorcier s'était lui-même envolé lui procura une frayeur indicible. Jamais elle ne se sentit plus effrayée par l'apparition spectrale d'un tel insecte.

N'étaient-ils pas les messagers du monde des morts ?

_________

L'unique souffle qui parvint à s'extirper hors des lèvres du héros qu'ils venaient de retrouver lui parut comme la plus formidable des aubaines. Ce soupir faiblard se répercuta en elle comme les sons annonciateurs d'un carillon.

Si, de prime abord, la vue de cet unique iris mordoré eut pour elle l'effet presque pareil à celui d'un simulacre tant elle avait désespérément souhaité contempler un jour son réveil ces derniers jours, l'écoute qu'elle fit de ce son accablé par la faiblesse rendait le blessé plus vivant que jamais.

Or, cela ne lui suffisait pas. Elle désirait qu'il la touche, qu'il réponde à ce geste doux qu'elle avait initié; à dire vrai, son attention était tant tournée vers lui qu'elle serait en pleine mesure de percevoir le moindre frôlement ou tout effleurement de sa part.

Une pression, si infime qu'il aurait été de bon ton de se concentrer pour la réceptionner, se devina sur les pourtours de ses doigts faiseurs de miracle. L'émoi qui naquit d'un geste aussi faible que celui-ci fut tel que les ailettes du papillon factice qui parachevait sa chevelure obscure comme la plume d'un corbeau se mirent à battre sensiblement.

Sous l'éclat marmoréen qui lui faisait lieu de peau, une délicate couleur poudrée vint lui ornementer les joues, comme si la vie lui avait été insufflée une nouvelle fois. Ses yeux opaques se firent étincelants, et ses lèvres vermeilles devenues frémissantes se laissèrent contempler par Kyojurô avec une tendresse singulière et retrouvée; il lui sembla même qu'il s'y égara quelques maigres secondes, comme prompt à se perdre comme s'il la redécouvrait après des éons.

Les senteurs fleuries et sucrées de glycine qu'elle transportait avec elle et dispersait par le biais de ses mouvements enchanteurs l'enivrèrent à tel point qu'il lui fut impossible de réfréner la toux venue lui tourmenter la gorge.

Sa bouche rougie s'entrouvrit subtilement et, avant qu'elle n'ait le temps de lui dire quoi que ce soit, la venue précipitée du frère cadet de cet homme au cœur de lion soutira son regard. Lorsqu'elle le vit étreindre avec pareille émotion les contours de son modèle, une étrange mélancolie se mêla à son sentiment de joie. Assister à de si touchantes retrouvailles entre ces deux frères que les responsabilités avaient tendance à éloigner la fit sourire, heureuse et triste à la fois, car la scène n'était pas sans lui rappeler ses tendres instants passés autrefois avec la douce Kanae lorsqu'une quelconque maladie se plaisait à la persécuter, et qu'elle lui promettait de veiller sur elle comme une véritable médicomage. L'allégresse fut si vive que les trois jeunes apprenties de l'apothicairesse se serrèrent l'une contre l'autre en pleurant dès lors que Senjurô ne put contenir ses larmes et, si elle ne prit pas véritablement la peine d'observer les novices pour lesquels il s'était pris d'affection, deviner qu'ils étaient eux-mêmes larmoyants ne releva pas d'une épreuve particulièrement assidue, pour la demoiselle Kochô.

À peine chercha-t-il à donner à sa main affaiblie l'occasion d'épouser les contours de la pommette de Shinobu que son membre, tout bonnement incapable de crayonner un mouvement aussi simple que celui-ci, retrouva bien vite la surface du drapé qui le recouvrait.

Cette vue lui fut douloureuse. Peu désireuse à l'idée négligente de le forcer à exécuter ses mouvements, elle invita sa propre dextre à faire chemin jusqu'à cette main avide de contact, et en vint à entrelacer ses doigts avec les siens. La vue des présents fut si obombrée qu'aucun ne sembla prendre connaissance d'un geste aussi subtil que celui qui liait le Tigre et son Papillon. Discrets et peu prompts à manifester l'amour qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, ils se faisaient tempérants sur leurs sentiments, comme cela avait toujours été le cas ...

Son visage opalin en vint à se parer d'une once de réserve, à l'interrogation qu'il soumit à l'assemblée. La voix de Kyojurô, enfin, parvenait jusqu'à elle et enveloppait ses contours d'une douce chaleur en cette soirée si froide. Toutefois, l'écoute qu'elle fit de cette intervention la plongea dans la consternation.

Lui qui s'exprimait autrefois si clairement et si joyeusement en était réduit à se contenter d'interventions concises, exprimées par le biais d'un souffle court, comme si une douleur lancinante le talonnait dès qu'il entrouvrait les lèvres pour s'adresser à eux. Ils ne l'avaient jamais vu si hâve.

Elle redressa la tête, et l'avisa. Après avoir admiré un court instant durant ce bel œil émerillonné dans lequel flambait encore les étincelles de sa résilience, ses paupières s'abaissèrent pensivement. Sous ses longs cils charbonneux, ses mirettes violines et impénétrables rencontrèrent la bordure de la couchette où ce corps affaibli était étendu.

"... Vous vous réveillez d'un coma de presque deux mois."

Ses lèvres se scellèrent à cette déclaration. Sa compagne s'osa à jeter un bref regard aux rubans, immaculés en raison de leur changement récent, qui lui ceinturaient le buste. Cet abdomen sur lequel elle aimait se reposer quand venait le temps des cajoleries et étreintes affectueuses lorsqu'ils se retrouvaient loin du monde était désormais triste à voir.

Nul besoin pour elle de chercher à s'enquérir de ses récents écrits pour se souvenir des blessures grièves qui lui avaient été infligées. Son plexus cœliaque avait sérieusement pâti de cette confrontation qu'il avait mené seul. Son appétit en serait à coup sûr changé et, à ce songe furtif, elle courba très légèrement la nuque. Quelques temps auparavant, il aurait été impensable d'imaginer cet homme se priver de la moindre occasion de faire bonne chère tant il s'avérait bon vivant dès lors qu'un plat lui plaisait, au point de vociférer haut et fort tout son contentement. Une manie qui avait su, depuis toujours, ravir son entourage et attendrir les coeurs les plus amers.

"Votre ventre a été sérieusement touché, entraînant une entrave dans vos mouvements. S'il vous plaît, ne vous agitez pas. Senjurô a raison : vous devez impérativement vous ménager. Je vous ferai part des détails en temps voulu ... pour l'heure, il vous faut vous reposer."

Et songeant au lac de sang que ses plaies béantes n'avaient pu endiguer lorsque ce guerrier aguerri avait été sauvé à l'instant le plus décisif à la fuite de ses adversaires, sa tête se redressa un tant soit peu. Sous l'ombre des pansements qui masquaient sa paupière gauche, il était évident qu'une balafre se formerait tôt ou tard.

Une inhalation souleva sa poitrine.

"Nous sommes tous si soulagés ..."

L'état de ce torse pour lequel l'engeance contre laquelle il avait bravement combattu n'avait éprouvé pas la moindre pitié était si gravement mutilé qu'une réminiscence lui vint. En pensant à sa sempiternelle gestuelle, laquelle avait pour don d'attirer bien des regards tant elle était atypique, une profonde peine la submergea. Lui, qui avait pour tradition de croiser fièrement ses bras au-devant de son poitrail en contemplant l'horizon, ne pourrait sans doute plus exécuter pareille manœuvre avant longtemps.

De même qu'une rééducation lui serait inévitable : à peine poserait-il les pieds sur le sol pour tenter de se redresser qu'il basculerait aussitôt, vacillant comme la lueur au-dessus d'une chandelle avant de brusquement s'amenuiser devant une telle faiblesse.

Ses doigts affinés, translucides tant il semblaient faits de marbre, s'évertuaient à serrer entre eux l'étoffe ancestrale qui reposait sur son giron. Cet haori rougeoyant que les épaules les plus hardies avaient pu porter au fil des générations fut saisi et, ignorant par quel miracle son visage pouvait demeurer aussi impassible alors que l'humidité menaçait de gagner ses iris à tout moment, elle se redressa de son assise, et annonça d'une voix faiblarde qu'elle reviendrait "dans quelques instants".

La cape immémoriale des Rengoku toujours en sa possession, elle quitta silencieusement la pièce. Le couloir qui l'accueillit l'incita à s'adosser contre la première paroi murale sur laquelle son regard chagriné avait jeté son dévolu. Les pleurs qui brillaient dans les yeux de Shinobu à l’idée seule du danger que Kyojurô avait couru se refusaient à dévaler sur ses joues blanches devant telle assemblée.

Prête à frictionner les contrebas de son visage pour en ôter les preuves évidentes de la détresse qu'elle ne souhaitait aucunement transmettre à ce convalescent encore en proie à une paralysie compromettante, le coude qui s'était levé pour entamer ce revers de main s'interrompit.

À la constatation qu'elle fit de la présence effacée et solitaire de son paternel, et sujette aux tracas qui lui envenimaient l'imagination, la prise qu'elle entretenait sur cet haori s'affaiblit; mais jamais, ô grand jamais, elle ne s'en dépossédait.

Le souhait de voir Shinjurô approcher son enfant ramené d'entre les morts la traversa.

Elle daigna aviser très brièvement ce patriarche taiseux, dont elle savait le lourd silence responsable des maux qui pesaient sur le moral de son fils aîné sans qu'il ne l'évoque jamais à quiconque. Avait-il seulement eu l'occasion de s'adonner à la lecture de toutes les missives qu'il lui avait envoyées depuis toutes ces années, sans jamais perdre l'espoir de recevoir un jour une réponse ?

"Allez donc lui parler."
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Lun 5 Sep 2022 - 22:45
                    



shinobu kochô
2026
'心に炎を灯して 遠い未来まで' ;
L’oeil flambant de l’Auror s’écarquilla soudainement à la mention de la longueur de sa léthargie.

Deux mois.

Cela semblait infini quand on était pleinement conscient et que l’on veillait, attendant le réveil d’un estropié, plongé dans un profond sommeil qui le rapprochait de la mort.
Si les premiers jours, on pouvait espérer un réveil rapide ou des signes de vie, à mesure on craignait que l’état de santé ne se dégrade sans que l’on puisse faire quoi que ce soit et on guettait la moindre anormalité avant de s’enfermer dans une funeste routine en priant pour que le jour qui se levait n’était pas le dernier pour le blessé.

Comment Shinobu avait-elle vécu le fait de voir son amant alité, pâle et raide comme un cadavre ? Craignait-elle parfois que tout ne s’arrête d’un coup au milieu de la nuit ?

Bien que Kyojurô ait toujours été un battant, il était aisé d’avoir de telles frayeurs à la suite d’un tel accident.


Et voilà que sa vie prenait un nouveau tournant…
À sa naissance, on avait loué la vigueur du nourrisson qu’il était, son grand appétit et son air curieux et éveillé. Cela n’avait pas beaucoup changé dans les années qui suivirent. C’était un enfant volontaire, déterminé avec un caractère fort mais facile à vivre, qui ne se faisait jamais disputer.
Oh il avait eu des blessures, nombreuses. Genoux écorchés et autres égratignures diverses, ampoules aux mains à force de tenir un bokken ou un shinai, bras griffés en voulant approcher un chat un peu trop farouche ou tympans altérés par un joueur de flûte malveillant… Mais il apprenait.

À l’adolescence, Kyojurô ne se lançait pas dans des actions inutiles de manière impulsive, il envisageait chaque situation avec lucidité, élaborant des stratagèmes pour mieux l’appréhender. Fervent défenseur de la loi, il s’interposait entre deux camarades antagonistes pour éviter qu’ils n’en viennent aux mains, invoquant le règlement et l’inutilité de se battre.

Qu’importent ses blessures, il s’était toujours remis très facilement de celles-ci, se relevant quasiment immédiatement pour ne pas perdre de temps et esquissant un sourire lumineux pour ne pas inquiéter ses proches.

Rares étaient les fois où son visage arborait une expression sombre et abattue, du moins en public.

Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Cet adage était particulièrement adapté à la vie de l’aîné Rengoku. Il était la lumière qui guidait les autres dans les ténèbres, se consumant lui-même au passage. Mais quelle importance ! Ainsi était son devoir.

Toutefois, depuis ce 19 novembre 2026, les choses avaient changé. Pour la première fois, Kyojurô avait effleuré la mort en la croisant et avait été si proche de partir avec elle, laissant amour, famille et amis derrière lui, dans le monde des Vivants.

S’il avait décelé une lueur de soulagement dans les yeux à facettes de Shinobu, celle-ci fut vite ternie par un voile de lucidité quant à son état. Il remarqua le chemin de ce regard violin sur son torse, découvert pour mieux avoir accès à sa blessure et changer les pansements aussi régulièrement que possible.

À présent à nouveau accoutumé à percevoir son environnement, l’iris ambré de l’homme détailla le corps que le coma lui avait laissé, avec horreur, pendant que la maîtresse des lieux décrivait la condition de son ventre et énonçait les directives à suivre pour se ménager.


Non.

Ce n’était pas le sien. Ce n’était pas lui.

Il n’était pas aussi amaigri et aussi pâle…
Kyojurô le savait, connaissait son corps. Son physique entier était le fruit d’entraînements rigoureux associés à une alimentation riche mais équilibrée, due à un bon appétit, quoique vorace. Son épiderme était embrassé par le Soleil, rendant sa peau délicatement hâlée, voire dorée les jours de grandes chaleurs.

S’il demeurait imperturbable en apparence, son esprit s’agitait…

Il devait se lever à un moment, observer son reflet dans un miroir, se rendre compte de ce qui avait changé, travailler pour y remédier et se remettre en forme… Et ainsi pouvoir repartir au front quand celui-ci l’appelait. Cela semblait d’autant plus naturel quand il sentit la menotte de son aimée dans la sienne.
Il devait la protéger. Elle, Senjurô, ses autres proches… Sa disparition, même momentanée pour cause de convalescence, mettait en danger un grand nombre de personnes, qu’il connaissait ou non.
Un Auror en moins c’était réduire la force de défense de la société magique contre les sorciers mal-intentionnés.

Un lancement aigu le tirailla au niveau de son abdomen, stoppant immédiatement le flot de pensées qui l’engloutissait et qui était prêt à le noyer.


Du soulagement de ses proches… Oh c’était gênant… Comment pouvait-on être soulagé de le voir dans un tel état ? Peut-être était-ce préférable à la mort selon eux. Néanmoins, il fallait que l’Auror puisse recouvrir de telles blessures, il ne supporterait pas de vivre avec elles jusqu’à la fin de ses jours et de devoir se retirer, sagement et d’attendre.

Il serait prêt à donner tout ce qu’il fallait dans la rééducation, quitte à dépasser les limites de son corps. Il devait retourner à son état antérieur. S’il y avait des choses qu’il ne pouvait pas récupérer, comme son œil gauche, il espérait que bientôt, ces douleurs abdominales ne soient qu’un mauvais souvenir.

Il était prêt à souffrir pour se relever et reprendre sa marche. S’arrêter et se lamenter n’étaient pas dans sa nature, la vie continuait et elle ne l’attendrait pas.

Ses tergiversations mentales manquèrent presque de ne pas lui faire remarquer Shinobu qui se leva dans la plus grande sobriété, ses doigts frais lâchant les siens, brûlants et son œil la suivit quand elle quitta la pièce avant qu’il ne baisse sa paupière.


Il se sentait impuissant.
Kyojurô aurait aimé avoir assez de force pour la prendre dans ses bras, assurer sa présence, physiquement et verbalement, qu’il serait là, toujours, pour elle.

Et non…
Il en était incapable parce que cloué dans ce lit pour seuls les Cieux savaient encore combien de temps.

La paupière fermée, il se concentra sur ses autres sens, notamment l’ouïe qui lui faisait défaut mais au moins il y était habitué.

Il lui parut presque entendre les sanglots, pourtant silencieux, de sa douce dans le corridor. C’était là une simple supposition qu’il lui était facile d’émettre. Si ce n’était pas pour extérioriser son désarroi, pourquoi Shinobu aurait-elle pris congé ?

Combien de fois avait-elle fait ça ? De la sorte ?
Au cours de sa longue léthargie, s’était-elle éclipsée pour pleurer ? Ou l’avait-elle fait à son chevet, ses larmes chaudes tombant sur le matelas sur lequel il était alité ?

Le papillon du songe antérieur à son réveil n’avait-il pas été un messager de la potionniste, alertant l’Auror de la détresse de son aimée pour qu’il revienne plus vite à ses côtés ?


« Quand pourrais-je me lever ? »


S’enquit Kyojurô dans un souffle.
Senjurô écarquilla les yeux.

« A-aniue... Ne saute pas les étapes… »


Immédiatement et avec un impatience non-feinte, son frère aîné le coupa, pour la première fois, levant la voix.

« Quand pourrais-je me lever ? »


Comme un tigre, son ton était rugissant. Rares étaient les occasions où sa voix prenait un tel mode. La dernière fois était lors de ce matin de novembre… Pour intimer à ses protégés l’ordre de ne pas approcher de son combat contre les mages noirs afin de ne pas mettre leur vie en danger.



Il n’était pas compliqué pour Shinjurô d’entendre l’échange quelque peu échauffé entre ses deux fils, malgré sa position dans le couloir. Pour la première fois de sa vie, il entendait le plus âgé lever le ton contre son cadet. Pour autant, ce n’était pas pour l’accabler ou rejeter la faute sur le soigneur, il le savait, Kyojurô n’était pas de ce genre, il était bien loin d’être aussi mauvais que le patriarche Rengoku, enfin, c’était ainsi que ce dernier percevait la chose.
Ses fils étaient bons, dignes enfants de Ruka, ils avaient tout pris d’elle… Néanmoins, ils demeuraient humains.

« Je doute que cela soit le moment. Il me semble que tu es la seule à pouvoir le canaliser. Peut-être que tu devrais rester à ses côtés quelques heures, cela vous serait bénéfique à tous les deux. »


C’était ainsi qu’il avait perçu la chose, dans les lettres que lui avait envoyées son fils. Suite à l’accident, il les avait toutes lues, les unes à la suite des autres, rattrapant un retard de plusieurs années parce qu’il avait failli à son rôle de père et de soutien à ses fils… Et avait laissé les lettres, encore cachetées, s’empiler dans le bureau d’étude de la demeure des Rengoku de Moerukawa.

Il avait arrêté l’alcool et avait passé des nuits sans sommeil sur ces morceaux de papier sur lesquels s’étalait dans une calligraphie parfaite la vie quotidienne de son fils pendant près de quinze ans.
Ses joies, ses doutes, ses peurs, ses ambitions… Il était passé à côté de tant de choses et inlassablement, Kyojurô lui avait écrit, dans l’espoir qu’il les lirait un jour.

Et le plus âgé de ses fils avait raison, au final.


Le regard épuisé de l’homme mûr rencontra celui de la demoiselle.

Une faiseuse de miracles. Voilà ce qu’elle était. Non seulement elle était l’une des seules, si ce n’était la seule, à calmer les ardeurs de son fils aîné mais en plus elle l’avait ramené à la vie.

Voilà pour qui Kyojurô entretenait des sentiments aussi forts que Shinjurô en avait pour Ruka à l'époque, et encore aujourd'hui, comme une flamme ardente.

La digne fille Kochô du Domaine des Papillons.
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Mer 7 Sep 2022 - 13:51
                    

心に炎を灯して 遠い未来まで

Kyojurô Rengoku & Shinobu Kochô
Why do fireflies have to die so soon?

Il y avait dans les orbes rubescents du doyen un air de résignation qu'elle lui connaissait peu. Ce coup d'oeil las qu'il jeta sur elle, empreint d'éreintement auquel se mêlait une once d'attention sincère, attira à lui celui de la médecienne. Dès lors qu'elle fut en mesure de mirer vers lui en outrepassant malgré elle les pleurs qui en venaient à lui obstruer la vue, il lui fut cette fois-ci difficile de réfréner l'air de surprise, quoique plein de réserve, qui lui anima les traits - qu'elle avait fins.

Les prunelles enflammées de Kyojurô, qui n'avaient jamais cessé de la charmer depuis ce jour où il avait eu la bravoure de lui faire part des délicats sentiments qu'elle lui inspirait, avaient été ceux de Shinjurô autrefois. Si ce fils doué de toutes les vertus posait sur le monde un regard plein de passion dévorante, pourvue de cette aptitude à fasciner les âmes sensibles au dévouement dont elle était le noble symbole, beaucoup avaient oublié que les mêmes flammes ferventes avaient dansé dans les yeux de son père dont il n'avait jamais cessé de chanter les odes.

Ces yeux éteints et dépossédés de leur éclat vivace d'antan, eux, étaient pareils à la cendre.

Se refusant à connaître l'état dévastateur dans lequel son paternel s'était plongé, Kyojurô avait jugé favorable de se focaliser sur le devoir qui l'incombait. Lorsque l'enfant étincelait par un enthousiasme à toute épreuve, le père n'était que le vestige terne d'un homme que le chagrin avait noyé sous les flots des breuvages les plus amers. Se laissant choir dans les abîmes à la perte de sa femme, il endormait la douleur indicible venue s'abattre sur lui et ne l'éloignait que temporairement; car à chaque fois elle revenait plus béante encore, prête à dévorer ce malheureux dès lors que l'âpreté de ses souvenirs le rattrapait sans discontinuer. Son âme brisée était devenue acariâtre, et sa langue se faisait calomnieuse.

Secrètement terrorisé par l'idée simple de connaître les mêmes penchants et travers de cet homme qui avait éveillé son admiration alors qu'il n'était encore qu'un garçonnet, Kyojurô ne se laissait jamais atteindre par le chagrin. Réservé et peu accoutumé à parler de lui-même lorsqu'une incertitude occupait ses songes, à l'instar de la jeune dame qui séjournait désormais à ses côtés, il évoquait cet espoir qui jaillissait d'entre les tréfonds des cendres délaissées par son prédécesseur.

Là où Shinjurô avait abandonné, la volonté de Kyojurô s'était révélée d'autant plus inflexible au gré des années. Le cœur droit et doux, il rendait honneur à la Tigresse qu'était la matriarche au souvenir immortel.

Il était un sauveur, brandissant sa baguette aussi brillante qu'une torche incandescente : devant lui les spectres et les ombres néfastes s'évanouissaient, et aucun mal ne semblait en mesure de l'atteindre.

Jusqu'à maintenant.

Les éclats de voix inhabituels qui résonnaient au sein de la chambrée de soin attirèrent un instant la concentration de la guérisseuse; sa réflexion sur le deuil connut un terme. Loin d'elle l'envie de se précipiter au sein du désaccord venu surgir pour une rarissime fois entre les deux membres de la fratrie : il suffisait à tous de tendre l'oreille pour deviner, dans la vocalise décidée et grondante du bretteur, le désir évident de retourner à ses responsabilités. À cette supposition, elle libéra un souffle bref, et acheva d'ôter les dernières gouttelettes qui se seraient osées à dévaler sur ses pommettes lactescentes.

L'intonation qu'elle discerna dans le discours de son beau-père, néanmoins, lui procura une sensation qu'elle aurait pu associer à une étrange accalmie - une pensée inopinée et quelque peu surprenante tant le retour de Kyojurô parmi eux l'avait bouleversée.

Cette voix, qu'elle avait eu l'occasion d'entendre à plusieurs occurrences et dont les modulations se laissaient fréquemment déformer un mélange d'alcool et d'aigreur chagrinée était si mesurée aujourd'hui qu'elle peina à saisir qu'elle émanait du gosier de cet amateur de saké. De même qu'aucune fragrance d'alcool ne se défaisait de ses contours.

La suggestion qui s'exitpra d'entre ses lèvres ne lui fut néanmoins pas surprenante : son retrait vis-à-vis de la scène qui prenait vie dans la pièce avoisinante et sa réticence à réduire la distance qui le séparait du lit où s'étendait son fils aux reliefs émaciés allaient de paire avec la longue ignorance qu'il avait infligée à Kyojurô, lorsque ce dernier lui rédigeait les manuscrits les plus tendres afin de le tenir au courant de son évolution lui-même tant son parent n'avait pour ainsi dire jamais pris de nouvelle.

S'il associa les prouesses médicinales de Shinobu à un domaine qui relevait de la thaumaturgie, celle-ci, ignorant encore les longues séances de lecture dans lesquelles il s'était jeté ces récents mois, se fit mutique.

Le tissu qui dévalait sur ses mains et qu'elle n'avait eu de cesse de serrer contre elle ou d'apposer sur ses propres épaules pour se donner du courage et ne jamais défaillir face aux sombres événements qu'elle avait traversés après la catastrophe se laissa tout à coup manipuler.  

Le pan de textile, débarrassé de ses éraillures et de ses tâches sanguinolentes, fut plié sous les mouvements attentifs et presque cérémonieux de la créatrice de remèdes.

"Cet haori vous appartient", libéra-t-elle en un murmure que tout soupçon semblait avoir quitté. Pleine de retenue et d'une dignité retrouvée, elle offrit à son propre buste l'occasion de pivoter sur son axe pour, enfin, faire face à son interlocuteur vers qui elle approcha, désireuse à l'idée de lui tendre cette cape.

Ses sourcils, sombres sur un visage si pâle, s'abaissèrent alors. Pour autant, l'air qui lui nimbait la figure ne faisait montre d'aucune réelle sévérité. En la voyant prendre congé pour mieux se ressaisir et se laisser aller aux larmes à l'abri des regards, il ne l'avait aucunement jugée : aussi se promit-elle de ne pas se laisser dicter par des présomptions malvenues, en un jour si important.

Shinjurô n'était pas venu jusqu'ici pour injurier son descendant.

"Je ne suis pas tout à fait de cet avis."

Ses paupières se relevèrent alors vers lui, et elle le détailla. D'aucuns diraient que la dissonance entre leurs gabarits ressemblait à s'y méprendre à celle qui caractérisait jadis les échanges entre Shinjurô et Ruka, de son vivant. Devant cet ancien combattant se tenait aussi dignement que possible une femme à l'allure malingre et aux cheveux de jais.

"Kyojurô n'a jamais été très loquace, vous concernant. Mais ... lorsqu'il se mettait à parler de vous, il semblait toujours particulièrement mélancolique. Il n'a jamais cessé de vous défendre, lorsqu'il parlait en votre nom, et n'avait de cesse de dire à quel point votre vécu vous avait affecté, et ce malgré l'écart qui s'était creusé entre vous pendant toutes ces années."

L'une des paumes entama une promenade songeuse sur le dessus du vêtement qu'elle lui tendait inlassablement et, regard abaissé sur l'habit, elle reprit. Le timbre cristallin de la porteuse d'ornement se fit plus tamisé, comme tout à coup traversée par le besoin de lui partager une confession alors même qu'ils n'avaient jamais réellement échangé l'un en face de l'autre.

"La tristesse qui suit la perte d'un être cher est grande et profonde. C'est là une plaie qui peinera à être guérie, même en l'espace de toute une vie."

Le reflet lavande de ses iris fit chemin jusqu'au visage tiraillé qui lui faisait face. Il y avait dans sa voix une réserve propre à ceux qui ont un jour connu la douleur de la perte : un traumatisme d'autant plus déchirant qu'ils avaient tous les deux manqué de perdre ce garçon au sourire ensoleillé.

"Il a laissé quelque chose derrière lui. Une valeur qui nous a toujours beaucoup inspirés. Le courage d'aller de l'avant et de choisir d'avancer, quoi qu'il arrive. Kyojurô n'a jamais cessé de penser à vous. Vous n'êtes pas venu jusqu'ici pour vous contenter d'assister de loin à son rétablissement, n'est-ce pas ? Si vous êtes là, alors j'ose imaginer que vous avez pris connaissance de toutes les missives qu'il vous a rédigées pendant toutes ces années. Cela a dû vous prendre bien du temps."

Fragile malgré les allures implacables qu'elle se donnait, comme si elle se tenait sur de la glace craquelée, les recoins de ses lèvres colorées s'étaient sensiblement redressées.

Son ton n'avait rien d'inhabituel, même après avoir pleuré. Dans sa voix, nulle trace de rancoeur ou d'agressivité. La présence assagie de ce père qui avait tant posé problème et qui était venu les rejoindre pour prendre connaissance de l'état de son fils la persuada de le gratifier d'un sourire faiblard.

Shinobu n'exhalait rien d'autre que de la sérénité et de la gentillesse, comme elle avait tant su le faire durant toutes ces années, tel un rayon de soleil printanier, bien qu'encore réservée quant à l'idée de converser avec un homme qui, pendant tout ce temps, lui avait paru si déplorable. Après tout, il est complexe de savoir ce qui se déroule dans la psyché de ceux qui regrettent ardemment les défunts.

Elle était bien placée pour le savoir.

"Il n'a pas seulement hérité des qualités morales de sa mère ... la passion qui l'anime est née de la vôtre, j'en suis persuadée."

Elle céda une délicate impulsion au carré de tissu encore impeccablement plié, et chercha à le pousser contre le buste de Shinjurô pour que celui-ci s'en saisisse, et aille le redonner à son digne successeur. Un moyen comme un autre d'entamer l'une de leurs premières véritables conversations après tant d'années éloignés l'un de l'autre.

"Il en parlait avec beaucoup de nostalgie, mais n'évoquait jamais son mal-être. Il avait pour espoir de vous voir vous ressaisir. Montrez-leur, à lui et à son frère, que vous avez changé, Shinjurô. Il aura plus que jamais besoin de vous, désormais."

Elle se mit à le contempler.

Peut-être une faible braise demeurait-elle encore luisante dans ces tristes ruines cendreuses.

Et, parfois, il suffit d'une étincelle pour raviver le feu.
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Jeu 8 Sep 2022 - 23:39
                    



shinobu kochô
2026
'心に炎を灯して 遠い未来まで' ;
Les traits tirés et épuisés dus aux nombreuses nuits sans sommeil de Shinjurô se figèrent dans une expression stupéfaite quand la doctoresse lui passa le haori familial qu’il avait longtemps arboré sur ses épaules, comme l’avait fait son père avant lui et ainsi de suite, depuis des générations… Et dont Kyojurô avait hérité à son tour.
Mais pour le dernier successeur de la lignée des Rengoku et de la tradition pluricentenaire des Aurors portant ce nom, il n’y avait pas eu de cérémonie au cours de laquelle cette cape avait été léguée.

Les mains marquées du patriarche serrèrent le tissu, comme il l’avait fait ce jour-là, trente ans auparavant, quand son propre père lui avait laissé cet héritage, tout aussi tremblant. Ses yeux, alors ternis par le désespoir et le chagrin qui avaient éteint toute flamme voilà une quinzaine d'années, se mirent à briller, faiblement, mais ostensiblement.

_______________

De nouveaux bruissements de papiers perturbaient le silence nocturne et tardif qui s’était instauré dans la demeure des Rengoku de Moerukawa.
Dans la salle d’études familiale, l’obscurité était combattue par la flamme vacillante d’une bougie dans une lanterne projetant sur les shoji la silhouette tremblante et déformée d’un homme voûté.

Si d’ordinaire, son corps souffrait d’une mauvaise position ou d’habitudes peu recommandables par les médecins, il était ce soir-là agenouillé dignement.
Si la consommation d’alcool excessive avait des conséquences néfastes sur sa santé, tant mentale que physiologique, il était loin d’être grabataire, possédant encore des réflexes vifs et travaillés ainsi qu’une grande force qui se remarquait encore aujourd’hui. Un physique impressionnant, digne d’un Auror. Shinjurô Rengoku semblait avoir repris contenance après plus de quinze ans à noyer son désespoir dans l’éthanol, alimentant par ce liquide le feu de sa dépression qui le consumait, sous les regards de ses fils, impuissants devant un tel spectacle qui durait depuis bien des années, ne pouvant malheureusement qu’en être spectacteurs.


Seule ombre qui demeurait au tableau, ses yeux, cernés, marqués par l’épuisement n’avaient toujours pas retrouvé l’éclat possédé dans la jeunesse de l’homme. Ses iris se déplaçaient sensiblement, au rythme des mots calligraphiés avec soin sur les missives qu’il tenait entre les mains.

Voilà bien un mois que son fils aîné était entre deux mondes, oscillait entre celui des vivants et des morts et que ce combat silencieux était observé par ses proches au Domaine des Papillons.
Le père y était allé une fois et il avait discerné avec une anormale apathie le corps alité de Kyojurô.
S’il devait être honnête, il avait eu du mal à le reconnaître et l’image du gisant s’était superposée aux souvenirs qu’il avait de Ruka sur son lit de mort.


Aucun parent ne devait enterrer son enfant et, aussi détaché semblait-il être, au fond, il espérait que Kyojurô s’en sorte.


Lui-même n’avait pas réagi de la manière la plus exemplaire. Il s’était encore davantage noyé dans l’alcool, hurlait sur le pauvre Senjurô qui perdait le sommeil et devait continuer un travail quotidien de médicomage en même temps que ses études, n’avait pas manqué de mépriser le travail des employées du Domaine des Papillons qui redoublaient d’effort pour maintenir le blessé en vie… Elles devaient bien avoir d’autres patients desquels s’occuper.
Et bien entendu, Shinjurô ne mâchait pas ses paroles sur l’estropié. Un imbécile, il l’avait toujours dit. Kyojurô n’avait jamais été très malin, cet accident n’était qu’une preuve supplémentaire. S’il avait un tant soit peu de jugeote, il aurait pris une autre voie que celle des Aurors, ne se serait pas plongé avec un zèle extrême dans l’illusion que les autres avaient besoin de lui et qu’il pouvait mettre sa force au service de la défense des plus vulnérables.
Un homme ne fait aucune différence. Chaque Rengoku naît sans le moindre talent… Kyojurô aurait dû comprendre ça.
S’il avait été intelligent, il l’aurait compris…

Et pourtant il s’est jeté à corps perdu dans ses études, suivant le chemin balisé par ses ancêtres plutôt que de s’aventurer hors des sentiers battus, sacrifiant tout son être avec altruisme, par amour de l’humanité et de ce qu’il y avait de bon en elle.

Pour cela, Shinjurô ne put que le mépriser et profitait de la moindre occasion pour balancer son fiel à la figure de l’héritier qui ne semblait pas ciller.

Quel idiot.

C’était ce qu’il pensait jusqu’à ce qu’on lui transmette les dernières paroles de l’aîné de ses enfants.
Lui qui pensait que ses fils le méprisaient et le détestaient il tomba de haut et il ressentit immédiatement des hauts le coeur en approchant sa gourde de saké de ses lèvres alors que ce liquide lui semblait presque comme de l’eau tant il en avait bu au cours de ces longues années de détresse.

Sa gorge se serra et il laissa échapper un son étranglé, apanage des désespérés.

Et pour la première fois depuis des années, il se mit à pleurer, sans qu’il soit capable d’arrêter le flot de larmes qui lui sembla infini.


Le père n’attendit pas que son chagrin passe, il se leva d’un pas titubant et se dirigea vers la salle d’études de la demeure familiale, ouvrit un tiroir et contempla les missives encore cachetées qui s’y trouvaient. Elles étaient clairement désordonnées et cela prendrait un temps fou à trier… Et pourtant, il les prit, chacune avec une grande précaution, craignant presque de les abîmer sous la précipitation.

À de nombreuses reprises, il avait songé à jeter ces lettres dans le feu dès le moment où il les recevait mais… Étrangement, il n’avait jamais pu s’y résoudre et n’avait pu faire que les fourrer dans ce tiroir et ne jamais les desceller.

Jusqu’à ce jour…
D’abord, il devait les trier, selon la date, ce qui fut long et laborieux, puis il se mit à lire… À en apprendre davantage sur tout ce qui s’était passé ces quinze dernières années.

Et il en apprit beaucoup sur son fils, ses ambitions et ses joies mais également ses peines, ses doutes, bien plus nombreux que ce qu’il pensait.
Kyojurô laissait échapper peu de sentiments négatifs, il restait positif au quotidien pour que personne ne se sente démoralisé.

Les jours passèrent… Et de fil en aiguille, il recolla les morceaux de la vie de son premier enfant, il lui sembla rattraper le temps perdu. Sur la fin, peut-être la fatigue due à ses nuits d’insomnies le malmenait-elle, mais il lui parut que son fils était à ses côtés, l’avisant avec bienveillance, le gratifiant de son sourire lumineux qui allégeait les coeurs de ses proches…

Et voilà pourquoi tous pleuraient en attendant son réveil éventuel.

Les mains tremblantes, les yeux du patriarche poursuivirent la lecture de la dernière lettre, il ne pouvait empêcher les larmes de couler, humidifiant le papier, altérant les caractères.

Non.

Il tenta de tamponner l’encre humide pour la sécher, rattraper son erreur, mais il ne fit qu’empirer les choses.

Se baissant, affligé, il se mit à prier, pour la première fois depuis la mort de sa bien aimée.

« Ô cieux… Sauvez mon fils… C’est mon garçon… Ruka… Mon amour, notre Kyojurô s’est perdu… Je t’en prie… Guide-le pour qu’il puisse nous retrouver…”


Seul lui répondit le silence pesant d’un matin enneigé de janvier, à la nouvelle année.


_______________

Oh il avait été indigne. De sa famille, de son nom, de ses fils… Que devaient penser ces derniers de lui ? Ils ne devaient pas manquer de le mépriser, et ils auraient raison… Combien de fois avait-il perçu le regard désolé et fuyant de Senjurô…
Quant à Kyojurô…

Jamais son premier enfant ne l’avait injurié, et pourtant il avait toutes les raisons de le faire. Shinjurô avait failli après tout. Quelle force avait-il... De revenir du pays des Morts, de ne porter aucun grief, de garder la tête haute et l'esprit positif...


Shinjurô serra le haori, blanc, immaculé et intact, comme s’il n'avait pas été déchiré ou maculé du sang jeune d'un Rengoku quasiment deux mois auparavant, entre ses paumes.

En silence, il écoutait le sermon de la demoiselle qui se tenait face à lui. Il ne lui fut pas ardu de reconnaître celle qui avait su charmer Kyojurô malgré sa volonté de ne jamais se mettre en couple pour ne pas se détourner de ses nobles objectifs. Il fallait croire qu’il avait failli mais c’était de la plus belle des manières et il comprenait pourquoi. Oh les paroles proférées par Shinobu étaient claires, et démontraient que les Rengoku avaient une préférence pour les femmes de caractère.

L’amour était un sentiment terrible, impitoyable…
Et pourtant, quel bonheur que de le connaître.

« Kyojurô a su trouver une personne aussi exceptionnelle que lui. »


Souffla le père Rengoku, semblant soulagé. Ce jeune couple n'avait-il pas vaincu ensemble le spectre de la Mort contre toute attente ?

Il se redressa quelque peu, reprenant contenance.

« Puis-je m’entretenir avec lui quelques minutes ? Seul. »


Oh il comprendrait que la potionniste refuse une telle requête, après tout il avait été un père absent, faible.
Et pourtant, elle s’exécuta pour chasser tout en douceur chaque personne s’étant hâtée au chevet de l’Auror blessé.
Sous le regard meurtri de ce dernier, Shinjurô se posta sur une assise en silence.

Sans proférer la moindre parole, père et fils se dévisagèrent plusieurs secondes sans se détourner, pour la première fois aussi longtemps depuis bien des années, alors qu’il y avait encore quelques mois, le plus âgé présentait son dos aux yeux de son enfant, ce qui était l’action la plus facile à faire pour éviter de se dévisager.
À ce moment, chacun put déceler des choses dans le regard de l’autre.

Shinjurô la passion qui continuait d’animer son fils, la fougue de la jeunesse, sans la moindre surprise.
Kyojurô le regret qui rongeait son père, le poids des années, avec stupeur de lire aussi clairement les émotions qui animaient l’homme.

« Père… »


Murmura le plus jeune qui semblait s’être calmé instantanément, tentant de bouger, sans doute par piété filiale, instinctivement. Ce geste fut immédiatement avorté par la paume large du patriarche qui se posa légèrement au niveau de son torse.

« Nul besoin de t’agiter. »




Il y avait longtemps qu’il n’avait pas pris un tel timbre en présence de son propre enfant. Jusqu’alors, c’était un rugissement rendu rauque par les affres de la boisson et de la rage, ce qui ne manqua pas de surprendre le jeune Auror.


Et Shinjurô commença à parler, avec sobriété, sans faire dans le pathos.
Il rendit compte de ses fautes, en tant qu’Auror, que Rengoku, qu’époux et que père, de ses regrets de s’être détourné de ses responsabilités à cause du désespoir pour les déléguer à son fils, encore bien trop jeune pour les porter, parce qu’il avait été si faible qu’il avait sombré dans l’obscurité.

Et dans un silence forcé, Kyojurô l'écoutait sans jamais le couper.

« … Tu n'as pas à me pardonner. Tu as toujours été un enfant exceptionnel, Kyojurô. Il allait de soi que tu grandisses pour devenir un adulte exceptionnel. »


Le visage de l'héritier Rengoku s'illumina autant que cela se put et la paupière de son œil droit se baissa. Son expression était si apaisée à ce moment qu'elle avait tout de l'enfant dont Shinjurô se rappelait. Il ne put s'empêcher de poser une main sur celles de son garçon qui devait encore se reposer.

« Père… Je ne vous en ai jamais voulu… je suis ravi que les Cieux aient exaucé ma prière… »


Déclara difficilement le blessé dans un souffle, ne cachant pas la souffrance que lui infligeaient ses plaies à son paternel. Il était bien trop épuisé pour le faire, son coup de sang avait fini de puiser dans les rares forces qu'il lui restait à son réveil.

Shinjurô étendit le haori familial par dessus le drap du lit du convalescent et esquissa un sourire douloureux pour son enfant alors qu'il resta auprès de lui, le temps qu'il se repose, comme le ferait un jeune père avec son nouveau-né.

Sa fierté.

            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Dim 11 Sep 2022 - 5:03
                    

心に炎を灯して 遠い未来まで

Kyojurô Rengoku & Shinobu Kochô
Why do fireflies have to die so soon?

Le devoir est la mort de l'amour, l'amour est la mort du devoir. Ainsi avaient-ils tous deux pensé à l'aube de la floraison de ces tendres sentiments auxquels ils n'étaient nullement préparés.

Le vide qui avait pris place dans sa poitrine depuis ce jour où elle avait découvert la silhouette de son bien-aimé dans cette posture presque cérémonielle, enluminé par les premières faisceaux du jour, lui demeurait béant sans qu'elle ne puisse comprendre pourquoi.

L'on vint saisir avec une hésitation encore en proie aux affres de l'émoi le pli de son manchon. Shinobu, extirpée de ses rêveries sans réelle difficulté tant l'évolution de l'état de Kyojurô la maintenait plus éveillée et observatrice que jamais, tourna doucement la tête pour mieux aviser l'une des précieuses petites guérisseuses de ce pavillon où se déroulaient tous les miracles. La jeune Naho, désireuse à l'idée s'enquérir de son état lui quémanda, le timbre encore tremblant, comment elle se sentait; fidèle à elle-même, et comme si ses retrouvailles avant son amant ne lui avaient jamais causé quelque douleur, la guérisseuse lui sourit, et fit taire ses sentiments les plus vifs.

Jetant un regard par-dessus son épaule pour aviser ce touchant tableau que laissait entrevoir l'ouverture légère de la cloison menant à la salle de repos, elle plissa l'œillade. L'envie de prendre cette précieuse place au chevet du souffrant la brûla et parvint à la rendre si envieuse qu'elle fut contrainte de pivoter le chef afin de se détourner de ces viles tentations.

Ce feu follet, lequel venait de timidement se rallumer à la venue inespérée de celui qui avait été pendant longtemps une inspiration, avait patienté durant une éternité en ne faisant que frôler l'espoir de s'entretenir un jour avec son père sans que celui-ci ne lui présente son dos languissant, rendu amorphe par la boisson.

Jamais elle ne se permettrait d'interférer dans un échange si décisif; quant à l'émotion qu'elle avait su déceler dans les iris miroitants de l'ancien Auror désormais retiré de ses fonctions, nul besoin d'être devineresse pour savoir qu'elle était le signe d'une douceur retrouvée.


"Mon père n'a pas toujours été ainsi ..."



L'écho de la voix de ce héros tombé au combat lui revint en mémoire sans qu'elle ne puisse y faire quoi que ce soit. La vocalise de son géniteur, plus mature et plus rauque, se repercuta en son esprit à mesure qu'elle s'éloignait de la pièce où l'on s'entretenait, entre père et fils.

Une personne aussi exceptionnelle que Kyojurô. Était-ce donc ainsi que Shinjurô la voyait ?

Un soupir nasal la quitta à ce simple songe, fugace et éphémère comme l'était la neige au-dehors. Atteignant l'extrémité du corridor, elle laissa son menton aller à un subtil redressement, et contempla le paysage nival qui s'étendait à perte de vue sur les reliefs des jardins. Les pellicules de neige scintillantes qui s'y déposaient çà et là tombaient drues, depuis que ce samouraï brasillant avait repris connaissance.

Ses fins contours, ténus et pourtant si graciles, disparurent lorsqu'elle s'éclipsa dans une aile adjacente de la maisonnée. Elle se surprit à sourire

Kyojurô était entre de bonnes mains.


"Avez-vous déjà entendu parler du phénix, Monsieur Rengoku ?"

Le sorcier de la maison Ursirre, brave étudiant suivant fièrement le cursus prisé par les Aurors et l'un des plus prometteurs de sa promotion, acquiesça à la question que lui soumettait son amie Strixyst aux lèvres souriantes, encore incapable de savoir où elle souhaitait en venir.

"L'on dit que le chant que libère cette créature galvanise les êtres au cœur pur, et renforce leur bravoure dans les moments les plus périlleux. Ses pleurs apaisent les afflictions, et une rencontre avec l'un d'entre eux ne s'oublie jamais. Comme lui, son souvenir est éternel."

Elle ajouta, comme pour appuyer davantage son propos.

"Si je puis m'exprimer ainsi, Rengoku, je trouve que vous n'êtes pas si différent d'un phénix."

Lui, touché par une sorte d'embarras mêlé à la surprise d'entendre pareil discours émanant des lèvres de sa cadette, se sentit rougir à cette comparaison. Réprimant un rire soufflé, elle s'en amusa avec gentillesse.

"Merci ... Shinobu."


_________


"Kyojurô ... ?"


Claire et limpide, à l'image du tintement d'un délicat fūrin résonnant sous les grâces du vent, la sonorité de sa voix s'éveilla auprès de lui après la découverte d'une agitation subtile émise par les pourtours de ses épaules. Il avait tant besoin de repos qu'elle s'était refusée à l'idée insouciante de le tirer elle-même du sommeil, aussi désireuse de conversation pouvait-elle être, maintenant qu'ils étaient les deux seules âmes à peupler l'alcôve.

Quelques heures étaient passées depuis que le patriarche désireux de se repentir avait eu la bonté de quitter les lieux afin de les laisser seuls. À cette déclaration, la doctoresse avait courbé l'échine pour l'en remercier et, le congédiant avec une aménité sans doute déconcertante après tant de sentiments ressentis aussi ardemment, l'invita à se joindre aux autres. Après avoir passé tant d'années avec un chagrin destructeur pour seul compagnon, il était sans doute avisé de faire comprendre à Shinjurô que les autres sauraient, eux aussi, le pardonner.

Le drapé qu'il avait eu la douceur de poser sur la couverture qui protégeait son fils du froid ne fut nullement touché; à la façon qu'il avait d'être posé avec une telle dignité, elle en vint à deviner que leur conversation familiale s'était déroulée de la façon la plus formidable qui soit.

Les bandelettes de pansement qui lui masquaient tristement sa paupière gauche attirèrent sans mal aucun l'attention de sa protectrice.

Cet œil qui ne pourrait plus voir lui serait si contraignant, à l'avenir. Il lui avait semblé, au cours de toutes ces années, avoir remarqué qu'il priorisait sa vue parmi l'ensemble de ses sens : mais comment ferait-il, désormais ? Avec une acuité visuelle aussi endommagée, ses missions en tant qu'Auror ne seraient plus jamais les mêmes qu'autrefois. Dire qu'elle souhaitait qu'il se retire à son tour de ses fonctions n'était qu'un doux euphémisme; mais l'élévation de sa voix lorsqu'il avait cherché à connaître le temps qu'il nécessiterait pour mener à bien sa réhabilitation n'avait laissé personne dupe.

Convaincre Kyojurô d'abandonner son rôle ne serait pas chose aisée, et d'aucuns diraient qu'il s'agissait là d'un rêve inatteignable tant il avait décidé depuis longtemps de consacrer sa vie à la protection des innocents.

Plus qu'un simple handicap durant ses performances en tant que fier défenseur du monde magique, cela altèrerait également ses contemplations. Kyojurô était un esthète, amateur de trésors indérobés comme elle n'en avait jamais vu auparavant. Véritable amoureux des choses éphémères, appréciateur des charmes passagers qui jaillissaient dans la nature qui l'entourait, combien de fois l'avait-elle surpris en train de s'émerveiller de tout, voyant beauté là où les autres ne voyaient que banalité ?

Songeuse et inquiète en dépit de son silence profond, comme peu encline à l'idée de le troubler davantage avec pareilles tergiversations révélatrices du tourment qui lui venait lorsqu'elle songeait à sa santé, elle porta une paume à la mâchoire hâlée du garçon. La pulpe de ses doigts blancs en effleurèrent délicatement la surface, comme si elle craignait de heurter davantage le ciselé fin qui lui marquait les traits.

Ce visage unique qu'elle connaissait depuis bien trop longtemps attira à lui l'observation de la Dame Papillon.

Peu lui importait de faire face à un visage à demi occulté par le port d'un quelconque artifice pour camoufler au monde une paupière porteuse d'un stigmate qu'il jugerait comme disgracieux. Si elle avait toujours chanté en silence les louanges des subtilités charmantes qu'elle trouvait à son portrait singulier, elle ne put, cette fois-ci, s'empêcher de le trouver aussi beau qu'auparavant - si ce n'est plus magnifique encore, tant l'émoi de le retrouver enfin lui était fort sans qu'elle ne puisse parvenir à le vocaliser.

Le souhait de le prendre dans ses bras et de l'accueillir contre son sein lui fut si féroce qu'elle se sentit contrainte d'abaisser le regard sur le matelas pour le chasser; il en allait de même pour l'envie ardente de lui baiser les tempes, ou d'entamer tout autre frôlement avec cette figure, si noble et si majestueuse à la fois qu'elle la rendait déraisonnable. Shinobu avait là le toucher si caressant qu'un simple effleurement de la part du revers de ses phalanges suffisait à lui témoigner l'étendue de l'amour qu'elle ressentait pour lui.

Ses prunelles s'étaient closes. Un lacis se forma au sein de sa gorge très pâle.

Un soupir hoquetant lui échappa.

Tel un raz-de-marée qui n'attendait qu'à être déchaîné par cette femme si jeune et pourtant si éreintée passée maître dans l'art de maîtriser ses sentiments les plus authentiques pour que ceux-ci ne puissent jamais la trahir, un bouleversement la fit sombrer tout à coup.

Jadis glacées comme ces flocons qui tombaient lourds sur les sols, les larmes qu'elle versait se faisaient désormais brûlantes, comme réchauffées par la simple présence de Kyojurô et comme si elle avait tout à coup repris vie par on ne sait quelle sainteté.  

"Vous m'avez tant manqué ..."

Les saccades qui s'en prenaient à ses épaules ô combien chétives la feraient aisément passer pour tremblante.

"Je n'y croyais plus ..."

Qu'il soit encore en proie à la léthargie du sommeil ou non, elle trouva refuge sur le bord de la couchette et fit le choix d'y croiser les bras avant d'y camoufler son visage larmoyant. Un sanglot comprimé lui gonfla la poitrine, et le haut de son corps s'affaissa tant elle espérait quérir ce corps et l'étreindre comme elle n'avait pas pu le faire lorsqu'il s'était écroulé sans parvenir à esquisser le moindre mouvement pour accéder à une envie aussi simple. Ses blessures étaient encore fraîches.

"Je vous avais dit ...", entama-t-elle, le front toujours enfoui dans le creux de son bras.

Dans un spectacle féerique de diaphanéité, les ailes enchantées de l'ornement qui décorait sa chevelure de jais et de violine se mirent à battre à tout rompre, comme incapables de résister à la tentation d'illustrer les émotions ambivalentes de sa porteuse.

"... De ne pas y aller ..."

Sous l'effervescence de tant de sentiments, elle ne put s'empêcher de souffler.

"... Ne me laissez plus jamais ..."
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Lun 12 Sep 2022 - 23:38
                    



shinobu kochô
2026
'心に炎を灯して 遠い未来まで' ;
Sans résister bien longtemps, Kyojurô avait fini par tomber dans les bras de Morphée sous le regard attentif et protecteur de son père. Voilà bien des années que cela n’était pas arrivé, peut-être Senjurô n’était-il même pas encore né à cette époque.

Le jeune Auror avait baissé les paupières pour partir dans un sommeil tranquille, reposant, perturbé par aucun cauchemar ou rêve. Son souffle s’était stabilisé. Il n’y avait plus à craindre quant à son état, il était désormais conscient et ne pouvait que s’engager sur le chemin de la guérison, bien que celle-ci s’annonçait longue et ardue, y compris pour le convalescent qui n’avait pourtant pas encore tous les détails concernant son état de santé. Cela ne saurait tarder toutefois, mais ses proches pouvaient dès à présent relâcher leur état de veille permanente et se poser à leur tour.

Parfois, dans son sommeil, qui demeurait malgré tout léger, comme celui de tout bon guerrier devait l’être, l’homme percevait des voix qui échangeaient entre elles quand deux personnes se croisaient, les différents mouvements dans les corridors du Domaine des Papillons.
Le bruit d’un tabouret de bois qui grince, son père se lève sans doute enfin pour vaquer à d’autres occupations et le laisser dormir en paix.
La porte s’ouvre et les pas, lourds et pesants attribués à la démarche du patriarche Rengoku, s’éloignent.
Oui, c’était bien ça.

Sans doute pour compenser la perte d’un œil, il fallait que le blessé travaille son ouïe. N’ayant rien d’autre à faire et émergeant lentement, par étapes. Kyojurô décida de s’atteler à cette tâche, gardant les paupières closes et la respiration régulière. Il lui était plus facile de maîtriser cette dernière qu’au réveil de sa léthargie. C’était sans doute déjà ça de pris, un premier pas vers la guérison… Même si le chemin demeurait long et ardu.

Des sons étouffés se firent entendre pendant plusieurs heures sans que le coulissement de la porte de sa chambre ne retentisse. On le laissait donc seul. Enfin, le silence devint total dans la demeure, du moins, dans les environs de sa chambre, montrant que l’activité avait baissé.
C’était certainement le moment adéquat pour retourner au repos. Se concentrer sur son environnement en ne mobilisant pas la vue était encore bien éreintant.

Cela avait de quoi décourager…
Il serra un instant les dents avant de soupirer, sa blessure au plexus le lançant tout à coup avant qu’il ne tombe à nouveau dans les affres du sommeil, cette fois perturbé par quelques réminiscences du passé. Son accident, ses au-revoirs à ses proches avant de partir en mission.

Sans doute bougeait-il sensiblement dans son sommeil, surtout qu’il était quelque peu agité.

« Kyojurô… ? »


La voix douce résonnait comme un écho lointain, alors qu’il lui semblait se tenir au milieu des flammes dans ses songes. Un environnement brûlant, à la chaleur insupportable, trahissant sa détresse psychologique constante qu’il tenait bien secrète.

Le timbre de sa douce sembla atténuer quelque peu les brasiers autour de lui.

Depuis quand était-elle entrée dans la chambrée ? Il ne l’avait pas entendue approcher alors qu’il dormait d’un demi-sommeil.

Et en même temps… Shinobu avait pour habitude de se déplacer avec légèreté, silencieusement, signalant sa présence au dernier moment, ce qui avait pour conséquence de faire sursauter toute personne agissant normalement et de manière conventionnelle en société.
Ce qui n’était pas forcément le cas de Kyojurô, qui avait toujours été malgré lui, un excentrique. Il s’était tenu droit et fier, imperturbable, comme un pilier. Bruyant, lumineux, il était porteur d’espoir chez ses proches.
Ironique, étant donné son état à ce moment, blessé, dans l’obscurité. Son plexus solaire avait été perforé et pendant des mois, c’était comme si tout s’était assombri.

L’Auror émergea lentement du sommeil léger dans lequel il s’était plongé, sans pour autant ouvrir l'œil.
Les senteurs délicates et florales de glycines parvinrent à ses narines et il ne put s’empêcher de s’en délecter, se souvenant de ces soirées dans l’intimité au cours desquelles, leurs corps entrelacés, il ne pouvait s’empêcher de s’imaginer entouré de ces fleurs dont son aimée portait constamment le parfum.


Il sentit ses doigts pâles caresser son visage émacié par le coma, s’attarder sur sa mâchoire, sans doute mal rasée. La paupière féline de l’homme se releva un peu, observant la silhouette floue de Shinobu à travers ses cils. Ce que la potionniste ne sembla pas avoir remarqué.
Si l’aîné Rengoku n’était pas d’un naturel très empathique, cela ne l’empêchait pas de discerner certaines choses qui passaient au-dessus de certaines personnes.

À ce moment, sans qu’il explique pourquoi, il trouvait que le geste de sa chère et tendre était hésitant, comme plein de remords.
Avec les années, il avait appris à la connaître, y compris quand ils se retrouvaient seuls, tous les deux.

Il n’était pas difficile de deviner qu’elle était avide de contact avec lui, qu’elle désirait vraiment le prendre dans ses bras, l’étreindre comme cela n’avait pas été le cas pendant plusieurs mois.

Et comment Kyojurô avait-il deviné ceci ?

Parce qu’il avait les mêmes désirs. Celui de rassurer l’autre de sa présence, de souffler que tout irait bien, de réconforter à force d’embrassades tendres et de caresses.

Or, lui comme elle ne pouvait pas le faire pour des raisons évidentes.
Oh il maudissait son corps à ce moment trop faible pour entreprendre la moindre action affective pour les siens, qui était cloué à ce matelas depuis plusieurs mois.


Des sanglots tirèrent le blond de ses pensées et son cœur se serra, immédiatement. Shinobu avait croisé les bras sur sa couche pour extérioriser tout son chagrin. L'œil unique de l’Auror s’ouvrit d’un coup de stupeur face à un tel spectacle. Rares étaient les fois où il avait vu son amante de la sorte, aussi vulnérable.


Et il s’en voulut à ce moment.
D’avoir mis son ambition devant les inquiétudes de ceux qui lui étaient chers. Il se souvenait bien des paroles peu assurées de Shinobu ce matin-là, alors qu’il s’apprêtait à partir et il lui avait répondu avec une assurance qui aurait pu passer pour de l’orgueil. Était-ce cet hybris qui lui avait été fatal ?
L’issue de cette mission était-elle une leçon qu’il devait retenir ?

Oh l’espace de quelques secondes, il voulut retourner dans le passé et changer les choses… Et il était rare qu’il ait de telles envies si violentes alors que d’ordinaire, il philosophait sur les événements qui arrivaient pour une raison précise et le destin.


Et c’est à ce moment qu’il sentit un déclic, étrange, inconfortable parce qu’il se confrontait à tout ce en quoi il avait cru jusqu’alors.
Depuis toujours, la puînée Kochô et lui avaient pris soin de mettre les autres avant eux. Leur devoir était la priorité absolue, il n’y avait pas la place pour les sentiments, aussi doux pouvaient-ils être.
Ils détonaient sans doute dans la masse d’étudiants à l’époque de leur adolescence. Sans doute trop sérieux, ne badinant pas avec l’amour quand d’autres multipliaient les expériences.

Ils s'étaient trouvés égoïstes quand ils avaient finalement succombé aux bras de l’autre. Ceux-ci s’étaient avérés être un refuge bienvenu, tant pour lui, que pour elle. Ils avaient trouvé chacun du réconfort dans la tendresse et l’affection qu’ils se portaient.

Mais jamais ils ne s’étaient détournés de leur ambition, de ce vers quoi ils tendaient.

Et voilà que pour la première fois de son existence, Kyojurô hésitait quant à sa raison d’être réelle.

Son regard meurtri se posa sur la silhouette menue de sa conjointe, tremblant comme une feuille alors qu’elle était en proie au chagrin et à la détresse, puis sur les ailes irisées de son épingle, inchangées depuis qu’il la connaissait. Celles-ci battaient à toute allure.

« Quel ouvrage délicat. »

Jamais il n’avait eu de cesse de s’en émerveiller. La beauté de l’accessoire réhaussait celle de sa tendre amie. C’était là la preuve que la sylphide appartenait au monde des Hommes, douloureux par l’existence des sentiments, et non à l’éther.

Trouvant la force nécessaire dans cette détresse de laquelle il était spectateur, la main de Kyojurô se leva, lentement, difficilement et se posa avec tendresse sur le crâne sombre de Shinobu, écartant les mèches avec une infinie délicatesse pour caresser les tempes blanches, rougies par le chagrin.

Il n’était pas question d’être égoïste et de se consacrer à ses proches seuls. Toutefois, il fallait faire la part des choses. Il ne pouvait pas observer le désarroi de son amante sans se remettre en question.

« Plus jamais. »


Souffla-t-il.

Il avait trouvé sa nouvelle raison d’être.
De se battre.
De continuer à vivre.

« Shinobu, regarde-moi je te prie. Fais-moi grâce de ton si beau regard. »

Neige qui tombait dehors sur leurs têtes… Shinobu était-elle la même après tout ça ?
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Mar 13 Sep 2022 - 23:34
                    

心に炎を灯して 遠い未来まで

Kyojurô Rengoku & Shinobu Kochô
Why do fireflies have to die so soon?

En proie aux souvenances, plongée dans les réminiscences que lui procuraient sa simple proximité avec l'Auror, les pensées de Shinobu l'emmenèrent au loin.

Ce corps ainsi voué au repos pour longtemps, ainsi couvert par les drapés qui n'avaient eu de cesse d'êtres renouvelés pendant ces récentes semaines, curieusement, lui était encore plus pénible à mirer que lorsqu'il était aux prises avec ce sopor qui l'avait fait voyager ailleurs.

Lorsque les demoiselles de l'hospice lui venaient en aide et la déchargeaient gentiment du poids de la tâche simple et pourtant ô combien pénible du changement des étoffes qui gardaient l'héritier Rengoku au chaud, la jeune femme n'avait nulle autre réaction qu'un sourire faiblard et marqué d'une navrance sans pareille. "Je suis navrée, mais cela m'est impossible", semblait-elle chercher à leur faire comprendre à chaque fois par le biais d'un regard éreinté, et pour cause. Se pencher sur ce corps éteint lui était suffisant pour jeter sur elle une vague glaciale et lui inspirait un effroi insoutenable, comme ceux que l'on éprouve lorsque l'on se penche sur un abîme.

Ce lit avait gagné des airs de sépulture et, ces draps si difficiles à manipuler se rapprochaient en tous points, à ses yeux, d'un suaire.

Dès lors qu'elle y posait ses doigts pour chercher à s'en emparer afin d'ôter le pan de tissu du blessé, elle ne pouvait lutter contre la pensée venue la prendre d'assaut dès lors qu'elle se retrouvait incapable de se mouvoir davantage. Cet air noble qu'elle devinait dans le visage endormi de Kyojurô rehaussait malgré lui toute la dignité de son âme; puis, comme lorsque le désespoir brutalement s'abat sur les épaules à la venue d'une simple pensée funeste, ses contours se figeaient jusqu'à ce que l'on vienne prendre la relève du changement des draps.

Kyojurô faisait miroiter, bien malgré lui, l'image d'un vertueux combattant dont l'on venait commémorer le sépulcre.

La doctoresse ne pouvait se défaire de la sombre pensée qui se répercutait dans son esprit dès lors qu'elle quittait la pièce pour laisser à ses assistantes pleines de bonté l'initiative de réaliser pareille besogne. Le cœur lourd et assailli par des incertitudes devenues plus douloureuses à mesure, elle leur jetait de temps à autres un regard que la tristesse venait obombrer tant elle s'en voulait de laisser à ses jeunes acolytes une corvée. Mais ce braséro voué à un sommeil qui lui semblait sempiternel était si apprécié en sa demeure, charmait par sa bonhommie, par son sourire, son énergie, et son altruisme atypique que ses adjointes s'étaient d'ores et déjà décidées à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour lui conférer la plus prompte des guérisons. Lorsque l'aînée de ces petites guérisseuses, Aoi Kanzaki, déclarait avec fermeté, poings sur les hanches, qu'elles prendraient la relève avant de la congédier pour qu'elle se repose un temps, elle opinait doucement et se retirait.

L'arête de son nez au tracé fin effleura un instant les recoins du revers de sa propre main. Le dos encore voûté par-dessus l'extrémité de l'édredon sur lequel il était allongé, elle sentit la caresse tendre d'une paume abandonnée à même les hauteurs de sa tête.

Un geste qui lui parut aussi familier qu'il ne lui était étranger; car, après tout ce temps qui les avait séparés, elle n'aurait jamais cru réceptionner de la part de Kyojurô un tel contact.

La pleureuse releva ses mirettes libératrices de larmes vers lui.

Il lui sembla même que la gestuelle qu'il venait de crayonner à son égard avait perdu de sa fluidité. L'approche de cette large main qui s'était laissée choir sur sa crinière se fit lourde, comme si mouliner du poignet lui était devenu aussi laborieux que de soulever la roche.

Combien de fois avait-elle attardé ses contemplations maussades sur lui alors qu'il paraissait inerte aux yeux de ses proches, de l'aube au crépuscule ? Elle ne s'en souvenait plus.

Aussi altéré ou roidi son état pouvait-il être, aussi endolories pouvaient se révéler les moindres parcelles de son corps accablé par les combats et aussi épuisée la lueur de ce qu'il lui restait de regard paraissait-elle, une nitescence encore ardente demeurait dans les reflets de son iris. Une clarté bienvenue s'immisça au-travers de la fenêtre de la chambrette, et ses propres yeux s'écarquillèrent faiblement.

Shinobu le voyait étincelant, ainsi baigné des couleurs du prisme crépusculaire du couchant. À l'image de cette tempête qui les avaient poussés à se côtoyer la première fois, il y a de cela des années, au sein d'un ryokan dont elle n'oublierait jamais l'enseigne tant cette nuit l'avait à jamais marquée, le ciel leur faisait à nouveau grâce de son soutien. La neige tombait sur le Domaine des Papillons depuis que Kyojurô avait libéré son premier souffle depuis longtemps, comme si elle avait attendu elle aussi le réveil de l'Auror.

Qu'il neige ou qu'il vente, que le Soleil irradie ou qu'il se dérobe à l'approche des nuées, les cieux avaient, depuis toujours, été de leur côté.

Si les agitations effrénés gouvernaient jusqu'alors les sinuosités affinées de l'accessoire ensorcelé qui ne cesserait jamais d'attirer les compliments du fils Rengoku, comme s'il voyait en lui la frénésie des plus vivaces libellules qui cherchent le brin le plus attrayant pour s'y harponner non-loin des rives, elles cessèrent alors.

En sentant la présence de ses doigts échauffées par les jolivetés solaires, les tremblements de sa dame s'étaient amenuisés, au point de prendre fin. Il régnait dans la pièce un air nouveau, comme ravivé par la douce intervention du jeune homme.

Quelques mots, soufflés comme un premier serment à la suite d'un retour inespéré, lui parvinrent.

À nouveau, il promit.

Le regard qu'elle érigea vers le sien fut comme dépossédé de toute l'assurance qu'on lui connaissait et qu'elle se plaisait jadis à manifester pour camoufler sous son ombre ses complexes les plus déchirants. Ses doigts pianotèrent jusqu'aux siens, comme cherchant intensément à s'y lier alors qu'elle n'ôtait en aucun cas ses prunelles de leurs homologues. La façon qu'eurent ses phalanges d'en effleurer la surface fut curieuse ... elle y intima une pression, tout à coup décidée à ne jamais lâcher cette main qu'on venait de lui offrir après tant d'attente, telle une noyée qui se raccroche à ce qu'elle trouve autour d'elle pour ne plus sombrer.

Sans doute sa réaction était-elle peu raisonnable en de telles circonstances : incapable de résister au désir de nicher son visage dans le creux de cette paume qui affectionnait il y a peu sa tempe, elle pivota sa tête sur son axe et y abandonna sa joue, l'espace d'un instant. Son index se révéla peu enclin à l'idée de cesser les doux effleurements qu'il offrait à l'auriculaire de Kyojurô. Ils avaient fait tant de promesses, en entrecroisant leurs petits doigts comme le font les jeunes gens.

Comme cette fois où elle s'était montrée égoïste et réticente vis-à-vis de ce départ tant redouté, Shinobu Kochô renvoyait là une fragilité saisissante qu'elle ne lui avait montrée qu'en de rares occasions. Dans son malheur, l'espoir avait germé. Anéantie jusqu'alors, comme une enfant que l'on viendrait d'abandonner, de simples mots lui firent croire en l'essor d'une espérance dont elle ne faisait que caresser le songe les jours précédents.

Plus jamais.

En voyant l'air qu'il arborait pour elle, la sorcière aux dons de guérison, comme incertaine et livrée à elle-même dans un tel moment, éloigna à contrecœur ce bras amaigri tendu en sa direction et, sans jamais le lâcher par le biais de sa dextre, vint entrelacer son doigt le plus modique avec le sien. L'air égaré et profondément affligé qui vint moduler les sillons de son expression au masque brisé semblait être l'écho d'émotions jadis ressenties ...

... Car, en voyant la paupière fermée de Kyojurô lorsqu'il était sujet à l'inconscience, et ce corps étendu dépossédé de tout éclat de vie, c'était sa sœur disparue qu'elle avait l'impression de retrouver.

Plus jamais elle ne perdrait une personne qui lui était chère. C'est ce qu'elle jura, silencieusement, avant de serrer sa main dans la sienne. Se sacrifier pour le bien des Hommes, endosser le rôle d'un martyr, et quitter ce monde à tout jamais ... Shinobu ne voulait pas qu'il subisse le même sort que sa si précieuse Kanae.

Les paroles de la défunte lui revinrent telle une résonance dont l'on ne peut totalement se défaire, même après avoir fougueusement chassée.

_________


"Tu sais, Shinobu ..."

La cadette releva un regard impatient vers la prodige de Mahoutokoro. Dans un geste que la grâce et le raffinement n'avaient jamais quitté, Kanae porta sa paume aux hortensias mirobolants qui avaient la chance de se délecter de ses caresses bienveillantes. Shinobu n'avait, à cette époque, pas la moindre once de la délicatesse qu'on lui connaissait aujourd'hui : pourvue d'un air téméraire, loin de toute finesse exhalant d'une éventuelle gracilité qu'elle n'était pas encore en train d'acquérir, ses sourcils se fronçaient à tout va. Effrontée et volcanique, elle pivota les talons pour poser son regard sur la belle silhouette de son aînée. Si ses lèvres accoutumées à l'esquisse des moues s'entrouvrirent pour répondre une futilité, la découverte qu'elle fit du sourire mélancolique de Kanae la frappa au point de la rendre mutique.

"Tu t'entraînes dur pour atteindre tes objectifs, et je trouve cela très admirable ... mais je t'en prie ... même si je sais au fond de moi que je ne pourrai pas t'en empêcher, ne te sens pas contrainte de me suivre dans la carrière d'Auror que je vise. J'aimerais que tu n'aies pas à me suivre alors que je poursuis un rêve qui n'est pas le tien ..."

Shinobu ignora quoi lui répondre. Le timbre doux, comme les pétales qu'elle se plaisait à aduler quelques maigres instants auparavant, elle se tourna vers sa petite sœur.

"- ... C'est mon idéal. J'aimerais que sorciers et moldus puissent cohabiter enfin en harmonie. Même si cela me coûte des efforts surhumains, je sais bien que ce travail saura nous servir à tous, un jour ou l'autre ...
- Mais ... Nee-san ... !!"

Les commissures galbées des lippes de la jeune fille se relevèrent alors lorsqu'elle posa un regard plein de tendresse et d'affection sur cette demoiselle à la barette mauve et translucide, encore entourée de la cosse de sa chrysalide. Cette petite avait des dons formidables quant à la conception de breuvages magiques aux effets variés, et n'avait eu de cesse d'impressionner leurs parents en parvenant à préparer des médicaments à l'aide de ses compétences en herboristerie. Mais en ayant sa jeune soeur à ses côtés, Kanae exposerait un jour Shinobu au danger, et elle s'y refusait.

Un combat perdu d'avance, lorsque l'on était au fait de la ténacité et de la persévérance de la puînée de la sororie. Après tout, le prénom qu'on lui avait choisi à la naissance était évocateur de résilience.

"- J'ai conscience que je ne parviendrai pas à t'en dissuader. Tu n'es plus une enfant, et je sais parfaitement que tu es en mesure de faire tes propres choix. Je souhaite simplement que tu vives heureuse, longtemps, et que tu gardes toujours ce sourire qui te va tant. Il en va de même pour Kanao. Vos débuts ont été quelque peu houleux ... mais j'ai cru remarquer que tu commençais à l'apprécier, n'est-ce pas ?
- E-Eh ?! Mais qu'est-ce que tu racontes, Kanae ?!"

Shinobu piqua un fard. Les pommettes empourprées sous la venue d'un embarras né des dernières insinuations de la sorcière aux fleurs, celle-ci s'amusa avec douceur, satisfaite du rapprochement entre elle et leur petite sœur adoptive. L'air taquin mais délesté de toute moquerie, Kanae porta une paume à sa bouche pour en couvrir le rire mélodieux qui s'en extirpait malgré elle. Bienveillante et ravie, elle ajouta, la vocalise plus tamisée, comme si elle s'apprêtait à lui livrer un autre précieux souhait.

"Je veux que tu sois heureuse comme une jeune fille normale, et que tu puisses vivre jusqu'à un grand âge. Peut-être même connaitras-tu la joie de l'amour, voire même celle d'avoir des enfants un jour ... je l'espère, pour toi."

Si les rougeurs de Shinobu ne s'étaient pas évaporées durant ce discours marqué par l'affection sororal qu'elle lui portait, être l'auditrice d'un tel vœu la prenait de court. Elle avait parfois quelques difficultés à suivre les élans de bonté de sa sœur, aussi proches pouvaient-elles être.

De l'amour ? Des enfants ? De quoi parlait-elle ? Shinobu avait autre chose à penser ...

Mais Kanae disait vrai. Le bonheur de cette jeune fille, dont elle avait distraitement effleuré les doigts minuscules à la naissance en observant son visage poupin avec un regard constellé d'étoiles tant elle était ravie d'avoir à veiller sur sa cadette, lui importait plus que tout au monde.

Mais elle la savait désavantagée. Si la deuxième fille de la famille Kochô ne manquait pas d'ingéniosité et d'intelligence pour pallier ses lacunes physiques, son corps manquait indéniablement de robustesse ... une qualité appréciée chez les défenseurs du monde magique, lequel s'assurait d'avoir des individus qualifiés dans leurs rangs. Cela expliquait sans nul doute pourquoi le chemin voué à mener les ambitieux jusqu'à ce rôle était jonché d'obstacles et difficultés.

Aussi puissante la détermination peut-elle être ou aussi bonnes les intentions soient-elles, si l'on n'est pas assez fort, on n'arrivera jamais à rien.

Mais Shinobu n'abandonnerait jamais, malgré le poids accablant de tous ses défauts.

"Tu as encore le temps d'y réfléchir ... je voulais juste que tu saches tout ça, Shinobu."

Les prunelles de Kanae, rappelant les pigments des plus ravissantes orchidées, contemplèrent la silhouette ténue de son accompagnatrice au sein des jardins du Domaine. Ses doigts charmants saisirent ceux de l'adolescente. Les joues rosies par la jovialité que lui procurait le simple fait d'être en présence de sa protégée, elle lui adressa un sourire lumineux, et l'entraîna vers la résidence.

"Allons voir maman et papa !"

Et elles pressèrent le pas tandis que l'éclat féerique du rire enjoué de sa sœur bien-aimée résonna dans l'atmosphère. Sans doute le dernier qu'il lui fut donné d'entendre.


_________

Depuis quand s'était-elle plongée dans de tels souvenirs ? Elle l'ignorait.

Une famille ... voilà donc ce que lui inspirait le simple toucher cajoleur né des mains affaiblies de son amant. Leurs contours si forts et nervurés rompaient avec la délicatesse extrême dont elles étaient capables de faire preuve.

Jouir ensemble du bonheur, s'adonner aux émois de l'amour et offrir au monde une continuité de la vie. Voilà ce que Kanae avait souhaité lui dire et, après tant d'années à rejeter ces idées qui ne semblaient pas lui correspondre, elle avait enfin compris.

Peut-être avaient-ils droit à la félicité, eux aussi ? ...

Dès lors qu'il l'enveloppait dans ses bras en lui déclarant avec une douceur complice qu'ils formaient un drôle de cocon autour d'elle, Shinobu en devenait si écarlate et si touchée à la fois qu'elle en parvenait à oublier le sentiment dévastateur de colère qui consumait son âme à petit feu.

Kyojurô, l'être le plus lumineux qui soit, était celui qui parvenait à faire de l'ombre à sa colère.

La mesure, dès lors, la quitta. Elle s'autorisa, rien qu'un bref instant, à s'emparer à nouveau de ce menton qu'elle avait déjà eu le plaisir d'attoucher. Tel un miracle survenu après la tempête de ses larmes, celles-ci avaient tari et, pour épargner à ce brave homme l'effort de mouvoir son buste encore ankylosé, elle se leva de son assise, et chercha à approcher son poitrail du sien sans jamais réellement le toucher.

Elle espérait ne pas le forcer à énoncer des phrases interminables tant son souffle lui semblait précieux en cet instant. Elle mettrait tout en oeuvre, par conséquent, pour que ses actes soient plus éloquents que des mots.

Ses lèvres nacarates, comme incertaines à l'idée de gratifier son compagnon d'un véritable baiser révélateur de la passion qui les liait l'un à l'autre, firent le choix plus timide de s'échouer contre sa pommette affinée, sous cet oeil encore en mesure de discerner son environnement. La plus doucereuse des frictions, à la légèreté pareille à celle d'un frêle battement d'ailes de papillon, frôla les dessous des bandages faisant lieu de barrage à cette paupière plongée dans les ténèbres.

"Je vous aime."

Ces trois mots se répercutèrent en un souffle sur la peau de la joue de Kyojurô tandis qu'elle s'en éloignait, le derme rosi tant par l'étincelle de vie qui lui revenait à son tour que par les larmes jadis versées.

C'était avec lui qu'elle souhaitait jouir du bonheur, et finir sa vie.
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Dim 18 Sep 2022 - 1:36
                    



shinobu kochô
2026
'心に炎を灯して 遠い未来まで' ;
Il faisait fi de la douleur. Qu’importent les élans de douleur lancinante que pouvait lui infliger son état, seul lui était important à ce moment d’assurer sa présence à Shinobu.
Les tiraillements qu’il ressentait étaient bien la preuve qu’il était en vie, qu’il n’avait pas passé le Sanzu-no-kawa en compagnie de sa mère. Il n’avait pas même pu traverser le torii qui menait à ce fleuve mythique.
Rares avaient été les fois où il avait assisté à un tel chagrin de la puînée Kochô. Elle comme lui cachaient au quotidien leurs ressentis véritables pour ne pas alourdir les cœurs déjà fragiles de leurs cadets et rester ainsi focalisés sur leurs buts personnels.
Bien que les larmes ne le touchèrent pas, c’était comme si.
Il sembla à Kyojurô qu’il recevait les sanglots brûlants de sa chère et tendre, pleins de passions diverses : amour, désespoir, soulagement, craintes sur son épiderme… Toutes ses émotions perlaient dans ses yeux et elle extériorisait tout cela après des mois d’attente et de refoulement..

Dans quoi étaient-ils tombés quatre ans auparavant ?

Avant elle, il était hors de question qu’il tombe amoureux. C’était ainsi qu’il avait considéré la chose. Déjà, de par ses mauvaises expériences antérieures qui l’avaient bien dissuadé de courir après de si tendres sentiments et de se focaliser sur ses ambitions qui étaient bien plus importantes que des ressentis égoïstes qui pouvaient bien l’en détourner.
Après tout, n’était-il pas né pour mettre sa force au service des autres ? C’était ce qu’on lui avait dit depuis qu’il gigotait dans son berceau, c’était là sa destinée…

Jusqu’à ce qu’un papillon l’accompagne sur son chemin de vie et lui détourne par moments l’attention. Rien de bien grave souvent, cela lui permettait d’avoir d’autres pensées quand certains événements bien trop éreintants survenaient. Alors il ralentissait, parfois au point de s’arrêter quelques instants au pied d’un arbre, et contemplait le vol lent et gracieux de l’insecte qui parfois se posait sur lui, le gratifiant de caresses avec ses ailes diaprées et délicates. Cela faisait lieu de pauses, c’était comme si le papillon saupoudrait sur lui des phéromones de détente.

La présence de Shinobu l’incitait à recharger ses batteries, à recouvrir ses forces avant de se relever pour continuer.


L’amour lui avait toujours semblé si beau, après tout, il avait vu celui qui liait son père et sa mère, extrêmement fort, d’une grande pureté.
Parfois il s’était surpris à vouloir d’un tel amour qui le pousserait à se lever rapidement le matin, qui éloignerait tous les démons qui ne le laissaient pas dormir… Qui le ferait se sentir en sécurité, capable de décrocher la Lune alors qu’il marchait à ses côtés et qui penserait que ses bras étaient parfaits pour sa peau…

Un amour qui ne s’ennuyait jamais de lire ses expressions à chaque fois qu’il plongerait dans ses yeux.

Un amour qui balayerait les mensonges…


Et cet amour était arrivé de manière aussi imprévisible qu’un orage d’été.
Il connaissait Shinobu depuis des années, il n’y avait jamais eu la volonté d’avoir plus qu’une simple amitié, même si l’aspirant Auror qu’il était avait commencé à développer de tendres sentiments pour sa cadette qui ne tarda pas à en avoir également alors qu’elle avait elle-même une vision similaire de la vie.

De cette manière, si tous les deux s’aimaient profondément et s’il n’y avait pas le moindre doute sur les sentiments qu’ils avaient l’un pour l’autre, leur couple n’était pas leur priorité dans la vie, ils continuaient de privilégier leurs ambitions et paradoxalement, ils se seraient sûrement sacrifiés si la vie de l’autre était menacée.

Néanmoins Kyojurô ne disait rien sur ce que faisait Shinobu et cette dernière taisait souvent ses inquiétudes, d’une part par respect pour le blond, de l’autre parce que de toutes manières, malgré tout son respect et son adoration de son aimée, il ne l’écouterait pas.


Mais ce matin-là, elle n’avait pas gardé ses mauvais pressentiments pour elle, Shinobu les avait partagés, à voix haute, et il avait assuré sa confiance en lui pour ainsi éviter qu’elle se fasse un sang d’encre.

Et voilà le résultat.

Le blessé sentit les douces caresses de sa belle sur son visage et le contact frais lui prodigua une sensation indicible de bien-être, contrastant avec l’impression ardente de ses larmes sur sa peau.

« Je suis navré… Shinobu. »


Souffla-t-il, à peine audible, si bien que même Shinobu aurait pu ne pas l’entendre, tant le volume était bas.

L’Auror fixa les lèvres de la potionniste, roses, douces, comme dans ses souvenirs. Une bouche dont il s’était délecté à de maintes reprises comme s’il s’agissait de la plus délicieuse des friandises, et il réceptionna avec un soupir de bien-être les baisers de sa dame.
À chaque seconde, son coeur se serrait davantage, à chaque cajolerie, chaque mot de Shinobu.

Kyojurô sentit monter en lui un flot de sentiments qu’il lui avait été rare de ressentir… Cela devait même être la première fois.

« Je suis désolé... »


Plus fort cette fois, il sentait poindre au bout de ses lèvres ce tsunami émotionnel qu’il réfrénait à grand peine. Son état physique constituait déjà un poids non-négligeable sur ses épaules, alors si on devait rajouter des charges psychologiques…


Toutefois, quand Shinobu baisa son visage avec la délicatesse et la douceur qui lui étaient propres et quand ces tendresses furent suivies par trois mois, si simples.

« Je vous aime. »


Si sobres…
Sincères.

Il ne put plus.

La tristesse, d’abord comme une pointe aiguë dans le coeur, à la manière d’un tanto se révéla beaucoup plus importante et l’engloutit entièrement.
L’oeil encore valide de Kyojurô se mit à briller, trahissant les larmes qui survenaient à leur tour et ses épaules tremblèrent, malgré la douleur que de telles réactions lui infligeaient.
Les sanglots lui firent pousser un son étranglé.

Oh il se sentait si honteux.
Il aurait voulu revenir indemne de cette mission ou avec des blessure qui n’avaient pas grande importance et que Shinobu aurait pu soigner avec facilité.
Il aurait souhaité partager le dîner avec elle en revenant de cette mission, rire aux éclats en sa compagnie, parler de sujets triviaux comme ceux d’une importance capitale, prendre le thé sur l’engawa, regarder la Lune, dans les bras l’un de l’autre, alors que l’air frais de novembre aurait brûlé leurs poumons.
Il désirait qu’après, ils se soient retirés dans leur chambre, auraient fini dans les bras l’un de l’autre, à se montrer qu’ils s’aimaient, fût-ce par le geste ou la parole avant de s’endormir dans la paix et la félicité.


Tout cela ne resterait qu’un fantasme d’un 19 novembre alternatif, où tout se serait bien déroulé.


Il s’en voulait tant et à son tour, les larmes ne tarissaient pas alors qu’il s’excusait auprès de sa belle. S’il avait déjà pleuré en sa présence, jamais il n’avait été si vulnérable qu’à ce moment.
Les autres fois, c’étaient bien des larmes silencieuses, qu’il avait tôt fait de sécher, cachées par la pénombre, à la faveur de la nuit suite à un cauchemar.
Aujourd’hui, ses sanglots arrivaient en plein jour, sans s’arrêter. Chaotiques, bruyants…
Malgré les lancements d’un tel geste, Kyojurô porta sa main droite à son œil valide, comme pour retenir ses larmes ou les cacher tandis que sa mâchoire se crispait sous la détresse.


Sans abandonner sa carrière d’Auror, il lui était nécessaire d’envisager la chose autrement, de ne pas se lancer à corps perdu sans tenir compte des conséquences parce que sa vie ne concernait plus que lui uniquement mais Shinobu également.
Devait-il faire preuve d’égoïsme en envisageant un autre futur avec la potionniste, où leur relation passerait devant son devoir ?


Kyojurô réfléchit à son tour.

Il avait toujours considéré que faire comme son père, concilier le travail d’Auror et une vie personnelle remplie, était un choix qui ne lui correspondait pas et qui avait bien trop de conséquences désastreuses.

Qu’en serait-il suite à une mission qui tournerait mal pour une famille fondée ? Un foyer brisé par la disparition d’une des figures parentales… Plus rien ne serait comme avant.

Il lui fallut tempérer ce paradigme. Après tout, il n’avait rien de tout ça et sa dernière mission avait eu une issue regrettable.

Au contraire, fonder avec Shinobu un foyer ne lui donnerait-il pas l’ambition supplémentaire de se dépasser ? De se battre pour offrir un monde meilleur à ses enfants ?


Et au-delà de ça…
Kyojurô aimait Shinobu, se démenait pour qu’elle soit heureuse. Si d’aventure, elle voulait qu’ils s’épousent et aient des enfants, il ne s’y opposerait certainement pas.
Peut-être était-ce cela le bonheur.

Dans ses songes, avant de se réveiller dans le monde des Vivants, sa mère n'avait-elle pas dit qu'on l'attendait ici-bas ? Nul doute que Ruka parlait principalement de la doctoresse du Domaine des Papillons et qu'elle avait donné sa bénédiction à leur relation.
Ce fait le rassura. La matriarche Rengoku ne voulait que le bonheur de ceux qu'elle avait dû malheureusement abandonner sur Terre.



Il retira sa main de son œil pour observer sa douce. Là, les circonstances n’étaient pas bonnes pour de tels projets. Il lui fallait d’abord se rétablir et prendre le temps pour le faire. Deux vies entre elles ont vécu les fleurs de cerisier.

Pendant de longues minutes, il ne proféra mot, sans doute pour recouvrer de son intense crise de larmes.
Sa bouche était sèche, il le sentait mais ne se plaignit pas.


« Shinobu… »


Déclara-t-il, la voix rendue rauque par les larmes et la déshydratation.

Silence de plusieurs secondes avant qu’il poursuive.

« Dis-moi tout. »



Il voulait tout savoir de son état, sans langue de bois, dans les moindres détails, afin de préparer son rétablissement.

Il était prêt à entendre y compris les choses les plus difficiles à digérer. L'aîné Rengoku était solide après tout et il se doutait bien de ce qui se passait dans son corps, ayant appris à l'écouter depuis des années pour savoir quel était le problème quand il y en avait eu.

Il lui fallait les confirmations de Shinobu.
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Mar 20 Sep 2022 - 19:17
                    

心に炎を灯して 遠い未来まで

Kyojurô Rengoku & Shinobu Kochô
Why do fireflies have to die so soon?

Aucun son ne la quitta lorsqu'elle fut témoin d'une scène pour le moins saisissante. Cet iris doré, lequel avait jusqu'alors bataillé pour demeurer digne et sentencieux, se mit à briller comme les astres parsèment un ciel vespéral au départ du Soleil.

La saccade qui s'en prenait à ses épaules amincies par ces moults traumatismes n'avait rien d'anormal, et pourtant, Shinobu fit silence à cette contemplation. Kyojurô n'avait jamais véritablement été étranger aux manifestations des émois qu'il était susceptible de ressentir, mais rares avaient été les fois où il lui offrait pareil spectacle. À peine plia-t-il son coude dans l'espoir vain de porter sa paume à sa paupière afin d'en juguler le ruisseau lent de larmes qu'elle regagna d'une façon plus que penaude le velours de ce qui lui servait de chaise. Il lui sembla qu'il lui avait quémandé son pardon en un souffle, mais elle ne fut hélas pas en mesure de discerner ces quelques mots partagés dans un murmure évanescent - du moins, elle ne s'y attarda pas.

Un héros comme lui n'avait pas à présenter ses excuses.

À ce précieux instant, rien ne lui parut plus difficile que l'idée de prêter oreille aux plaintes étouffées qui s'en allaient hors du gosier aride de son comparse. Si ses lèvres avaient précédemment couvert de tendres baisers la surface tiède de sa peau, elles firent le choix de se sceller, comme si leur propriétaire elle-même s'était assagie devant pareille réaction. Elle était loin de s'imaginer qu'un discours aussi concis que sincère, couplé au don de ses embrassades les plus délicates et les plus caressantes, mèneraient à un tel flot d'émotions.

Cette passion qu'il manifesta malgré lui durant ses pleurs lui donna une impression singulière : en assistant à un tel lyrisme et à une telle exaltation de ses sentiments enfouis, Shinobu considéra ce moment si unique qu'il s'orna, à ses yeux, d'un air de profonde piété.

Ses mains, pas plus larges que celles d'une jeune enfant, se rejoignirent d'un façon bien solennelle sur son giron. Sa posture gagna une allure presque cérémonieuse et, pour ne pas l'encombrer du poids de ses regards alors qu'il s'adonnait pour la première fois aux sanglots sans pouvoir les réfréner comme il aurait souhaité le faire en présence d'autrui, elle enjoint à ses paupières de se clore à nouveau. Le respect de son aîné avait toujours été pour elle l'une de ses absolues priorités. Demeurer l'unique spectatrice à prendre part à cette vue lui prodigua une sensation ambivalente : s'il était douloureux d'entrevoir une telle détresse chez lui au point qu'il en soit enclin à se crisper sous l'émotion, Shinobu, curieusement, était loin d'être démunie devant une scène telle que celle-ci. Sous la peau fine des joues de sa moitié se dessinaient les moindres traits de ses muscles, rendus turgescents sous l'ardeur de ses brèves secousses spasmodiques.

Même là, la vision rendue vaporeuse par la venue irréversible des gouttelettes qui en venaient à lui border la paupière, qu'il avait féline, les maxillaires serrées du fait des remords, il était si majestueux qu'elle s'en voulut, quelques instants, de se priver d'une vue aussi charmante que celle-ci.

"Shinobu… dis-moi tout."

Elle comprit quelle était la requête qui sommeillait sous cette question sibylline. La guérisseuse ouvrit à nouveau les mirettes, et avisa ce visage qu'elle adorait tant moduler ses traits au point de lui faire arborer la plus sérieuse des expressions. En lui soumettant pareille interrogation, il cherchait à s'enquérir des moindres procédés qui composeraient l'ensemble de sa réhabilitation.

Mais celle-ci serait lente, et son sillon fastidieux. Béni était-il pour consentir sans la moindre difficulté à se mettre au travail avec un tel élan hâtif. Shinobu était bien au fait de la façon qu'il avait d'accepter toutes les épreuves du monde si celles-ci lui permettaient d'atteindre ses aspirations; mais son impatience naturelle lui jouerait tôt ou tard les tours les plus impitoyables. Aussi ferait-elle preuve de prudence.

La porteuse d'ornement se redressa avec douceur. Le sujet, épineux mais nécessaire, eut pour don de chasser ses récentes rêveries quant à la création d'un cocon familial. L’amour fait songer, vivre et croire, après tout.

Il y avait néanmoins plus urgent. Kyojurô lui était revenu, et elle ne laisserait cette aubaine se dérober pour rien au monde. Sa paume s'en alla quérir l'anse du vase de cristal qui séjournait sur la table de chevet du blondin, rendu borgne par son tout dernier combat. Un modique récipient de céramique en réceptionna l'eau qui en découlait, avant qu'elle ne se rapproche du traversin où reposait son port de tête. Ses doigts, faiseurs de miracles comme le disaient les racontars circulant au sein des corridors de la propriété, firent une énième fois preuve de leur sempiternelle minutie en se glissant sous les brins scintillants de sa crinière léonine. Dès lors qu'elle fut certaine d'entrer en contact avec la nuque de l'alité sous sa protection, elle approcha pour qu'il boive à petis traits.

"Buvez doucement ...", se sentit-elle contrainte de recommander, comme pour s'assurer que ce regain de fougue ne soit pas à l'origine d'un étouffement qui le mènerait à la dyspnée - lui qui avait d'ores et déjà souffert de quintes de toux à son éveil.

Sans parvenir ne serait-ce qu'un instant à réfréner sa gestuelle, elle intima à la pulpe de ses phalanges de choyer l'arrière de ce cou qu'elle maintenait par le biais de quelques légères caresses.

"Cela prendra du temps, mais vous ne serez jamais seul durant votre rééducation."

Sa paume, jadis vouée à effleurer la surface de sa nuque, fit chemin jusqu'à l'une de ses épaules, jusqu'alors en proie aux tremblements. Et, tout à coup, elle se mit à changer de direction : ses doigts cherchèrent à recueillir les bordures des drapés qui le couvraient dans l'optique prévenante de couvrir cet abdomen accidenté, tirant avec la couverture la pièce de tissu ancestrale aux extrémités rougies par les motifs enflammés que son père avait tendrement déposée sur lui.

Si lui faire mention de ses maux avec force détails ne lui paraissait pas malvenu tant elle estimait qu'il avait le droit de connaître la vérité, elle ne souhaitait pas qu'il pose une œillade de plus sur les bandages qui lui ceinturaient les contrebas du torse.

"Votre plexus cœliaque a été perforé en raison d'un maléfice que j'ai encore du mal à définir, et vos côtes ont été brisées", avoua-t-elle, sans même se rendre compte qu'elle avait repris, comme par automatisme lorsqu'il s'agissait d'expliquer les subtilités de la régénération à ses pairs, son traditionnel air flegmatique. "Sans les médications dont je dispose, l'aide de mes assistantes et les récents progrès de la médecine magique, les soins que nous vous avons donnés auraient été bien plus rudes à appliquer ..."

Or elle le savait éreinté, et peu prompt à soumettre son ouïe à de longs discours. Elle souhaitait de tout cœur rendre le sien plus concis, mais il ne lui était pas si simple de fluidifier son propos tant elle voulait lui faire connaître les difficultés qui l'attendaient, même après une telle tragédie.

"... Mais il vous sera certainement difficile de vous nourrir convenablement durant un petit moment. En cela, j'entends ... apprécier vos repas, comme vous aimiez le faire. Pour être tout à fait sincère avec vous, Kyojurô, j'ai peur que vos organes internes soient encore trop fragiles pour vous permettre de profiter de l'appétit que vous éprouviez avant ... tout ceci."

Sa senestre prit la liberté de s'emparer pensivement de quelques mèches, radieuses comme les plus belles flambées. En assimilant sa chevelure au feu, sans doute pour la centième fois de sa vie et pourtant sans jamais s'en lasser, un songe lui vint. Un jour viendrait où on le délesterait des pansements qui lui obstruaient le visage et scindaient ce dernier en deux ... mais elle l'imaginait difficilement accueillir avec facilité toute lumière venue lui réchauffer les traits, tant sa paupière marquée du stigmate d'une balafre était encore si fragile.

Son rapport à cette nourriture qui n'avait de cesse de lui donner toute son énergie, son attrait pour les beaux jours ... on l'avait privé de tout.

"Quant à votre œil gauche ...", reprit la demoiselle. "La cicatrisation n'est pas encore achevée. Il nous sera impératif de surveiller votre exposition à la lueur du jour, afin d'éviter toute inflammation. Mais je vous accompagnerai tout au long du processus, je m'y engage."

Même s'il faisait le choix de se focaliser sur la lueur faiblarde émanant du sommet d'un bougeoir afin de reprendre l'habitude de son rapport à la lumière, plongé dans la pénombre, elle se tiendrait à ses côtés sans jamais laisser passer une occasion de lui tenir la main pour lui assurer sa présence.

Car tel était son devoir, en tant que fière aimée de Kyojurô Rengoku.

"Ceci étant dit ... dès lors que vous quitterez votre lit, il vous sera sans nul doute pénible de vous tenir debout sans l'aide d'un appui. Vos temps de marche seront moins limités à mesure que le temps passera ..."

Et, tout en reprenant place sur ce minuscule fauteuil qui occupait inlassablement les côtés de l'édredon, elle saisit avec une gentillesse ineffable la main de son semblable. Sans doute avait-elle réalisé ce geste bien trop de fois depuis qu'elle avait franchi le seuil de la chambre où il logeait, mais peu semblait lui importer en l'instant présent. Il leur fallait lui prouver qu'il pouvait désormais compter sur les autres, et non plus seulement sur lui-même.

"Je sais que vous y arriverez. Vous êtes l'homme le plus persévérant que je connaisse."

Qu'il soit estropié, borgne ou contraint de s'aider d'une canne pour se mouvoir à sa guise ...

Elle tomberait encore cent fois amoureuse de ce feu qui reprenait vie.
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Lun 26 Sep 2022 - 23:15
                    



shinobu kochô
2026
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Kyojurô fixait son aimée dans un silence des plus solennels et graves, attendant patiemment toutes les explications nécessaires pour mieux comprendre son état et prendre les dispositions adéquates pour son rétablissement.

Depuis quatre ans, Shinobu le faisait travailler sur lui et réfreinait ses ardeurs, ce qui n'était pas un mal. La potionniste ignorait sans doute à quel point sa présence avait des vertus apaisantes sur l'âme du guerrier, comme un cataplasme frais appliqué sur une blessure qui donnait l'impression de brûler.
Or, quand ses doigts fins s'aposaient sur sa peau chaude, cela faisait une sensation similaire à l'Auror.


Ce dernier ne put s'empêcher de baisser la paupière valide en sentant la poigne toute en délicatesse de son amante redresser son port de tête pour l'aider à se désaltérer, avec une infinie précaution.

Dans sa gorge asséchée, l'eau bienfaitrice coula, assouvissant la soif qui pouvait le ronger jusque-là.
Toutefois, il ne put s'empêcher de se sentir frustré. Kyojurô aurait aimé se délecter de cette boisson à grosses lampées, généreusement, comme il en avait l'habitude... Or, il ne pouvait pas, encore une fois à cause de son état.
Il buvait lentement, à petites gorgées, son corps dictait la marche à suivre malgré son esprit... Sans doute ce dernier était irrationnel par une longue période de léthargie de laquelle il n'était pas certain que l'homme se réveillerait.

La présence de Shinobu lui permettait toutefois de disposer d'une plus grande patience vis-à-vis de son état et d'appréhender différemment son rétablissement. Il était nécessaire que ce dernier se fasse dans des conditions optimales, sans se presser de quelque manière.

Oh l'amour avait le don de changer les personnes.


Et avec patience et attention alors que d'ordinaire il manquait cruellement de ces deux qualités, il écoutait les paroles de sa belle, proférées de son timbre doux et feutré.
Sa peau frissonna légèrement sous les effleurements de l'index blanc qui ne se risquait pas à appuyer sur son épiderme, comme il avait parfois pu le faire, sous le coup de la taquinerie, ce qui ne manqua pas d'alourdir son coeur à cette pensée. Leurs rapports avait-ils été changés à jamais par cet accident ?

Shinobu le percevait-elle à présent comme une chose fragile qu'il ne fallait pas brusquer de quelque manière en entreprenant des caresses un peu trop enflammées ?
Cette pensée lui arracha une nouvelle frustration qui se superposa aux précédentes, même s'il n'en montrait rien.


La potionniste n'épargna aucun détail, aussi impitoyables ses paroles pouvaient-elles être, Kyojurô semblait demeurer impassible malgré tout ce que cela impliquait pour lui.
D'aucuns se seraient sans doute effondrés à l'écoute de telles nouvelles, ce n'était pas le genre de l'Auror. Ces éléments, bien que durs à entendre, étaient nécessaires au bon-déroulé de son rétablissement, qui serait bien long, il avait fini par le comprendre et cela n'était que confirmé par les diagnostics de sa cadette.

Des difficultés à s'alimenter, à profiter de la lumière du Soleil qui embrassait son visage... Voilà bien des plaisirs simples qu'il avait toujours appréciés et dont il devait obligatoirement se passer pendant des semaines, si ce n'était des mois à cause de sa condition.

Ah quelle tragédie.


Mais point le temps de s'apitoyer sur son sort, il était hors de question de se lamenter sur la perte de ce qui faisait qu'il appréciait la vie, même si cette dernière n'avait pas forcément été tendre avec lui. Il était nécessaire de se raccrocher aux petits bonheurs faciles à atteindre. Un bon repas en bonne compagnie, une promenade à l'extérieur, sous le ciel dégagé d'un jour d'automne, main dans la main avec un être cher, admirer une pièce de théâtre...

Il finirait par les retrouver, après bien des efforts et ce ne serait pas comme avant, mais il s'en faisait la promesse.


Son oeil se releva pour se perdre dans le regard nébuleux de son amour lorsqu'elle fit la promesse de toujours rester à ses côtés en lui tenant la main dans les siennes, si menues.
Il prendrait toutes les dispositions pour elle. Oh pour ces yeux-là, il se serait jeté dans les flammes du Jigoku.


Et Kyojurô, malgré une imagination qu'il a toujours lui-même décrite comme limitée, étant conscient de ses faiblesses autant que de ses forces, se mit à révasser.
La neige fut soudain remplacée par les pétales roses des cerisiers en fleurs du printemps.
Il lui sembla entendre les babils et les pas précipités de bambins dans le Domaine des Papillons, aux cheveux pourpres, noirs ou blonds, qui savait ce qui était possible ? Aux yeux aussi énigmatiques que ceux des Kochô, d'un noir profond, ou ambrés, flamboyant dans la lumière, apanages des Rengoku. Ils poursuivraient des insectes venant de se réveiller d'un long sommeil facilité par l'hiver.

Il se vit, se déplaçant sans la moindre difficulté malgré les séquelles bien visibles de son accident, le visage plus émacié, ressemblant de plus en plus à son père, aux côtés de Shinobu.
Elle était magnifique et dégageait noblesse et douceur. Son visage était affublé d'un sourire affable, comme d'habitude, et se poser sur l'engawa à ses côtés, se montrant ainsi comme le couple maître du domaine pendant que leurs enfants se précipitaient dans leurs bras... Tous riant aux éclats, touchés par la félicité d'un bonheur grisant, touchant de simplicité alors que les grillons chantaient et que les premières lucioles s'élevaient dans l'obscurité grandissante, contre laquelle luttaient des lampions.



Non.

Bien vite, Kyojurô chassa ces doux songes qui tenaient bien plus du fantasme que des ambitions, ces visions s'évaporant comme des volutes de fumées dans l'air.

Plus que jamais, il était hors de question qu'il fonde une famille avec Shinobu. Il avait déjà donné assez de peine à cette dernière lors de cet accident de novembre et au cours de son coma. Si un accident plus grave venait à arriver, elle se retrouverait sans doute seule et désoeuvrée, et il ne voulait pas ça.
De même, s'il arrivait en revanche quelqu'incident à sa douce, il aurait peur de tomber dans les mêmes travers que son père et faire subir à son éventuelle progéniture ce dont il avait lui-même souffert dans l'enfance. La nécessité de devoir évoluer dans une demeure pleine de fantômes du passé du fait de parents qui disparaissent du jour au lendemain tous les deux.


Oh il était plus raisonnable qu'il se concentre entièrement à son aimée, qu'il dévoue son coeur à la doctoresse et ceci pour le restant de ses jours.



« Approche, je te prie. »



D'un geste faible mais assuré, il écarta sa couverture et son haori, comme une invitation pour la demoiselle à s'allonger auprès de lui. La nuit s'annonçait, la pénombre tombait peu à peu dans la chambrée.

Ils pouvaient bien jouir du strict minimum d'intimité et de contact que la condition de l'Auror permettait.

Ce dernier était déterminé à prendre sur lui pour s'octroyer de précieux moments dans les bras de son aimée après avoir été longuement séparés par la douleur et le sang.

Il ajouta, de crainte qu'elle hésite (ce qui était amplement compréhensible, mais elle devait bien avoir ce désir sourd au fond d'elle de l'étreindre et de l'embrasser).

« Qu'importe mon état, je veux simplement t'avoir dans mes bras ou auprès de moi. Ce serait le plus doux des remèdes à mon coeur. »


Et Kyojurô ne mentait jamais.
Son physique mettrait du temps à se remettre d'un tel événement... Mais les blessures de son âme pouvaient cicatriser en un rien de temps dans les bras blancs de Shinobu et les effluves de glycines que portait son parfum.


Un sachet de simples sur son lit de convalescent, le printemps renaissait.
            
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Sujet: Re: Terminé • [Hiver 2026] 心に炎を灯して 遠い未来まで
Ven 30 Sep 2022 - 3:14
                    

心に炎を灯して 遠い未来まで

Kyojurô Rengoku & Shinobu Kochô
A world of grief and pain. Flowers bloom. Even then.

Il exprima sa requête avec clarté.

"Approche, je te prie."

Ce timbre caressant lui fut aussi salvateur à écouter que les crépitements boisés d'un âtre au cours d'une nuit glaciale. En observant ce beau bras aux lignes affinées se mouvoir afin d'ôter de ses reliefs le pan de couverture qui le couvrait, surplombé du bel haori aux extrémités sillonnées de rouge et d'or, elle se sentit dépossédée.

La scène qu'il avait la bonté de lui présenter lui paraissait si belle, à l'image de l'occasion qu'on lui offrait. Rejoindre le duvet et briser cette maigre distance qui les séparait depuis les prémices de leur échange lui semblait être une tentation si vile  qu'elle se refusa d'accepter dans un premier temps. Les maux qui lui avaient été infligés étaient encore frais; et les stigmates qu'elle venait de lui énoncer le rendaient si fragiles ...

Shinobu ne se souvenait que trop bien du vœu ardent qui avait enflammé son cœur à l'instant même où elle l'avait aperçu, les genoux ployés et les épaules affaissés sur le sol avoisinant les champs. Adoubé par les lueurs, l'échine courbée sous le poids de la douleur qu'on lui avait fait subir, et un éternel sourire aux lèvres, comme l'arborent ceux qui ne craignent pas le trépas. Cette silhouette, noble même aux portes de la mort, l'avait marquée à tout jamais. Dès lors qu'il lui avait demandé d'approcher pour se lover un tant soit peu contre lui, la guérisseuse sentit poindre en elle une agitation tout à fait singulière.

Voilà qu'elle pouvait enfin se nicher contre lui. Mieux encore, il la conviait lui-même à amenuiser l'écart qui s'était creusé entre eux depuis qu'elle occupait ce tabouret, et lui le matelas frais de son lit d'infirme ...

... Et, pourtant, une hésitation l'avait saisie. Elle ne pouvait pas se permettre de telles choses.

"Qu'importe mon état, je veux simplement t'avoir dans mes bras ou auprès de moi. Ce serait le plus doux des remèdes à mon coeur."

Une lueur pâle jaillit dans ses yeux aux prunelles striées. Son regard, récemment rendu plus mesuré en raison des explications qu'elle lui narrait quant à sa santé, se mit à étinceler comme si de nouveaux pleurs n'attendaient qu'à s'en échapper.

Il n'en était rien.

Le bruit d'un froissement subtil de tissus naquit de son mouvement. Shinobu redressa les épaules, puis quitta le mobilier qui l'accueillait jusqu'alors. Tel un papillon se glissant sur l'encolure d'un tigre en proie à un repos qu'il ne méritait que trop bien, elle s'allongea à côté de lui, sans jamais chercher outre mesure à outrepasser les limites qu'elle s'était imposée. Porter atteinte aux blessures du jeune homme en raison d'un désir de contact, aussi léger soit-il, lui serait intolérable.

Son mouvement avait fait preuve d'une telle prestesse qu'il ne serait pas bien complexe pour lui de deviner qu'elle ne souhaitait que l'accueillir contre son poitrail dont il avait toujours apprécié les reliefs. Une douce nervosité la travailla, alors qu'elle daigna lever le regard vers cet oeil rutilant.

À peine en réceptionna-t-elle la réponse qu'elle se surprit à rosir. Dépourvue de ce masque de placidité qu'elle n'avait jamais abandonné au point d'en faire son visage quotidien, et témoin de la tendresse et de l'amour qu'il lui témoignait avec un naturel retrouvé, elle dissimula un tant soit peu sa figure contre son épaule dont elle ne sentait plus véritablement la proéminence des muscles.

Farouche, timide et pleine de doux sentiments. Elle sentit ses pommettes s'échauffer sous l'effervescence que lui procurait cette vague d'affection et, serrant ses petits poings contre son propre buste, elle se dissimula contre l'oreiller. Les soins furent si intensifs, les angoisses si vives et le désespoir si grand que le simple bonheur dont elle pouvait jouir en rejoignant la proximité de l'héritier des Rengoku lui parut aussi étrange que plaisant ...

Le Soleil accueillit la Lune à ses côtés.

Dans le recoin de son propre cabinet médical, où elle avait plus que jamais séjourné ces derniers temps qu'au cours de ces récentes années, avoisinant la fenêtre près de laquelle elle appréciait tant s'installer pour s'éprendre des contemplations nocturnes en bonne sélénophile qu'elle était, un vase reposait.

Une pièce de porcelaine ornementée de motifs peints accueillait en son sein un bouquet du plus ravissant cramoisi. Des amaryllis y trônaient, sujets à une floraison éternelle, et rendus immarcescibles par un soupçon de magie. Combien de fois avait-elle pensivement effleuré du doigt leurs pétales écarlates, accoudée sur cette même table, en comptant les jours qui s'étaient écoulés depuis le sommeil interminable de son amant ? ...

Ces bourgeons, reflétant les émotions de l'empoisonneuse depuis qu'il lui en avait fait don à l'occasion de son vingtième anniversaire, du temps où ils étaient encore de jeunes sorciers étudiants, avaient traversé bien des péripéties. Étincelants de joie lorsque sa propriétaire passait du temps en compagnie de ceux qui lui étaient chers, parés d'un éclat resplendissant quand Kyojurô lui offrait sa bienheureuse compagnie, et défraîchis lorsque les humeurs qu'elle dissimulait sous l'esquisse d'un sourire serein lui étaient moroses.

Si durant ces dernières semaines ses précieux amaryllis avaient succombé à de bien tristes flétrissures, au point de laisser chuter leurs feuilles et leurs pétales cinabrins sur la surface lustrée de la table où la faïence reposait, cette nouvelle nuit, porteuse d'espoir, lui insuffla une reviviscence inespérée.

À l'image de la jeune femme, à cet instant, le bouquet se fit plus vermillon que jamais. Sur le modelé de son bras affaibli par l'inertie, Kyojurô pouvait sentir le sein de Shinobu s'élever et s'abaisser, comme si elle se révélait en proie à de profondes inhalations suivies de longs soupirs.

Cet œil marqué d'une balafre comme preuve ultime de sa bravoure, loin de lui infliger un quelconque effroi ou dégoût, permit à son esprit de faire preuve de fantaisie. Elle nouerait autour des brins dorés et roux qui encadraient son visage les attaches d'un bandeau avec autant de douceur et d'amour que lorsqu'elle lui peignait les cheveux, ou s'attelait à le pomponner lorsqu'il se revêtait de ses beaux atours.

En bon prince qu'il était, jamais n'avait-il perdu la moindre occasion de lui proposer son bras lorsqu'ils erraient parmi les jardins de la propriété et en admiraient les arbrisseaux fleuris. Désormais, il n'aurait parfois d'autre choix que de se reposer sur les bras malingre de sa compagne, tel un infortuné désireux de s'appuyer sur un bâton pour tenir debout. Elle marcherait à son rythme, à compter de ce jour, et resterait contre son flanc pour l'empêcher de vaciller.

Quant à cette perte de goût pour la bonne chère, elle attendrait avec toute la patience du monde ce jour fatidique où s'émouvrait cette pupille chatoyante, jusqu'à ce que ses narines perçoivent les effluves bienvenues et échauffées d'un des plats qui avaient ses faveurs.

Enfin, ils connaîtraient leur salut.

Très sûrement en raison d'un manque flagrant de sommeil et d'une irrépressible inquiétude accumulés au cours de ces derniers mois, sa douce ne put s'empêcher de laisser l'épuisement alourdir ses paupières, et s'abandonna malgré elle à la somnolence. Et, pour la première fois depuis bien longtemps, aucune ombre cauchemardesque ne se jeta sur elle.

Kyojurô lui avait toujours fait cet effet-là.

Sans doute était-ce car elle lui tenait fermement la main ...


_________


Le printemps.

Les pétales à la teinte dragée qui voletaient sous les ramilles du Domaine des Papillons et dansaient derrière le papier fin du shōji entrouvert lui soutirèrent un regard.

Contempler le panorama bucolique sur lequel la neige avait autrefois posé son manteau de nacre ravivait en elle des souvenirs aux échos curieux. Elle se souvenait avoir tant pleuré en retrouvant son amant. Peur, joie et tristesse s'étaient liées pour s'unir en une seule et même émotion qu'elle n'aurait su décrire tant son cœur, autrefois férocement fermé sous une enveloppe de verre, s'était agitée sous son éveil.

Hortensias bleus, roses et verts, évoquant les rubans des braves jeunes filles qui l'avaient assistée dans les soins et durant la rémission du sorcier tout feu tout flamme se mêlaient aux ornements mordorées qui surplombaient sa coiffe de soie. Le tsunokakushi qui couronnait sa chevelure de jais, nouée comme l'étaient celles des jeunes épouses, s'était laissé décoré par ses cadettes. Une épingle de verre ouvragée, à l'effigie de quelques némophiles que Ruka affectionnait de son vivant, adornait l'un des recoins de la soierie immaculée.

Dans ses fines mains, trois brins de lys blanc. Kanae, Kanao et sa douce mère n'avaient jamais quitté ses pensées. Revêtue d'un kimono au tissu d'une couleur aussi pure que la neige et rehaussé de bordures rouges, Shinobu dévoua ses pensées à sa soeur disparue.

L'un de ses rêves était devenu une réalité. Pris d'un élan de courage, il avait demandé sa main, et elle n'avait pas réfléchi un seul instant avant de lui dire oui.

Elle sentit un mouvement, tout près d'elle. Installée sur sa chaise, une délicate pression qu'elle ne connaissait que trop bien lui effleura l'épaule et, à cette découverte, elle redressa la tête vers l'auteur du geste.

À ses côtés, il trônait.

Rayonnant à nouveau, les lèvres promptes à esquisser ses sourires d'antan. Les épaules non plus affaissées mais droites, comme elles l'avaient toujours été, tout chez lui n'était que charme et noblesse. Paré d'étoffes feutrées, sombres et solennelles, les lisières de son haori d'ébène liées par le biais d'une houppe blanche, Kyojurô se tenait debout, et fier, malgré les reliquats de l'accident qui avait failli l'emporter.

Sous les parures amples qu'il se plaisait à porter en ce jour cérémoniel, le modelé de sa carrure se crayonnait à nouveau, au fil des jours. Il regagnait santé, force et vigueur, et ce en dépit du cache-oeil qui occupait les devants de sa paupière.

En observant cette flamme ravivée qui se tenait à ses côtés, Shinobu cacha un temps les contrebas de sa figure avec ses liliacées. Sous le voile pâle de leurs pétales, une imperceptible vapeur rose monta à ses joues tant elle le trouvait séduisant.

Dès lors qu'elle le vit abaisser son unique prunelle vers elle pour le contempler, et qu'il lui sourit avec cette allégresse dont il avait le secret, son palpitant rata un battement pour en entamer d'autres plus rapidement.

"S'il vous plaît, regardez l'objectif !", émit une voix pleine d'entrain derrière la machinerie ensorcelée.

Le couple, dont les vœux avaient été prononcés il y a peu, échangea un regard à la tendresse ineffable. À l'unisson, ils pivotèrent leurs épaules en direction de l'appareil, plus unis que jamais.

Sur ce cliché mouvant, animé par un charme qui enchantait parfois les portraits du monde magique, Kyojurô Rengoku et Shinobu Kochô Rengoku se tenaient l'un à côté de l'autre, et ne purent s'empêcher de sourire.

C'était ensemble qu'ils allaient jouir du bonheur, et finir cette vie.
            
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