La vie de Satan a commencé difficilement, avec pertes et fracas, mais, rassurez-vous, tout s’arrange pour lui, en grande partie.

Tout d’abord, à peine une heure après sa naissance, il est amené dans l’orphelinat sorcier le plus proche de son lieu de naissance ; un appartement mal rangé, délabré et pas payé. Ce n’est même pas sa génitrice qui le dépose dans les bras de la Mère Supérieure, c’est un voisin, n’étant pas au courant de cette voisine enceinte, qui avait entendu la « future mère » hurler et l’enfant pleurer. Ce pauvre type avait simplement voulu aider et le voici avec un bébé endormi dans les bras et une femme en fuite, amené par un autre homme. Non, cet enfant n’était clairement pas désiré, et il l’avait compris trop tard.
Le choix de l'orphelinat n'eut pas été difficile, dans ce quartier sorcier, les deux parents ne pouvaient que l'être, donnant ainsi le même sang à leur progéniture. Le vieil homme opta alors pour l'établissement tenu par des nonnes sorcières. Cet enfant aurait toutes les chances pour la suite de sa vie.

La Mère Supérieure le prénomma William, comme premier prénom, et Harry en second, en l’honneur du vieil homme qui l’avait sauvé d’une très probable mort imminente.

William est pris en charge par une jeune nonne, la Sœur Annie, tout juste arrivée quelques temps plus tôt, pour prendre soin de ses besoins de nourrisson quand elle ne devait pas aider les autres enfants qui vivaient dans cet orphelinat aussi. Elle sera la première sorte de figure maternelle qu’il aura, qu’il devait déjà partager à l’époque. Il est un nourrisson plutôt sage, calme, qui ne dormait pas énormément et pouvait rester silencieux des heures. À tel point qu’il pouvait être oublié dans son berceau s’il ne rappelait pas les adultes à l’ordre pour ses besoins, par des colères d’un sévérité étrange pour un bébé de quelques mois.

C’est dans une ambiance religieuse, bruyante et assez stricte que William fait ses premiers pas dans la vie, et refusait de s’essayer à la parole. Il grognait, il geignait mais ne produisait aucun babillement. Rien. En revanche, ses colères ne cessaient pas, et il s’en prenait aux autres à peine eut-il été cherché. Adepte des punitions, il ne rechignait pas à se mettre au coin, partir dans sa chambre ou devoir ranger le bazar qu’il venait de causer. Son mutisme était la première cause des moqueries des enfants, le deuxième : ses colères imminentes.

Très vite, les nonnes comprirent qu’il était atteint d’un mutisme sélectif, qu’il refusait tout simplement de parler, et durent lui apprendre la langue des signes britannique, pour l’aider à s’exprimer et se faire comprendre. Se balader avec un bouquin pour se faire comprendre ne l’aida pas beaucoup à se sociabiliser, et c’est ce qui le poussa à se cacher derrière d’énormes livres remplis d’histoires, de conte et de connaissance.

Les visites de parents adoptants n’étaient jamais une grande partie de plaisir pour lui, dans l’ombre de toute la marmaille, il n’était jamais vu. Le petit William avait abandonné l’idée de se faire adopter dès l’âge de quatre ans, et s’enfuyait même dans sa chambre partagée — comme tout ce qu’il y avait à l’orphelinat à vrai dire.
Rien ne lui appartenait vraiment, pas même ses vêtements qu’il devrait donner aux plus jeunes et que lui récupérait de plus âgés, et c’est aussi une réalisation qu’il fit très tôt, qu’il ne trouvait pas plaisante.
En revanche, il parvenait à se démarquer quelque part : durant les cours donnés par les nonnes, qu’ils soient de nature religieuse ou scolaire, démontrant dès son jeune âge une facilité d’apprentissage qui lui serait d’une grande utilité pour la suite de sa vie.

Trois mois et onze jours après son cinquième anniversaire un couple avait passé les portes de l’orphelinat, Mary et Joseph Hellborn. Ayant accepté son sort de rester dans cet endroit jusqu’à sa majorité, l’enfant colérique était resté derrière son livre, déchiffrant au mieux qu’il pouvait l’histoire sous ses yeux. Les faux espoirs ce n’était pas pour lui.
Pourtant, la Mère Supérieure en personne vint le chercher et lui demanda de récupérer le cadeau que la Sœur Annie lui avait laissé (quelques vêtements et livres pour démarrer dans la vie), car il venait d’être officiellement adopté, bien malgré de lourdes recommandations quant à son côté colérique. À cet âge il ne saisit pas la grimace sur le visage de la vieille femme, plus tard il comprit que son nouveau prénom ne faisait pas l’unanimité.

Satan Hellborn venait d’entrer dans la vie.

Son paquet dans les bras, muet de surprise et une boule au ventre, il prit la suite de celleux qu’il appellerait papa et maman, non sans jeter un dernier regard vers la seule qui avait eu un semblant de bonté envers lui.

Le tout premier arrêt fut de lui acheter une peluche, celle qu’il désirait, et sans grande surprise, il demanda celle qui abordait la forme d’un chat de couleur blanche avec un pelage long. Sa toute première possession à lui, qu’il avait choisie, le marqua, à tel point qu’il ne put en détacher son regard de longues minutes dans le magasin même.

Le nouveau nommé appris que les Hellborn était à la base une famille d’accueil pour enfants difficiles, mais qu’à leur âge ils désiraient fonder une famille. Que chez eux, à Salem aux États-Unis, Satan possédait trois grands frères qu’il rencontrerait très rapidement, mais pour l’instant, il pourrait profiter d’eux deux sans avoir à partager. La première nouvelle ne le ravi pas réellement, mais il s’en contenta. Après tout : il avait l’habitude. Toutefois, il apprécia le fait qu’ils tentent d’apprendre les bases de la langue des signes pour communiquer avec lui, s’assurer de son bien-être. Voilà quelque chose qui changeait énormément de son quotidien. Et, étrangement, ses colères semblèrent presque disparaître.

Les deux semaines passèrent bien vite avant qu’ils ne partent en France, et soient rejoint par un petit français qui prit le nom d’Asmodeus, et l’ambiance changea très rapidement. Les deux enfants n’eurent pas beaucoup de difficulté à s’entendre, la barrière de la langue ne sembla pas très importante. C’est comme cela que Satan eut des bases en français également, juste en écoutant Asmodeus.
Deux autres semaines passèrent avant qu’ils ne voyagent à nouveau, au Pays-Bas cette fois-ci, pour récupérer des jumeaux nouvellement prénommés Beelzebub et Belphegor.
Et c’est au nombre de six qu’ils prirent le chemin de Salem, rejoignant les trois autres plus âgés des Hellborn.

On ne peut pas dire que Satan pris le tout très facilement, et resta derrière, encore une fois. Les habitudes ont la dent très dure, et il se renferma derrière ses livres. Toutefois, l’ambiance très différente du manoir, lui permit de s’ouvrir un peu plus, de suivre les autres dans leurs aventures. Un petit poussin qui découvrait ce qu’étaient de vraies relations, et pas une bagarre éternelle pour être adopté.
En plus il possédait des choses à lui, qu’il pouvait clamer comme les siennes sans que quiconque ne le rapporte à un adulte référent.
Il pouvait rester des heures dans la bibliothèque sans qu’on ne vienne le déranger sur son mutisme, essayant de le forcer à parler.
Au final, malgré ce nombre de frère, il se sentait enfin bien.

Pourtant il y a une petite ombre dans ce joli tableau qui se dessinait, et elle portait le nom de Lucifer. Au début, comme ses frères, il l’admire, il le suit et il lui en demande beaucoup. Du moins, il essaye. Satan n’est pas un acharné, mais Lucifer a un charisme qui pourrait fédérer même le plus solitaire des chats. Petit à petit Satan se rend bien compte d’une chose. Lucifer est au centre de l’attention, de manière permanente, mais les autres aussi ! Lui, encore une fois, se retrouve caché dans les ombres d’êtres exubérants, bien vivants. En plus d’un nouvel ajout à la famille, qui accaparait, pour une raison qu’il avait entièrement acceptée, toute l’attention. Lilith et sa condition étaient les seules à trouver grâce à ses yeux.

Alors il s’en prend à celui qui uni tout le monde dans cette famille.

À Lucifer. Car il est l’aîné, celui vers qui tout le monde se tourne, alors que lui est de nouveau oublié et laissé de côté, même leurs parents ont une confiance absolue en lui.
Les parents, parlons-en ! Il les a eus pour lui tout seul jusqu’à l’arrivée de Mammon, un papa et une maman pour lui tout seul. Alors que Satan a dû les partager avec six frères dès qu’il est arrivée aux États-Unis, il n’a passé que quelques jours avec eux tout seul avant d’être rejoint par ses trois cadets.
Et c’est quelque chose qui le ronge. Satan n’a jamais rien pour lui tout seul, il l’envie et transpose toute cette colère emmagasinée depuis toujours sur lui, lui faisant payer par des gestes, puis des mots, les plus blessants possibles.

C’est le retour des crises de colère, celles qui semblaient s’être calmées. Et il fera vivre un enfer à son frère aîné — et ses parents sans réellement le désirer.
Surtout le jour où il se vit refuser de garder un chaton errant qui ne traînait pas loin du manoir. Tout ça parce qu’ils avaient déjà un chien. Quelle indignité.

Sa première manifestation magique s’accompagna de ses premières paroles. Sa colère surgissant à l’encontre de Lucifer, une nouvelle fois, il hurla une longue diatribe d’insulte dans sa langue maternelle, tout en provoquant une tornade d’objet autour de lui, obligeant sa famille à se cache et son propre père à l’arrêter d’un sort très simple pour l’endormir sur la table contre laquelle il se tenait.
Trois heures après, Satan s’est réveillé dans son lit et se souvint exactement de ce qui s’était passé. En plus d’avoir parlé, il avait démontré sa magie. Quelque peu dangereuse par ailleurs. Ce soir-là, il eut une longue discussion avec Mary et Joseph, où il s’exprima pour la première fois de sa vie, sans qu’on ne le coupe en passant devant lui, et il fut écouté. Pourtant, il garda quand même sa rancœur pour lui, incapable de leur avouer.

Après cet évènement, Mary et Joseph décident de l’envoyer voir une pédopsychiatre, une connaissance, puisqu’elle avait déjà eu affaire à des enfants qu’ils gardaient auparavant. Ce n’est pas la plus grande utilité mais elle parvient à trouver la source, une grossesse non-désirée et des sentiments négatifs absorbés par un fœtus en cours de développement. La première étape passée, elle en vient à donner quelques techniques à Satan pour l’aider à se calmer, ne pas se focaliser sur la colère.
Et une autre solution était de l’envoyer avec d’autres enfants démontrant des comportements colériques, violent ou non, pour les aider. C’est ainsi qu’à l’âge de huit ans, presque neuf, il se retrouve à passer l’été avec des gamins aux mêmes problèmes que lui, apprendre à contrôler cette rage face aux événements. Deux mois c’est long, mais s’il devait y penser dans le présent, cela avait dû faire énormément de bien à la famille un peu de calme sans objet qui volent parce qu’il s’énerve contre Lucifer.

Lorsque le drame qui survient l’année de ses onze ans, la mort violente de Lilith qui secoua toute la famille, il n’est même pas présent, il est loin du manoir, à apprendre à se gérer, à rester calme et ne pas laisser sa colère exploser avec sa magie. On le prévient en l’appelant, sans lui donner de détail. Mais il comprend bien une chose, la seule personne envers qui il ne ressentait pas de colère ou d’amertume vient de les quitter. Le mois d’août lui semble encore plus long, et il est presque amorphe alors qu’il n’y a pas assisté. Même à son retour, il ne trouve aucune envie de reprendre ses frasques contre Lucifer, et s’enferme de nouveau, comme au début, dans sa chambre ou la bibliothèque.

Satan doit encore attendre un an avant de rentrer à Ilukaan, quelques années plus tôt il avait osé demander à partir pour Poudlard, car Ilukaan lui avait été imposé à l’entrée de Lucifer là-bas, mais cela n’avait pas été accepté. Ainsi il partait pour l’école canadienne, ouverte aux élèves du monde entier, et dont la réputation augmentait chaque année un peu plus.

Peut-être qu’il pourrait s’y plaire, au final. Avec les nouveaux cursus, il pourrait s’avancer dans la vie contrairement à d’autres écoles.
Satan y rentre alors en tant que Strixyst. Horrifié d’être dans la même maison que Lucifer alors qu’il avait prié pour une des trois autres, ne pouvant alors éviter les comparaisons qui affluaient déjà.

(c) Ilukaan