Il n'y avait, en ce monde et selon toute vraisemblance, rien de pire que d'avoir à réfléchir à des choses qui n'impliquait pas que sa propre personne. Si Viren aimait penser, se creuser la tête à n'en plus dormir, s'il aimait les recherches et tout ce qu'elle encadraient, il n'était cependant pas friand des réflexions qui lui semblait vides de sens.

Non pas que faire plaisir à ses proches le soit, évidemment. Plutôt qu'il s'agissait d'une tache difficile qui demandait une bonne intuition et une bonne connaissance du sujet. Poser une simple question était, pourtant, bien plus simple. Mais il était évident que l'attrait de la surprise rendait n'importe quel cadeau bien meilleur que s'il eut été attendu.

C'est pour cela que le sorcier quitta son bureau où il passait le plus clair de son temps libre, pour cela qu'il s'aventura dans les dédalles bruyantes aux odeurs envahissantes de la ville. Qu'il s'engagea dans une exploration du Centre commercial dans lequel il n'allait jamais, qu'il évitait comme la peste.

Il pouvait se vanter de n'avoir pas un mauvais sens de l'orientation, mais il détestait ces endroits où tout était parasité par le bruit, l'odeur, les couleurs flashy des dernières promotions.
En bref : il ne sortait pas si souvent que cela.

Toujours dans ses tenues d'un autre temps, longue veste à col large et ceinturon tout droit sorti d'un roman de fantaisie, il jurait quelque peu avec le modernisme du lieu. Mais il ne faisait pas tache pour autant, tout le monde n'aimait pas s'habiller aux goûts du jour.
Et il arriva bientôt à la boutique qu'il visait. La devanture affichait fièrement son titre : Fancy Phoenix. Un lieu dans lequel il n'était jamais allé qu'une fois, trainé par sa fille. C'est d'ailleurs en se rappelant de cet évènement qu'il avait eut l'idée d'y retourné. Il cherchait à faire plaisir à cette dernière et il avait songé qu'elle apprécierait quelques vêtements trouvé par ici.

C'est en y entrant qu'il comprit son éventuel erreur. Il avait sous-estimé la tâche et, se retrouvant une fois de plus confronté à tous ces rayons où se pavanaient ces tissus aux couleurs et aux coupes diverses, il comprit qu'il n'avait strictement aucune idée de que choisir pour elle.
Il prit la peine de s'avancer, pourtant, entre les allées, cherchant d'un regard faussement indifférent un vêtement, une robe, n'importe quoi, qu'il pourrait voir sur sa fille. Mais il constata assez vite qu'il ne savait se référer qu'à ses propres attentes, et que, sans même s'en rendre compte, quelque chose comme de la frustration grandissait en lui.

« Et bien, mais qui voici ? Notre cher MrViren. » Cette voix, Viren la connaissait. Il se tourna à peine la tête vers Owen, un regard dédaigneux sur le visage. Il ne se rendait même plus compte d'à quel point il pouvait paraître hautain, à force. Et, s'il ressenti quelque légère honte à être prit ici, en flagrant délit, il ressenti également un agacement qu'il pensa légitime en entendant le surnom duquel l'élève l'avait affublé. Rien de méchant, mais ce n'était pas respectueux, et même en dehors de l'école Viren restait M.Wanderey, le professeur de potion.
Enfin, il ne s'offusqua pas ouvertement, car le jeune homme à qui il avait déjà parler quelque fois enchaîna aussitôt.

«  Vous avez décidé de changer vos vêtements pas des choses plus récentes ? Moi j'aime bien vos vêtements, c'est original ! » Il parlait tout à fait franchement, ou bien, s'en donnait-il l'air. Viren ne haïssait pas la franchise, mais il ne l'aimait pas non plus. Le seul avantage concret qu'elle présentait, c'était bien la sûreté des informations que l'on pouvait lui donner.

Encore une fois, il prit son temps pour répondre et laissa le plus jeune continuer son flot de paroles. Il prit cependant la peine de se tourner totalement vers lui, l'air toujours aussi inaccessible.

« Si jamais l'envie vous en prend, je peux vous donner des conseils sur quoi acheter, je suis sûr qu'on peut faire quelque chose de sobre et classe pour vous ! Enfin si c'est pour vous bien sûr ? Si c'est quelqu'un d'autre je peux tout autant vous conseiller. Surtout que sans vouloir vous offenser, la mode n'a pas l'air d'être votre rayon. » Et s'il aurait put trouvé l'allusion amusante, il se douta qu'elle n'était pas volontaire. A la place, il se contenta d'un léger hochement de tête, glissant un regard sur le reste des allées, comme s'il craignait qu'une tierce personne ne se cache entre les cintres, prête, elle aussi, à lui rappeler qu'il ne venait jamais vraiment ici.

C'est donc sur un ton légèrement pensif qu'il souffla :

« Monsieur Wanderey, Owen. Je ne suis pas ton ami. » Ce n'était ni accusateur, ni colérique : un simple constat. Il se devait de garder de la distance avec ses élèves, quand bien même puisse-t-il leur avoir déjà parler avec légèreté de sa vie familiale.
Du reste, Owen était un garçon qu'il trouvait énigmatique, il ne savait pas réellement le cerner. Reposant les yeux sur lui, il poursuivit :

« Effectivement, ce n'est guère pour moi. Je pense tout à fait sincèrement que ce genre de style vestimentaire ne m'irait guère. » Et, comme s'il hésitait, il mit du temps à répondre à la question qui se posait sans mot. Il jeta de nouveau des regards autours d'eux.
Il songea qu'il était certainement plus aisé pour le jeune homme de se mettre à la place de sa fille que lui : bien qu'elle lui ressembla sur beaucoup de point, elle n'était pas de la même génération que lui et il ne souhaitait pas lui offrir quoi que ce soit qui fasse trop... Vieillot. Qu'elle n'aimerait pas.

Owen, avec ses bagues hors de prix et ses vêtements tout droit sorties d'un magazine... Et bien, Viren le savait, saurait le conseiller.
Il lâcha un soupire, il n'aimait pas se remettre aux autres, encore moins à un élève, pour ce genre de chose qu'il jugeait trop privée.

« C'est pour ma fille, Claudia. L'ennui c'est que- Je n'ai strictement aucune idée de ce qui plaît aux jeunes filles de son âge, en matière de vêtements. » Ton aide serait appréciée. C'est ce qu'il fallait entendre derrière ce contournement habile. Viren n'aimait pas demandé de l'aide.

« Certes mais j'avais mis le Mr alors je trouvais ça déjà pas mal. Et puis en soit, ici nous somme simplement deux adultes dans un magasin. Rien de plus, rien ne me force à garder les mêmes règes qu'au sein d'Ilukaan. » Se défendit l'élève, sans une once d'agressivité cependant. Il semblait simplement ne pas se rendre compte de son irrespect. Viren ne lui en voulait pas, il tenait seulement à garder une image et sa place assez stricte dans la hiérarchie de l'école.
Cependant, il n'eut pas envie d'argumenter d'avantage et, de toute façon, Owen ne lui en laissa guère le temps puisqu'il reprit aussitôt :

« Très bien ! Laissez le professionnel gérer ! J'aurais besoin d'une photo d'elle et de son âge. Strictement professionnel. Si je capte ce qu'elle aime ça sera plus simple. » Viren haussa un sourcil devant son enthousiasme. Certes, il était ravit que quelqu'un puisse venir à sa rescousse et se trouvait chanceux d'avoir une telle fashion victim comme sauveur, mais le simple fait qu'il précise qu'il ne s'agissait que de question professionnel le rendit méfiant.
Il aimait sa fille plus que tout et comme tout bon père qui se respecte, il ne supportait pas que l'on puisse ne serait-ce que sous-entendre quoi que ce soit. Cependant, il ne lui en teint pas rigueur : il commençait à connaître Owen. Il était loufoque, parlait sans réfléchir. Alors, il enfonça sa main dans sa poche pour en sortir son téléphone. Lentement, sans quitter des yeux son vis-à-vis, toujours de cet air presque neutre, mais très hautain.

« Vous savez, la prochaine fois, si vous ne savez pas quoi acheter, prenez une carte cadeau pour qu'elle choisisse elle même. C'est moins personnel certes mais au moins pas de risque qu'elle soit déçue. Après c'est si tu veux lui offrir des vêtements. Tu peux toujours voir pour autre chose. Comme le dernier téléphone ou je ne sais quoi ! Un beau bijoux, ça peut aussi lui plaire ! » Le vouvoiement s'était perdu, apparemment. Il ne lui en tint pas rigueur, il lui sembla que des choses plus urgente se profilait devant eux.

Déjà, il se rendait bien compte du dynamisme de l'adolescent qui se prenait pour un adulte. Il aurait dû le voir plus tôt, évidemment, mais la motivation ajoutait quelque chose d'évident à cette nature de pile électrique. Il poussa un léger soupire, presque inaudible et se munit de son téléphone.
Il ignorait tout des activités de sa fille sur pentagram ou sur les autres réseaux sociaux, n'y étant simplement pas coutumier lui-même. Alors, tout naturellement, il chercha une photo d'elle.

C'était son fond d'écran de téléphone, mais il avait trop d'orgueil pour le montrer à Owen. Ce dernier était déjà un peu trop au courant de sa vie privée. Il lui tendit cependant son écran pour qu'il puisse apercevoir ce qui semblait être une jeune fille aux longs cheveux noirs, accompagné d'un jeune homme blond aux allures trop confiantes.

« Claudia a 16 ans. » Dit-il, relevant les yeux sur Owen en penchant légèrement la tête sur le côté. « Et je te remercie pour tes conseils, mais s'il te plaît, garde à l'esprit que je n'ai qu'une demande envers toi : un vêtement. Rien d'autre. S'il me venait à l'esprit de lui offrir autre chose, j'irais. Pour l'heure, je veux, comme tu l'as compris, lui offrir un vêtement. » Il insista bien sur ce mot. Il lui semblait qu'Owen avait besoin d'un cadre strict pour se concentré correctement.

Enfin, il rangea son téléphone, du moins, sauf si Owen comptait l'en empêcher pour admirer un peu plus la photo que sa galerie affichait.

Bien que Viren n'accepte pas réellement le côté trop loquasse de l'élève, il se devait de reconnaître son efficacité. Car, aussitôt qu'il l'eut rappelé à l'ordre, Owen se mit au travail - dans la plus grande indifférence du ton froid du professeur. Ce dernier n'appréciait pas tout à fait que l'on puisse ignorer ses réflexions, mais il devait reconnaître préférer cette efficacité à avoir à gérer une vexation hors de propos.

Enfin, le voilà qui, après un sondage d'un coup d'oeil du magasin, se mit en marche. Quelques pas, seulement, mais Viren le talonna. Il maintenait une certaine distance, toujours cet air trop orgueilleux au visage, les mains jointes dans le dos, mais il le suivait tout de même. Il n'était pas coutumier de ce genre d'endroit.

« C'est son petit ami  à côté ? » Demanda alors le Lupy.

Viren fronça légèrement les sourcils. La question lui sembla déplacée, tellement déplacée qu'il se demanda s'il n'allait pas répondre par une énième remarque acide. Mais il se retint, songeant qu'en déprit de son indiscrétion, la question restait assez correcte pour ne pas qu'il ait à en prendre ombrage. Aussi, il souffla dans une froideur glaciale :

« Son frère. »

Et, de toute évidence, Owen était trop concentré sur la mission que lui avait confié le professeur puisqu'à peine eut-il eut finit ses quelques mots que ce dernier avança :

« Je crois avoir trouvé quelque chose de cool. » Et, enfonçant une main dans un rayon, il en sortit une robe blanche aux nombreuses fleurs. Elle était courte, mais pas trop pour que Viren trouve cela indécent. En réalité, la seule chose qui le gênait était qu'il n'avait strictement jamais vu Claudia porter du blanc, jamais. Elle n'aimait, en règle général, que les teintes sombres.

Mais ça, Owen n'avait pas besoin de le savoir et Viren connaissait quelques sorts qui pourraient arranger le coup tout en permettant de ne pas chercher plus.
Son regard aiguisé se perdit un instant dans les détails des coutures sans qu'il ne puisse rien en tirer, en réalité incapable de jauger la valeur d'un vêtement ni sa qualité esthétique au delà de ses propres goûts. Mais enfin, il hocha la tête, glissant une main pensive sur son bouc.

« Hm... En effet, cela pourrait faire l'affaire. Je suppose que si ça ne lui plaît pas, un retour en magasin sera toujours envisageable. » Songea-t-il à haute voix. Et puis, il releva les yeux sur Owen. « Merci. »

Cela ne sonnait pas réellement comme un merci. en réalité, c'était bien plus froid. Mais, au moins, il tendit la main pour récupérer le cintre d'où pendait la robe. Cet échange toucherait à sa fin, une fois qu'il serait passer en caisse.

« Bon et bien je suis content que cela vous plaise. J'ai donc bien accomplit ma mission de la journée alors ! » Clama l'élève, semblant fier de lui, ou bien simplement heureux d'avoir put rendre service. Viren lui en était gré, après tout, il lui avait retiré une épine du pied. Cependant, il ne comptait pas poursuivre cet échange plus en avant.

Il n'était pas un homme très sociable par essence, toujours le nez dans ses bouquins et ce depuis tout petit. Il ne détestait pas les élèves et cherchait à faire de son mieux en tant que professeur, mais il n'aimait pas spécifiquement l'idée de rompre la barrière qui le séparait des élèves. Même avec ses collègues, cette barrière était toujours très présente.

Même avec Amaya qu'il connaissait pourtant depuis des années.

Alors qu'il se dirigea vers la caisse, après un hochement de tête en direction de l'élève, ce dernier reprit la parole. Viren l'écouta d'un oreille, l'air de nouveau parfaitement indifférent alors qu'il cherchait déjà son porte-feuille.

« Sinon comment vous allez ? Les cours se passent bien ? Pas d"élève trop chiant ? » Viren releva un instant les yeux vers lui et retint un soupir. Décidemment- Owen était décidé à conversé avec lui plus que de raison. Il ne le haïssait pas, ne voulait pas le rejeter mais il ne voulait pas non plus discuter.

Il se souvenait déjà des quelques conversations qu'ils avaient eut et il songea un instant qu'il en avait peut-être trop dit, à ce moment là et qu'Owen avait dû prendre ça comme une invitation. Enfin. Il se contenta d'un léger hochement de tête et se tourna vers lae gérant.e de l'endroit pour régler son achat.

Une fois la robe mit dans un sac et cela fait, il s'arrêta de l'autre côté de la caisse, en direction de la sortie et ce ne fut qu'à cet instant qu'il se permet un regard vers Owen. Le visage toujours complètement absent d'expressivité, il répondit enfin :

« Je me porte comme un charme et les cours se passent bien. Comme d'habitude, je ne m'attends pas à ce que mes élèves saisissent la subtil beauté de la concoction de potions, mais il y en a des assez intéressés pour rattraper la plupart des tire-au-flanc. Il n'y a personne de trop turbulent, cela dit, je dois m'admettre chanceux. » Et il se détourna pour se diriger vers la sortie du magasin. En dépit de sa réticence à la conversation, il demanda :

« Et toi ? Je suppose que tout te sourit. Tu semble trop heureux pour connaître de trop grosses difficultés, en ce moment. Mais peut-être me trompe-je. »»

« Et bien. Au moins cela doit être bien d'avoir quelques élèves intéressés. Moi de souvenir j'aimais bien les potions. C'était cool, c'était pas la matière où j'étais le plus fort mais je trouvais ça agréable. » Viren hoche doucement la tête. Il ne pouvait contredire l'élève en face de lui pour la simple et bonne raison qu'il était incapable de se souvenir clairement de son comportement en classe. Il voyait tant d'élève qu'il ne se souvenait que du plus marquant.

« Alors. A vrai dire, je peut paraitre faire partie des gens sans problèmes de cette école et même si effectivement j'ai moins de problèmes que les autres disons que j'ai mes propres problèmes. Je ne parle plus à ma famille depuis des années. Et puis à vrai dire je passe plus de temps à m'occuper d'aider ma petite amie que je n'ai pas le temps de me pencher sur mes propres problèmes. » Lui avoua Owen sans pour autant changer de ton. Viren l'observa un instant, l'air particulièrement neutre.

Il se souvenait, oui, d'une discussion où ils avaient vaguement évoqué le sujet. S'il pouvait se montrer bienveillant envers les élèves puisqu'il ne cherchait que leur bien, sa bienveillance active avait les même limites que l'énergie qu'il pouvait leur accorder. Malheureusement pour Owen, il n'était pas spécifiquement d'humeur à l'aider au delà de sa stricte compassion.

Il lâcha un léger soupir alors qu'il afficha un air plus compréhensif, toujours debout entre la sortie du magasin et la galerie marchande et puis, il reprit sur un ton calme :

« Nous avions évoqué le sujet ensemble, ce me semble. » Commença-t-il. « Cela dit, si je puis me permettre un conseil, je te dirais de ne pas te sacrifié pour autrui. J'admire ton abnégation, mais il est bon de savoir mener ses propres batailles et l'on ne peut pas aider efficacement ceux que l'on aime si l'on ne prend pas le temps de s'aider soit. »

C'était une philosophie que lui-même n'appliquait pas, plutôt toujours tourné vers ses recherches qui devaient profiter à tous. Il sacrifiait beaucoup pour ce qui lui semblait être son idéal et, plus largement, l'avenir du monde sorcier et il était prêt à beaucoup pour ça.

« Bon. Je te remercie encore une fois pour l'aide que tu m'as apporté, Owen. A Bientôt. » Fit-il alors en reprenant son air d'indifférence de façade. Il ne voulait pas s'éterniser et il l'avait dors et déjà signifié à Owen.
Et il s'apprêta à tirer sa révérence.