C'est à l'aube du 30 avril 2004, alors que les premiers rayons du soleil viennent délicatement faire fondre la couche de neige qui recouvre le toit du domaine des Ragnvindr, que Diluc naît dans la chambre familiale. C'est une venue au monde difficile : Cecilia Ragnvindr est de constitution fragile depuis sa naissance, et il n'aurait pas été surprenant qu'elle y laisse la vie. Mais la jeune femme survit, et reste consciente assez longtemps pour admirer le visage de son fils : malgré ses traits poupins, elle sait déjà qu'il ressemblera à son père, sûrement du fait qu'il est né avec la traditionnelle chevelure de feu familiale.

La famille Ragnvindr est installée au Schleswig-Holstein, en Allemagne et près de la frontière du Danemark, depuis ce qui semble être l'aube des temps : leur arbre généalogique remonte aisément jusqu'à l'ère médiévale. C'est une famille très influente au niveau local, qui fait fortune dans la concoction de potions toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Quelques générations plus tôt, les Ragnvindr se sont néanmoins désolidarisés des courants de pensées séparatistes qui animaient les rangs des sangs-purs. L'arrière-arrière-grand-père de Diluc décide de s'intéresser au monde moldu, et transforme petit à petit l'entreprise familiale en vignoble de qualité. Si la région semble peu appropriée pour une telle exploitation, et les vignobles existants peinent à produire une variété satisfaisante de boissons alcoolisées, un petit coup de pouce magique fait des miracles - si bien que le vin qui résulte du dur labeur familial est aussi bien vendu aux sorciers qu'aux moldus.

Ainsi, la vie de Diluc démarre paisiblement : il peut rapidement profiter du grand domaine et de son vaste terrain, reçoit très jeune une éducation de qualité, et est choyé par ses parents qui veillent tout de même à en faire autre chose qu'un enfant de famille sang-pur pourri-gâté. Cecilia et Crepus Ragnvindr profitent tant que possible de la douce ambiance paisible qui règne au manoir, pendant les quatre premières années de vie de leur fils unique. Pendant quelques mois, une rumeur s'étend même au sein des domestiques : peut-être que le jeune couple prévoit de donner à Diluc un petit frère ou une petite soeur ?

Mais Cecilia tombe malade.

On la couche dans un lit, duquel elle ne ressortira pas. La maladie l'emporte vite : en quelques semaines, son état se détériore, et une aura lourde couvre le manoir comme une chape de plomb. Les médecins se succèdent, mais aucun ne trouve le remède qui remettra la maîtresse de maison sur pied. La veille de son décès, Cecilia semble aller mieux. Elle serre son fils dans ses bras, et lui fait promettre d'être un bon garçon, et de ne jamais mentir. Elle s'éteint dans la nuit.

Diluc pleure, évidemment. Il pleure toutes les larmes de son corps jusqu'à ce qu'il n'ait plus l'énergie de sangloter. Puis, il doit se faire à l'idée que sa mère n'est plus là. Instinctivement, les premières semaines, il la cherche constamment du regard avant que la dure réalité se rappelle à lui. Crepus doit à la fois gérer son propre deuil, et celui de son fils. Bien que cela reste un lourd traumatisme, Diluc considère aujourd'hui que son père a fait tout son possible, et il lui en est reconnaissant. Il lui arrive encore de rêver de sa mère aujourd'hui, même si, à son grand désarroi, son visage devient de plus en plus flou.

À la suite de ce triste événement, Crepus décide qu'un changement d'air serait le bienvenu. Le maître Ragnvindr et son fils partent pour un long voyage, confiant la gestion du vignoble à Elzer, le bras droit désigné. Leur périple s'étire jusqu'en Inde, où Crepus emmène son fils visiter la communauté sorcière locale aux couleurs chatoyantes et aux traditions millénaires, ainsi que les grandes villes moldues qui regorgent de sites historiques de toute beauté. Si l'enfant garde de bons souvenirs du voyage, il peine à retrouver son enthousiasme habituel.

Jusqu'à ce que, par une suite de hasards et d'événements quelque peu inattendus, Kaeya rejoigne la famille, de façon imprévue et un peu dans la hâte.

Diluc est timide, mais il voit en Kaeya un nouvel ami, le frère qu'il n'a jamais pu avoir avant la mort de sa mère. Immédiatement, il s'accroche émotionnellement au garçon à peine plus vieux que lui. Les deux deviennent rapidement inséparables : ils partagent tout, de leurs jeux jusqu'aux cours particuliers, en passant même par la chambre suite à leurs supplications auprès de leur père (alors que celui-ci, perplexe, était prêt à leur fournir des chambres séparées pour leur confort).

Leur amitié, sans être évidemment une recette miracle, permet à Diluc de remonter la pente, doucement mais sûrement. Ils se confient l'un à l'autre et se déchiffrent sans avoir besoin de parler. Le jeune maître reprend bientôt son tempérament curieux, et légèrement farceur : c'est à l'occasion d'une bêtise organisée au milieu des vignes du domaine que Diluc découvre ses pouvoirs sorciers, de façon plutôt explosive, pour la plus grande hilarité de Kaeya - Crepus, un peu moins.

Puis l'incident arrive. Diluc sait, au fond de lui, que Kaeya voulait bien faire - mais il ne veut pas lui pardonner, il ne peut pas. En s'introduisant dans la bibliothèque privée de Crepus, et en récitant les formules compliquées d'un grimoire poussiéreux qui aurait dû rester enfoui dans les recoins sombres des étagères, Kaeya a scellé une malédiction dans la chair de Crepus qui tentait désespérément de lui épargner les conséquences de son erreur dramatique. Depuis cette nuit, Diluc ne peut plus faire confiance à Kaeya. D'ailleurs, il peine à faire confiance à qui que ce soit : si son meilleur ami, son frère est capable de faire une chose pareil, alors un inconnu pourrait faire pire, non ?

La béquille de Crepus sert de memento douloureux, et chaque fois que Diluc sent ses résolutions s'effilocher, la vision de son père qui peine à avancer sur une jambe raide complètement cachée par un pantalon long lui rappelle pourquoi il se refuse à se confier à Kaeya de nouveau. Il avait perdu sa mère, alors la perte de son frère n'était finalement qu'une suite logique, sans doute.

Il se jette à corps perdu dans l'étude de la magie, et décide qu'il va simplement suivre la promesse qu'il a faite à sa mère : il deviendra quelqu'un de bien, et il ne mentira pas. Crepus choisit d'envoyer les garçons à Ilukaan, car la réputation quelque peu stricte et douteuse de Durmstrang lui fait craindre que Diluc ne s'y épanouisse pas (et que Kaeya s'intéresse d'un peu trop près aux arts sombres, sans doute). Bien que du haut de ses onze ans, Diluc aime faire croire qu'il est mature et adulte, il ressent une certaine joie enfantine lorsqu'il atterrit à Strixyst. Il adore les oiseaux - d'ailleurs, son hibou, un cadeau de son père, l'accompagne pour la rentrée. La joie est un peu entachée par le fait que Kaeya finit dans la même maison, mais... Bref.

La scolarité de Diluc se passe sans remous particuliers, accompagnée d'une succession de bonnes notes et de félicitations. Il peine à se faire des amis (en veut-il vraiment, finalement ?) mais semble destiné à un avenir brillant.

Seul ou non, il verra l'aube à la fin de la nuit.

(c) Ilukaan