Depuis la rentrée, sa vie est plutôt mouvementée au rouquin. Déjà, il a déménagé avec Meulin à Bloombury, une excellente décision qu’il ne regrette pas. En dehors du fait qu’il est plutôt content de vivre avec sa petite-amie, c’est aussi plus pratique pour travailler et se reposer quand sa tête fait des siennes, ce qui est désormais récurrent. Bon, ce n’est pas tous les jours non plus, heureusement, mais il n’empêche qu’au bas mot avoir une fois par mois une migraine qui le cloue la journée au lit jusqu’à en vomir, c’est pas fun. Mais au moins, maintenant, il n’a plus besoin d’envoyer des messages à ses colocataires et les empêcher de bouger comme ils le souhaitent dans leurs chambres. Quand Meulin le remarque, elle reste dans les autres pièces pendant qu’il peut s’enfermer dans le noir, ce qui est juste... Mieux.

Bref. A côté de ça, il a aussi son stage, désormais. Autant le dire, il adore ce qu’il fait, même si c’est plus qu’épuisant. C’est sûr, le rythme est soutenu, maintenant qu’il a ça en plus de ses cours, mais il trouve qu’il ne se débrouille pas si mal. Il parvient à accélérer la cadence sans perdre en qualité, ce qu’il ne parvenait pas à faire au début de son cursus, comme le soulignait bien son professeur à l’origine. Maintenant, il s’en sort et les semaines qu’il passe dans son travail le montre bien. Forcément, on le reprend sur des trucs, il débute après tout, mais il sent tout de même qu’on est plutôt satisfait de son travail dans l’ensemble.

Mais là, ce n’est pas le sujet. Cette semaine, il est de nouveau à Ilukaan et comme d’habitude, il fait son tour pour voir ses potes mais aussi pour recruter. Il ne sait pas trop pourquoi c’est presque à chaque fois lui qui s’en occupe, mais il se retrouve toujours à devoir demander à diverses personnes s’ils veulent bien poser nu ou habillé pour les cours d’arts. Peut-être car il arrive généralement à convaincre, mettant bien en avant non seulement la rémunération, mais qu’il ne s’agit clairement pas de mater des corps mais de travailler l’anatomie. Qui plus est, il offre aussi l’option des habits, du drap, justement, tout en ajoutant que les modèles sont généralement très bien traités, que l’ensemble des étudiants et même le professeur sont aux soins, savoir s’il y a besoin d’une pause, si la personne à faim, soif... Bref, tout le nécessaire pour ne pas que l’expérience soit déplaisante et potentiellement avoir l’occasion de demander à l’étudiant.e de revenir.
Ouais, peut-être on lui demande car c’est à moitié devenu un “commercial” vu comment il vend le truc, même s’il mâche toujours autant ses mots pour le faire. Sa belle gueule doit pouvoir faire pardonner ce point-là.

Pour l’instant, il se trouve en tout cas dans le dôme, zone de recrutement principal. Plus que venir directement voir les personnes, il est pour l’instant en train de coller une affiche sur le tableau placé exprès pour ce genre d’occasion. Il l’a déjà fait au self, dans la maison des lupy, il a demandé à Meulin d’en placer une chez les Cervirald et il a demandé à deux potes Strixyst et Ursirre d’en faire de même de leurs côtés. C’est généralement une bonne première étape, avec le numéro professionnel du prof à contacter pour caler les rendez-vous et avoir toutes les informations. D’accord, il en a un peu profité en dessinant dessus pour attirer l’œil. Il sait bien qu’il ne va pas rester seul longtemps, connaissant la curiosité des autres, ils vont forcément être intrigués par ce qu’il est en train de montrer.

Ca ne tarde d’ailleurs pas à arriver quand il voit une jeune lupy s’approche de lui. Il reconnait rapidement Jessica, même si cela fait maintenant plusieurs années qu'ils n'ont plus cours ensemble. Après tout, ils ont au moins passé l'ensemble du 1er cycle ensemble.

“Hey. T’es intéressée ? C’pour aider les cours d’arts.”

Keith ne sait pas vraiment la relation qu’à Jessica avec son argent, car honnêtement… Bah il s’en fout, quoi. Mais ça ne l’étonne pas non plus qu’elle s’en intéresse, c’est souvent facilement les premières questions qu’il a mais honnêtement, il peut comprendre. Après tout, ça peut être une motivation supplémentaire si on hésite à cause des conditions. N’étant de son côté pas des plus pudiques, il accepterait plutôt facilement la demande, mais il comprend que ce ne soit pas aussi simple pour tout le monde.

Du coup, son discours à ce propos est déjà entièrement prêt, à force, il ne le connaît même pas cœur sans aucun souci tant il l’a répété encore et encore. C’est généralement assez rapide, ensuite. Soit, ils vont accepter, soit, ils vont décliner et il passe à la suite. Ce n’est pas vraiment des plus importants, avec toutes les personnes dans ce campus, il va forcément trouver une personne intéressée, ou juste trouver quelqu’un ayant déjà participé voir s’il est disponible. Bref, rien de bien nouveau dans sa tâche qui va réellement le déranger. D’autant qu’il a quand même pas mal à faire de son côté aujourd’hui, il n’a pas spécialement envie d’en faire trop ou de perdre trop de temps.

« En gros, la rémunération est de 4 gallions l’heure (équivalent de 28€ net/h), sachant que généralement t’en as pour bien 3 ou 4 heures. Donc en gros, à la fin, tu termines avec 12 ou 15 gallions, c’pas dégueulasse, d’autant que si tu commences à poser, genre t’es nouvelle, on va t’rappeler plusieurs fois. Genre, pour au moins une bonne dizaine de séance sur deux mois. T’fais l’calcules hein, t’pas con là-d’ssus j’pense. Et ça, c’pareil qu’tu poses sans fringues ou avec. On fait pas la distinction à c’sujet, ce s’rait pas juste, on craint ça pouss’rait trop les étudiants à accepter sans rien alors qu’ils sont mal à l’aise, bref un foutoir pas possible. »

Honnêtement, le lupy trouve que c’est vachement bien rémunéré. Il dit pas que c’est trop, tout travail mérite salaire et sur le coup, il faut quand même que ça attire. C’est des trucs qui sont bons à savoir aussi pour plus tard. Après, bon, c’est pas prévu qu’il continue de ce côté-là dans le dessin. Il a pas trouvé dans une maison d’illustration pour dessiner de façon traditionnelle les corps nue. C’est pratique, hein, mais ça ira pas plus loin il le sait bien. Au pire, il utilisera ses croquis les mieux notés s’il en a besoin dans le futur, c’est pas comme s’il allait les jeter ou les bruler à la fin de ses cours, ce serait fortement débile un coup comme ça.

« T’en dis quoi ? Rien t’oblige à accepter. Pour qu’tu saches, t’peux choisir quand tu veux faire une pause tant qu’c’est pas genre, toutes les minutes. On en prend généralement au moins une par heure, pour qu’tu t’reposes et qu’tu bouffes, qu’tu t’hydrates et tous les trucs du genre. Ça changera pas la paie, c’compris d’dans. Si t’es ok, bah, t’as juste à m’le dire et m’filer tes coordonnées, j’les file au prof qui t’contactes et voilà. Sinon, j’pars voir ailleurs, j’ai encore pas mal d’affiches à coller là. »

Il hausse un sourcil en l’écoutant et croiser les bras sans l’interrompre. Pour autant, ça se voit facilement à sa tête que la proposition ne risque pas d’être acceptée comme elle semble l’espérer. Honnêtement, il n’est pas non plus trop étonné, après tout, ce n’est clairement pas la première à tenter son coup, à tenter de négocier les prix pour être payé un peu plus. Il peut pas totalement leur en vouloir, mais bordel, ce sont vraiment des rats et c’est lui qui dit ça.
Après, il pourrait tout simplement répondre « faut voir avec le professeur » et se débarrasser du problème, mais bon, il sait parfaitement la réponse, ce qu’il faut répondre et c’est un bon gain de temps pour tout le monde. Puis, il admet avoir un certain plaisir avoir les têtes déçues des élèves quand ils comprennent que c’est peine perdue. Cela dit, il doit bien admettre une chose : connaissant Jessica, elle ne compte pas abandonner comme ça. Il n’a pas beaucoup de patience là-dessus, il sait pas combien de temps ça va « l’amuser » mais rien l’empêcher de se casser.

« Bah non ça va pas, c’est 4 gallions je t’ai dis. C’est le prix fixé par le prof et accordé par l’école, c’est pas comme on veut ? Y’a un budget et tout en fait, on va pas changer juste pour une personne qui tente de négocier. T’sais, un corps d’une “guerrière”, avec des tatouages, t’es clairement pas la seule. Pareil les cicatrices, désolé de te décevoir. Je dis pas hein, ouais, ton corps doit être cool à dessiner, mais t’obtiendras rien de plus que ce qu’on te propose. Propose-le indépendamment des cours, si tu veux. Place tes propres affiches. J’peux même t’aider pour ça. Mais des cours, bah... C’est 4 gallions ou rien.”

Il se retient clairement d’une suite, surtout quand elle parle d’elle comme étant un produit de luxe, d’être un modèle atypique... Mais bordel, ils doivent juste peindre son corps hein, pas la culbuter. Si c’était le cas, d’accord, alors peut-être que là, le prix aurait augmenté, mais paie ton orgie. Puis, ça l’agace aussi un peu, cette manière de penser que les autres corps féminins sont tous fins et au pire que ça fait une représentation ennuyante à dessiner. S’il y a bien une chose qu’il a appris là-dessus, c’est qu’il n’y a pas un seul corps qui se ressemble. Clairement pas la modestie qui l’étouffe, même si c’est cool qu’elle s’apprécie autant physiquement.

“On en aura d’autres des modèles, des musclés comme toi ou pas du tout. T’as besoin de vivre, tu bosses déjà à côté, mais bah là prends en plus ce qu’on te propose, ou continue à te débrouiller par toi-même. J’sais pas quoi t’dire d’plus. Ah, si, arrête d’assumer qu’y’a qu’toi qui est à part. Surtout dans un temps où les tatouages ici c’qu’il y a d’plus commun possible. P’t’être moins pour les cicatrices, et encore. Enfin, forcément, les tiennes vont pas ressembler aux autres, comme tout l’monde. R’garde, y’a l’gamin là, c’lui avec son éclair sur l’visage. Toi les tiennes n'ont pas cette forme. Bah voilà.”

Bon, clairement pas des plus nécessaires à rajouter. Mais merde hein.

“Enfin, la proposition reste. Mais c’est 4 gallions.”

Il espère désormais que le message est clair, alors qu’il termine d’accrocher l’affiche.