Les Amamiya ? Des gens très ordinaires. En tout cas, dans le monde sorcier, ils ne sont qu'une famille somme toute classique.  Saburō Amamiya était un Japonais (sans déconner ?) de sang-mêlé, vivant à la fois dans un milieu qui coule avec le temps, et quelques traditions bien connues du pays au soleil levant (le fameux). Juste pour bien souligner qu'il n'a jamais grandi dans un strict spécifique, imposé par un parent ou l'autre. Preuve en est qu'ils n'ont rien contre les étrangers, encore moins les Français (paraît-ils qu'il les adorent, même) : c'est durant un événement festif quelque part en Asie, exclusivement magique, qu'il rencontra Céleste Beaulieu. Arriva alors entre eux ce qui arrive à une majorité d'adultes : ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Enfin, une seule, au départ.

Karen était né en février, et avait tout hérité de son père, physiquement. Elle était douce, pleine de vie, et extrêmement altruiste ; du genre à prendre tous les blâmes afin de n'en protéger qu'un. On ignorait d'où elle tenait un tel sens du sacrifice, et celui-ci s'accompagna rapidement d'une attitude aux petits soins de Céleste lorsqu'une nouvelle au propos de cette dernière tomba : elle était de nouveau enceinte.

C'était son sujet principal de conversation à l'école de Mahoutokoro, qu'elle avait intégré après ses sept ans, en avril 2000. Puisque fort heureusement (selon elle) les premières années ne permettaient pas de séjourner à l'établissement au quotidien, Karen pouvait rentrer tous les soirs et poser les mêmes questions inlassablement : quand est ce qu'il arrive, si Maman avait mal, si elle avait besoin de quelque chose, à manger peut-être (la réponse était souvent « oui ») ? Elle passait chaque fin d'après-midi l'oreille écrasée contre le ventre rond, parlant d'une voix parfois tendre, parfois surexcitée, à son futur petit-frère (elle avait sauté au plafond en apprenant le sexe, quand bien même la réaction aurait été la même si ça avait été une fille).
Elle lui soufflait qu'elle avait hâte, qu'elle l'attendait de pied ferme et qu'elle lui apprendrait plein de choses. Qu'avec elle, il découvrira les mots, les pas et la magie (bref, elle s'attribuait déjà toutes les tâches dont les parents étaient responsables à la base). Céleste et Saburō en étaient attendris ; même si se lever une ou deux fois dix minutes après l'heure du coucher pour aller s'assurer de l'état de la mère, c'était un peu pousser le bouchon trop loin, Mauricette.

Puis, le 28 septembre qui suivit cette année, le petit Louis vit un après-midi clair et doux. L'été s'était bel et bien terminé, mais le ciel était d'un bleu chaleureux, comme s'il avait décidé de se dénuder du moindre nuage rien que pour lui.

Karen, qui était rentrée de l'école, s'était précipité dans la chambre d'hôpital comme si le bébé dorloté entre les bras de sa mère était un nouveau poupon qu'on voulait lui offrir. Ayant déjà fait plus ou moins sa connaissance depuis l'autre côté du ventre pendant quelques mois, la nouvelle grande sœur lui parla comme s'il comprenait déjà tout. Son excitation était telle que Saburō avait un peu de mal à contenir sa fille, pressée de pouvoir mettre en œuvre tout ce dont elle avait parlé au nourrisson avant même qu'il ne naisse.

La ville magique de Sapporo était devenu le berceau d'une famille de quatre, n'étant toutefois pas prétexte à ce que les deux enfants ne connaissent pas un mot de français de leur mère. Le temps passant et Louis grandissant, on se rendit compte que ce dernier avait également hérité des gènes de Saburō ; les mêmes yeux et cheveux que Karen pour preuve. Tous deux se ressemblaient déjà énormément malgré les sept années de vie qui les séparaient, et l'aînée s'en délectait à chaque instant. En plus des histoires que sa mère lui contait pour dormir, le petit garçon avait droit aux exploits de sa sœur ; par les mots, uniquement, puisque la majorité était encore loin devant elle.
Mais alors que Louis souffla sa quatrième bougie, le couple Amamiya se brisa à force de battre de l'aile : pas de disputes fréquentes, juste une routine insupportable que les enfants ne pouvaient pas détecter du fait de leur jeune âge. Karen s'en retrouva toutefois bien plus affectée, la pointe du pied à peine posée dans le début de l'adolescence. Et suite à un débat qui lui semblait flou et ne résultant qu'en un langage de sourds, Céleste obtint la garde de ses deux progénitures.

C'est à Nancy, dans le Nord-Est de la France, qu'elle emménagea avec eux. Si Karen allait s'en retrouver dépaysée, Louis en revanche allait être imprégné d'une ambiance toute autre que celle du Japon. Pour lui, pas de souvenirs laissés derrière, pas de regrets quant à son ancienne maison : la sienne, elle est au pays du fromage qui pue et du vin qui rend la conduite dangereuse. Sans doute allait-il prendre un accent aussi prononcé que celui de sa mère.

Céleste confia à sa fille qu'elle avait attendu le dernier moment pour que Karen puisse encore être à la maison avant de commencer à vivre à Mahoutokoro. Ainsi, toute difficulté de trajet était écartée. Il y eut tout de même un moment où la courageuse jeune fille craqua, pleura dans les bras de sa mère suite à l'enchaînement de tant de changements : d'abord ce déménagement, puis la séparation quotidienne du fait qu'il fallait dorénavant vivre le reste de l'année à l'école. L'ironie étant qu'elle allait se retrouver géographiquement à nouveau plus proche de son père que de son parent qui possédait la garde.

Louis vivait donc au quotidien avec sa mère, restée égale à elle-même. Et comme les choses devaient se dérouler, le français devint sa langue natale. Puis, par la force de l'éducation du pays, l'anglais se mêla à son savoir. Céleste ayant retrouvé de vieux amis d'enfance qui n'avaient pas bougé, elle poussa doucement son fils vers leurs marmots à eux, dans le but évident pour Louis de se faire des amis. Non pas qu'il était solitaire, mais il s'avérait très discret. L'absence de sa sœur commençait sûrement à se faire ressentir. Cependant, prenant peu à peu l'habitude (sans vraiment s'en rendre compte, il était si petit à l'époque) de parler à Karen via des lettres et coups de téléphone et de n'avoir que sa mère à la maison, l'enfant commença à grandir et s'épanouir un peu plus autrement.
Il était justement au bout du fil avec son aînée lorsque sa première manifestation magique se... manifesta.

Rien n'avait déclenché une quelconque émotion chez Louis, mais il a suffi qu'il cause quelques minutes au téléphone pour que tous les appareils électroniques de la maison se mettent en marche au même moment. La surprise additionnée fit que la voix de Karen soit alors transmise à tout ce qui pouvait le faire : la télévision dans le salon, les enceintes dans sa chambre, la radio dans la cuisine... Céleste était partie faire des courses, elle n'en fut donc pas témoin. Mais Karen, elle, sauta et cria de joie (vrillant un tympan de son frère) à l'idée d'y avoir plus ou moins assisté. Le garçon était alors âgé de huit ans. Bien sûr, si Louis était encore à la maison à cet âge-là, c'est parce qu'il n'était plus question pour lui de se rendre à Mahoutokoro (la raison principale étant la même que pour Karen : les oiseaux ne pouvaient se permettre de voyager tous les jours de la France au Japon). Visiblement, Beauxbâtons, l'école où Céleste avait mit les pieds autrefois, allait accueillir le fils de cette dernière après ses onze ans. C'est en tout cas ce qui était prévu, de loin.

Mais quelques temps après la rentrée de 2008, Louis s'intéressa peu à peu au nouveau directeur de l'école canadienne Ilukaan. Il n'en avait manifestement jamais entendu parler avant, et pour cause : l'établissement avait jusqu'ici toujours été réservé aux élèves de la même nationalité. Or, ce Vincent Leroy, dont le jeune (et charismatique) visage apparaissait dans les médias, semblait avoir réalisé l'exploit de briser cette homogénéité. Ayant déjà songé à sa future école, Beauxbâtons commença à devenir transparente, derrière l'image moderne de la rénovée Ilukaan.
Surtout que le cursus de Médicomagie lui faisait de l'oeil : Karen, dont l'intérêt pour la médecine s'était déclaré entre-temps, avait influencé malgré elle les perspectives d'avenir de son cadet. À partir de ce moment-là, la décision était déjà prise.

En septembre 2012, Louis intégra d'abord cette grande école internationale, puis la maison des chouettes modernes. Un style qui plaisait d'ailleurs énormément au Franco-japonais.

C'est en classe qu'il fut mit d'office en duo, lors d'un exercice, avec une jeune fille qui intégrait l'établissement comme lui (logique). Ce fut le point de rencontre entre Louis et Cruz, une Stryxist espagnole avec qui il se lia d'amitié très vite. Il n'y avait pas de raison particulière : Cruz semblait effacée et altruiste comme son camarade. Parfois, la ressemblance faisait tout.
Bien sûr, le reste de l'école ne lui était pas inconnu. Il faisait partie de ces gens qui n'étaient pas non plus populaires, mais qui savaient s'entourer d'autres visages plus ou moins sympathiques, sans pour autant être l'ami de tout le monde. Louis était quelqu'un de calme comme serviable, il n'attirait les ennuis à personne, et ses jours à Ilukaan se passaient relativement bien. La correspondance avait cependant triplé, depuis, entre sa mère en France, son père au Japon, et sa sœur qui commençait à avoir la bougeotte après avoir obtenu son diplôme.

Les enfants, ça grandissaient. Et eux-même, bien entendu, n'y échappaient pas. Avec ça, les rêves et espoirs se transformaient, comme ce fut le cas pour Louis : lui qui, à l'origine, admirait sa sœur et sa carrière de médecine, peinait à s'y voir encore. Certes, il adorait sa sœur, désirait à l'époque en être digne, mais maintenant ? Ça n'était qu'un rêve d'enfant : sûrement jamais le Stryxist n'allait s'enfoncer dans une telle voie. En tout cas, Cruz ne l'empêcha de rien, confidente de ses doutes et conseillère lorsqu'il avait besoin d'une tête pensante pour se confronter à la sienne.

Et à l'annonce d'une mauvaise nouvelle, aucune de ces deux têtes ne savaient quoi dire.

Au milieu de leur cinquième année, Cruz tomba malade. Il était déjà au courant de la santé habituellement fragile de la demoiselle, mais... ça aurait pu être la Dragoncelle, ou bien les Oreillongoules... Mais non. Elle était juste... malade, très malade. Une pathologie sorcière qui semblait suffisamment grave pour qu'elle rentre chez elle et manque les cours. Ou plutôt, suffisamment pour repartir, pas assez pour cesser les études. Louis avait profité des vacances de Pâques pour lui rendre visite de nombreuses fois, comprenant avec peine que son amie d'enfance allait devoir déserter l'école pour une durée indéterminée. « Je reviendrai » avait-elle assuré avec le sourire. Elle faisait toujours comme ça. Quand Louis s'inquiétait, Cruz souriait, même si ça n'arrangeait jamais le souci qu'il se faisait.
Oh, et puis, ça lui était revenu comme ça.

« Je te guérirai, alors. C'est promis, même. »

Que les choses soient bien claires : Louis avait dit ça sans réfléchir. Et Cruz avait rit sans le prendre au sérieux, bien évidemment. Mais finalement, c'était pas si bête. On ignorait ce qu'il allait en être de la santé de l'Espagnole, mais en attendant, Louis avait trouvé son but et sa cause.
Cruz n'était toutefois pas le seul objectif de sa vie (ce serait un peu triste, sinon). Il avait éveillé en lui, et avec le temps, un intérêt finalement plus profond que ce qu'il avait déterré depuis l'admiration de sa sœur. Si Karen faisait tout particulièrement dans la médecine, le cadet Amamiya laissait sa curiosité vaquer sur des sentiers un peu plus larges. La médecine, c'est bien, mais sa sœur la science, c'est mieux.

À travers ses BUSEs et ASPICs (d'abord aux notes correctes puis abordables), Louis étendit ses intérêts à un peu tout ce qui touchait la santé et le confort d'autrui (force est de constater qu'en grandissant, il s'est davantage fait du mouron pour son entourage que pour lui-même). En 2019, il intégra même son équipe de Quidditch en tant que batteur, pour la simple et bonne raison qu'il s'agirait-là d'un sport qu'il s'imposerait pour sa forme physique. Ce fut une nouvelle résolution à prendre en plus du cursus de Médicomagie qui, à la base, lui faisait de l'oeil durant son enfance.

Louis profite de chaque vacances pour retrouver sa mère, son père, et bien évidemment Cruz. Quant à Karen, celle-ci le croise moins souvent qu'à l'époque, Médicomage intervenante ici et là qu'elle est. De ce fait, son cadet n'a de cesse de l'admirer, et espère ainsi toujours pouvoir être digne d'elle. Peut-être même travailler à ses côtés, sans que ça ne soit spécifiquement sous sa tutelle ? Elle représentait son idéal dans ce domaine, et Louis préférerait largement être son associé plutôt que son employé. Si le futur le lui permet toutefois.

À côté de ces idées réservées pour le futur, Louis s'obligea à porter une mission que personne hormis lui ne lui a donné : toujours tendre la main à autrui, en particulier si cet autrui est dans le besoin.

(c) Ilukaan