Dave Strider et toi vous trouvez dans le coin de l'administration. Pas car c'est quelque chose que vous adorez: absolument pas. Tu n'es pas du genre à avoir la patience pour signer des documents administratif, et tu sais parfaitement que Strider aurait juste fini par faire des origamis avec la paperasse. Tu l'aurais surement rejoins, d'ailleurs: il arrive très souvent à t’entraîner dans ses bêtises. Il a cet espèce d'influence, de pouvoir sur ta personne. Tu fais semblant de t'en plaindre, mais tu ne peux qu'apprécier, au final.

Non, vous êtes ici car le blond a eu la gentillesse et la sympathie de t'accompagner à l'infirmerie après que tu te sois blessé en essayant à nouveau le sort de l'accio. C'est pourtant un des plus simples, un sort de premier année, mais tu n'es toujours pas foutu de le maîtriser. Heureusement que tu as des bonnes notes en histoire de la magie, en divination et en anglais, ou bien on t'aurait renvoyé de cette école en un rien de temps. Strider a du bien voir que tu n'arriverais à rien seul, car, alors qu'on t'appliquait un baume sur l'épaule (heureusement, tu n'avais reçu qu'un bleu en attirant une chaise directement vers toi: une coupure t'aurait surement fait passer la journée à l'infirmerie, à cause d'évanouissements fréquents), il t'avait proposé de t'aider avec tes sorts. En temps général, tu refuses ce genre d'aide, car ce n'est pas vraiment badass d'avoir besoin qu'on te tienne la main. Mais voila: c'est ton blond qui te proposais de la tenir cette fois, et tu n'allais pas passer à côté d'un cliché romantique comme ça. C'est le genre de connerie que tu vois dans beaucoup de tes films préféré, après tout.

Tu es donc à ses côtés dans le parc alentour. L'espace est vaste, verdoyant, et bien que l'on soit en hiver, l'air n'est pas si froid que cela: tu es juste sorti avec un sweat à capuche, et tu ris mentalement en pensant à cet idiot de Trump qui ne crois pas au réchauffement climatique. Couillon, va. Cela dit, tu es certain que dans quelques semaines, se sera la pagaille dans tous le canada, à cause de la quantité de neige annuelle. Quel dommage que tu vives dans un monde sorcier, car c'est le genre de neige qui, chez les moldus, te fait rester chez toi car tu ne peux pas sortir. Il y a quelques bancs dans les environs, une petite fontaine vide d'eau, surement pour éviter le gel, et entre deux arbres, la statue de la fondatrice d'Ilukaan se dresse fièrement. Tu dois admettre apprécier sa posture: elle t'inspire classe, sérieux, et tu es persuadé qu'elle n'appréciait pas les memes nyan cat, elle, au moins. Rien que ceci respecte ton respect.

Tu t'arrêtes dans ta marche pour regarder l'endroit plus en détail, serrant un peu plus la main de ton petit ami, que tu tenais déjà, afin qu'il ralentisse lui aussi. Restant planté là, tu réfléchis un moment, puis redresse la tête pour le regarder (maudite différence de taille: vivement que tu le dépasses. Tu es certain que tu le dépasseras !). Tu hésites un moment, mais tu fais passer cette hésitation pour un air déterminé, grâce à un froncement de sourcil bien placé. Ouais. Tu es le pro de la menace. C'est toi.

-Hey... Tu es toujours prêt à m'apprendre les sortilèges, ou non ? Car je pense que le coin ne serait pas trop mal. Le coin serait immensément romantique. Tu ne le précises pas. C'est une zone ouverte, et aucune fenêtre du bâtiment d'administration ne donne dessus, donc on ne risque pas de se faire engueuler non plus. Réserver une salle d'entrainement ou de duel est chiant à mourir, et j'ai autre chose à foutre que de remplir une fiche.

Ton dialogue interne dit plutôt "Oh, Dave, et si nous passions un moment ensemble dans ce petit parc discret, à l'abri des regards ? Tu pourras poser ta main sur la mienne et me murmurer à l'oreille comment dire le sort correctement. Ton torse serait contre mon dos, alors que tu me montrerait les mouvement à réaliser, et cela nous réchaufferait un peu. Je pourrais ensuite me tourner et t'embrasser doucement, comme dans les scènes les plus émouvantes de mes séries". Mais tu sais qu'il exploserait si il entendait ceci. De rire, ou d'embarras et de honte, ou même possiblement de cringe, au choix. Tu es heureux que Strider ne soit pas un legilimens. Tu es heureux que qui que ce soit ne soit pas legilimens. Il n'y a pas plus grand plaisir que celui de savoir qu'on ne regarde pas dans ta tête.

-Et puis, c'est toi qui a proposé, de toutes manières. Au final, peut être que je ne devrais même pas te donner le putain de choix. Strider, montre moi comment tu fais.

Tu demandais très souvent où est-ce que ton petit ami allait chercher toutes ses étranges métaphores. Tu es presque certain que celle ci est une référence à Housetrapped, mais tu n'es pas certain. Tu avais commencé le webcomic un jour, mais tu avais rapidement abandonner. Trop d'ironie, et l'histoire t'avait semblé tirée par les cheveux, sans compter que les personnages ne se rencontraient jamais avant l'acte trois au moins. Beaucoup trop de solitude, de séparation. Tu n'avais pas apprécié, et tu avais tout simplement abandonné. Peut être Strider lisait-il: la série était réputée pour ses nombreux voyages dans le temps, et le blond avait toujours été un professionnel du sujet, quand il osait en parler du moins. Il voulait surement cacher son petit côté nerd. Tu trouves ce côté adorable.

Ce que tu trouves moins adorable, c'est le sacrifice de son portable. Il évoque un reparo, cela dit, et tu es un peu plus rassuré. Ne maîtrisant pas le sort, il ne te viens pas directement à l'esprit, alors que tu es pourtant entouré de personnes maîtrisant l'art de la magie. Ce n'est juste toujours pas naturel pour toi, qui ne sait faire que l'Episkey correctement. Il t'arrive de réussir des sorts, parfois !Tu avais déjà réussi l'accio par le passé, mais il te demandait beaucoup de calme et de concentration, et ne te venait certainement pas naturellement. De la même manière, dans une très bonne période, tu avais réussi un petit début de Patronus. Une pince floue était apparue, avant de disparaître à la seconde d'après. Penser à ce -sans aucun doute- crabe qui n'attendait que ton entrainement pour sortir te motive un peu. Tu sors ta baguette, et demande à ton petit ami d'aller poser son téléphone portable le plus loin possible, en pointant la statue de ton index. La distance était assez bonne juste au pied de cette dernière, parfaite pour un entrainement.

Tu lui demandes de revenir vers toi, et essaie une première fois par toi même. Ton premier accio ne fait absolument rien, car tu n'y met aucune volonté. Ton but premier est que Dave prenne ta main et s'approche de toi, et réussir du premier coup (ce qui ne serait pas arrivé même en essayant de toutes manières) t'éloigne de cet objectif final. Y mettant plus de concentration, tu arrives à lancer un accio qui attire vers toi un caillou, que tu esquives de justesse. Te faire agresser par cet objet inanimé te met en colère, cela dit. Tu aurais préféré attirer le portable de quelques mètre sans plus, mais là, tu n'avais même pas le bon objet. Oubliant ton premier plan, tu prends offense de la situation, et te met en position de combat, jambes légèrement écartée, regard noir lancé au pauvre téléphone.

Ton geste devient plus sec, malgré toi. Tu hurles presque ton accio, et avec le son de ta voix vient un pauvre écureuil qui passait par là, et qui fini directement sur ton visage. Tu grimaces fortement, secoue la tête pour tenter de virer la pauvre créature de ta face. La bête tombe et s'en va en courant, et, encore plus agacé, tu fais le geste le plus hasardeux qui soit en criant ton prochain accio. Mais le problème est le suivant:

Tu viens d'accio une branche d'arbre particulièrement large.

Tout l'arbre se penche, et la branche s'arrache par la force de ta magie, mais ne vient pas vers toi. A la place, la branche s'écrase sur la statue de la fondatrice, d'un bruit sourd, et la décapite avec violence. Tête et branchage tombent sur le sol dans un lourd bruit de fracas. Tu fixes la femme sans tête, choqué de ton méfait involontaire. Le portable est toujours au même endroit, et n'a pas une seule égratignure. La tête, en revanche...

Dés du destin:

Tu ne peux pas empêcher la poésie qui t'empare.

-Bordel de merde.

C'est une véritable catastrophe. La scène qui s'étale devant vous aurait pu être un tableau tragique affiché dans un musée, dans l'exposition "sad depressed onion cutting itself", à côté du Radeau de la Méduse, et d'autres oeuvre tout aussi affreuses et dramatique. Tu peux même imaginer ce triste moment de ta vie avec un rendu cinématographique. L'éclairage illuminant les débris, le reste de la scène : noir, le silence pesant laissant place à la pression, et au doute, et plus tard, à la pluie et à une musique composé par un orchestre émouvant. Cependant, tout reste normal : il fait beau pour un jour d'hiver, et quelques oiseaux chantent et célèbrent leur joie de vivre. Bordel, la narration et le scénario ne pourraient-ils pas t'aider ? Non. La narration est trop occupée à rire de ton malheur en tapotant sur un clavier, coca-cola en main, sourire mauvais au visage. C'est un monde bien cruel dans lequel tu te trouves.

-Oh, merde.

Tu serais habituellement du genre à lancer une remarque sarcastique sur l'éloquence de ton partenaire, mais il a raison. "Oh, merde" est un putain de bon résumé. Tu te redresses et tente de faire partir la boue de ton jean. Tu te retiens de te mordre la lèvre : tu as besoin de réparer ta connerie, et t'évanouir à nouveau n'est pas le bon moment. Tu viens de sortir de cette stupide infirmerie, il est hors de question que tu y retournes.

-Merde, tu… Un… “Un coup de Reparo et c’est réparé” ?

Il est rare d'entendre Dave Strider buter sur ses mots. C'est surement ce qui te fait réaliser la gravité de la situation : tu n'es pas fort en magie, et devant toi se trouve, en petites miettes, la tête décapitée de la FONDATRICE de l'école. Ce n'est pas la statue de Jacqueline, femme de ménage attribuée à l'aile B du bâtiment (pourquoi une femme de ménage aurait eu une statut, de toutes manières ?... Shit. Maintenant, tu avais envie d'inventer toute une histoire, incluant une morale quand à la discrimination sociale, une héroïne montant les échelons et brisant le plafond de verre, une romance à couper le souffle, et la réplique "Ôtez cette chaise de mon chemin !". Ton cerveau avait toujours été très étrange et créatif)... Où en étais-tu ? Ah oui : Ce n'est pas la statue de Jacqueline à qui te venais de couper la tête. Tu venais de décapiter la fondatrice d'une des plus grandes écoles sorcières du Canada. La panique commence à te monter à la tête. Tu viens de te relever, mais tu ressens déjà le besoin de t'asseoir.

-Je... je sais pas ?! Peut-être ?! Oh God oh God oh God oh God oh God oh God oh God oh God oh God oh God oh God QU'EST-CE QUE J'AI FAIS DAVE ?! ELLE EST MORTE !! HOLY FUCK !!

Tu te vois déjà menotté, et jeté en prison pour rébellion face à l'éducation nationale. Alors que tu tentais de t'éduquais. La vie trouvait toujours le moyen de t'enculer par derrière, et toujours sans lubrifiant. Surement à l'aide d'un cactus, ou autre accessoire encore plus douloureux. Dans tous les cas : c'était loin d'être une expérience agréable, et c'est cette horreur que tu expériences actuellement. Tu tend la baguette vers les petits tas, et tu fermes les yeux. Tu n'as aucune idée du mouvement à faire pour arranger la situation. Tes mains tremblent.

C'est une très mauvaise idée.

Concentration... Respiration...

-Tu crois qu’on va être collé à vie ? Non écoute… Essayons de faire un reparo… Merde, tu crois que ma baguette va exploser si je l’utilise ? Genre tu sais que je suis habituellement calme mais là c’était bien trop choquant, je vais être un gosse traumatisé à vie même après des années de thérapie. Tous les soirs je vais rêver de cette meuf décapité comme ce gosse dans le film où il voit des gens morts.

Tu fronces les sourcils, commençant juste avec un léger "hmmmmmm". Plus Dave avance dans sa métaphore, plus ton "hmmmmm" devient un "URRRRRRRRRRRRRRH". Tu lèves ta baguette, ainsi que ton autre bras, dans les airs, et commence à hurler.

-For the love of FUCK, Dave !! J'essaie de me concentrer !! Tu tends les deux bras vers la scène du crime, les yeux paniqué, la voix déraillant. Clairement je suis une grosse merde en magie, mais clairement c'est TOI qui explose si tu utilises ta baguette maintenant ! En clair...

La réalisation te tombe dessus comme si il s'agissait de la lame d'une guillotine : c'est rapide, ça fait mal, et tu as l'impression que tu vas mourir sur place. Tu ne termines même pas ta phrase, car les défunts ne parlent pas. En clair : tout repose sur toi, et ton incroyable capacité à rater tout ce que tu entreprend dans ta vie. Ta relation avec Dave est bien la seule chose avec laquelle tu as eu du succès. Et si aujourd'hui était le jour où tout ratait ? Vous vous faîtes coller à vie, et, énervé, l'albinos charmant te fais un doigt, monte sur sa licorne ironique, et s'envole pour des contrées plus vertes. Littéralement. Jade a de très beaux yeux verts, et serait surement ravie de prendre ta place, non ?

Ta logique te répond que non : c'est complètement idiot. Dave est toujours là, malgré ton erreur, et a bien l'intention de te suivre en prison pour tes crimes si l'on t'accuse de meurtre. Jade est une de tes meilleures amies, et serait très triste si vous veniez à vous séparer, car vous êtes, objectivement parlant, un très bon couple, et tu es, objectivement parlant, un petit ami correct, qu'il aime du fond de son coeur. DOMMAGE POUR TOI, ta logique est, depuis le début de ton enfance, bâillonnée, enchaînée, torturée et rabaissée par ton anxiété, qui est aux commandes de tout ton être. Anxiété est plutôt d'avis qu'aujourd'hui, tu vas finir sans école, sans petit ami et surement sans famille. Ceux-ci te mettrons à la porte si vite que tu n'auras même pas le temps de dire "what the fuck", et les passants te cracheront dessus au lieu de te donner quelques centimes nécessaires à ta survie. Ton anxiété ajoute aussi que tu as surement mauvaise haleine et que tu es moches, comme ça, pour la gratuité de la chose. De rien, Karkat.

Tu fermes les yeux et inspire, tentant de reprendre contrôle de la situation. Tu aimes tout contrôler, et quand tu n'as plus ce contrôle, tu paniques beaucoup trop, et tu le sais. Déjà, s'occuper du premier problème : ton petit ami. Il doit être tout aussi paniqué que toi, même si c'est dur à voir, derrière ces lunettes de soleil et sa pokerface suprême. Tu poses ta main sur son bras, et lui offre une seule et simple caresse.

-... Merde, désolé. Je voulais pas te gueuler dessus. Tu lances un regard aux petits morceaux de marbre, grimaçant. Mais ça reste vrai : sur le coup, seul moi peut vraiment réparer cette merde, ce qui veut dire qu'on est plutôt foutu. Sauf si tu me laisses une chance de me concentrer.

Tu es maintenant face à ton deuxième problème : la décapitation de la fondatrice de l'école. Tu n'as jamais réussi un réparo de ta vie, mais tu essaies de te donner confiance. Tu te rappelles du jour où, épuisé après deux nuits blanches, vide de tout sentiment négatif, tu avais réussi à faire apparaître une simple pince de ton patronus, avant que celui-ci ne disparaisse. Tu peux le faire. -Seulement avec deux jours d'insomnie, te murmure ton anxiété-, mais tu décides de l'ignorer. Tu tend ta baguette, et d'un mouvement et d'une voix ferme, tu lances ton réparo.

Dés du destin:

Tu regardes avec surprise et fascination les différents morceaux de statue vibrer, être attiré les uns aux autres, puis être recollés petit à petit. Tu viens de reformer à la perfection le visage de la dame de pierre, et tu n'as même pas tout foiré, ou empirer la situation. Tu gardes les yeux grands ouverts, sous le choc de ta soudaine compétence. Apparemment, tu as réussi à assez te calmer pour faire un sort correct, et ça va te prendre du temps à réaliser.

-Mec, tu lui a partiellement redonné la vie. Maintenant on doit genre, la recoller sur le reste de la statue. Et si j’allais dans l’école chercher de la colle, du scotch… genre n’importe quoi qui pourrait marcher ?

Tu ne l'écoutes même pas. Tu entends vaguement le mot scotch, et tu décides que c'est une bonne chose de l'avoir mentalement muté. Comme si du scotch allait fonctionner, et comme si tu en avais besoin : tu viens d'utiliser la magie ! Tu es un sorcier, bordel ! Tu as souvent tendance à oublier ce détail, car tu es une grosse merde en sortilège... Mais tu es un sorcier ! Tu devrais parfaitement pouvoir y arriver sans scotch, non ?! Tu viens de le faire !!

-HOLY FUCKING SHIT DAVE ! Tu t'exclames, le coupant carrément. Tu as vu ça ?! J'ai réussi à réparer cette connasse de granit !! Regarde sa gueule !! Pas une seule égratignure !! Je suis un putain de pro !!

Comme à chaque fois que tu fais quelque chose de bien dans ta vie, ton égo est complètement regonflé. C'est à croire que ton égo a reçu une pipe, et qu'il est au top de sa forme, en plus de se sentir comme le putain de roi du monde. Tu te redresses inconsciemment, abandonnant ton air avachi pour une stature droite et fière, tes bras légèrement levé, tes poumons remplis d'oxygène. Tes amis disent souvent que tu as un "God complex", ou "Leader complex" selon les versions, et ils ont raison, pas que tu le sache, et malgré tous tes refus de reconnaître qu'il agit là d'une pure vérité. Ces deux complexes viennent d'être nourrit jusqu'à ce que leur panse soit pété, et tu as la puissante sensation que tu pourrais soulever l'école entière rien qu'à la puissance de ta baguette.

Tes habituelles sous-estimation de toi même se transforment en sur estimations. Tu tend ta baguette vers la tête de statue, et lance un puissant Reparo, que tu cries avec toute la puissance que peut offrir ta voix. C'est beaucoup de puissance ! Cependant... Rien ne se passe. Tu fronces les sourcils, puis retente. Tu coupes une oreille à la pauvre statue. Van Gogh se retourne dans sa tombe : qui sont tous ces connards abrutis qui tentent de l'imiter ainsi ? Sérieusement, la mode de se trancher l'oreille est so 1888 guys, trouvez vos propres merdes originales !

C'est après cinq tentatives ratée de reparo, et un nez coupé à son tour (Non, Cléopatre, retourne te coucher !) que tu te tourne vers Dave en grognant.

-... Va chercher le scotch.

Tu n'arrives pas à croire que vous en soyez là. Assis dans l'herbe, un rouleau de scotch à la main, et d'autres ustensiles de création artistique posés au sol prêt de vous. Devant, une tête décapitée, sans oreille, sans nez. C'est tout bonnement impossible de s'en sortir avec l'achievement "crime parfait" à ce level de connerie, et ça, tu le sais parfaitement. Les yeux vides de vie de l'ancienne directrice te juge, impassibles. "De marbre", littéralement. Comme tu es une drama queen, tu ne regrettes pas seulement de t'être entraîné à la magie. Tu regrettes carrément d'être né. C'est à quel point tu es prêt à pousser le bouchon un peu trop loin.

Dave te demande quoi faire, attendant tes directions, et tes ordres. Tu te sens comme un chef d'armée dans une mission suicide, et tu sais parfaitement que personne n'en ressortira vivant. Bien entendu, dans ce cas-ci, vous savez tous les deux que vous ne vous en sortirez pas sans punition. Une petite voix dans ta tête te dis : "pourquoi ne pas aller voir un professeur, tout avouer, et recevoir une punition minime, mais correcte, car faute avouer à moitié pardonnée" ? Ce serait beaucoup plus simple. Mais une autre voix te dis : "hey. C'est une putain de mauvaise idée. Non, réparez cette statue de façon la plus moche et visible possible, et espérez ensuite ne pas vous faire prendre !". Comme tu es un abruti, tu écoutes la deuxième voix. Tu saisis le scotch, tire une longue bande, et la coupe à l'aide de tes dents.

-Je m'occupe de recoller l'oreille. Fait le nez. Ensuite... On tentera d'attacher la tête au corps, car c'est là où c'est censé être.

Tu t'attelles à la tâche directement. Ton perfectionnisme te force à essayer de faire un travail propre, mais un travail avec du scotch n'est jamais un travail propre. Tu tentes de toutes les manières possibles de rendre le résultat invisible : scotch à l'intérieur de la fissure ? Raté. L'oreille pendouille comme un bout de jambon qui tenterait de se barrer de son sandwich. La tête ressemble à un mauvais personnage de film de zombie. Tu tentes alors de mettre du scotch seulement à l'intersection entre les deux parties que tu tentes de lier, seulement derrière l'oreille, et pas devant. Tu es plutôt fier de ton travail, mais avec l'humidité et le froid de Décembre, le bout de scotch s'en va après une minute de fière observation. Tu lâches un soupire, et t'affales contre ton petit ami. Tu fais le gros tas sur lui, l'empêchant de travailler correctement. Tu as perdu tout espoir, et a autant de motivation qu'un chiffon usé.

Tu l'observes travailler depuis ses genoux.

-Mec. On arrivera jamais à faire un truc de bien. Et si... On entourait juste la tête de scotch pour faire coller le nez et l'oreille ? Ca se verra à trois-cent putain de kilomètre, mais peut être on se fera pas chopper, et ils sauront jamais qui sont les responsables ?

Pile poil. Il y a pile poil assez de scotch pour recoller la demoiselle. Quand vous finissez votre chef d'oeuvre, tu tombes à genoux et lève les bras vers la géante de pierre, comme pour la prier. En vérité, tu pries le sacro saint scotch, qui a l'air de tenir. Pour l'instant. Tu hésites à lui consacrer une religion entière, et tu te demandes si faire un temple composé uniquement de scotch serait possible. Tu es certain que oui. Le sacro-saint scotch est la force. Le sacro-saint scotch est la loi. Le sacro-saint scotch est la fabrique de l'univers tout entier. Loué soit le sacro-saint scotch.

-Holy fuck. J'arrive pas à croire que cette merde tienne ! Shit, regarde cette beauté ! Je veux verser une larme. Je veux vénérer cette merde ! Je veux me barrer très vite d'ici avant qu'on se fasse chopper, mais je ne peux pas ! La beauté de cette scène est trop grande, je suis prisonnier de notre oeuvre !

Toi, exagérer ? Oui. Come on, tout le monde est au courant que tu es une drama queen.

Il n'y a pas que le scotch, bien sur. Votre oeuvre n'aurait pas été complète avec seulement ceci. Durant votre atelier, vous avez colorié le scotch en gris, comme la statue. Vous aviez utilisé des marqueurs, des crayons gras, et aussi un peu de peinture gouache. Aucun ne tenait vraiment sur la surface en plastique de vos réparations, et des bulles de beige ressortaient sur une couleur grise trop foncée par rapport au reste de la sculpture. Pour palier à ceci, pendant que Dave peignait, tu avais créé une espèce de couronne de fleur, que tu avais utilisée en tant que collier pour cacher les réparations. Autant dire qu'en Décembre, il n'y a pas beaucoup de fleur. Ta couronne/collier ressemble plus à des vieux bruns d'herbe collés de façon la plus dégueulasse qui soit sur un cou.

Cacher la rhinoplastie s'était avéré beaucoup plus dur. Tu avais abandonné, et avait juste écrit, au crayon gras, "chirurgie faciale" sur le front de la pauvre directrice, avec une flèche rouge pointant vers le nez. Tu ne remarques que maintenant que tu a oublié le "u", et qu'il est en vérité écrit "chirrgie faciale" en rouge pétant. Tu te facepalm avec les deux mains.

Tu n'es pas le seul, bien sur, à avoir fait des ajouts : Dave aussi s'est mit au travail. C'est lui l'artiste, après tout.

Vous finissez pas prendre plusieurs selfie devant cette horrible statut. Tu étais au départ contre : les photos sur vos téléphones consistent en des preuves de votre méfait accidentel et de votre relooking un peu moins accidentel. Mais en voyant la hâte de Dave quand ce dernier sort son portable pour prendre la photo, tu cèdes. Après tous, le directeur ou les professeurs n'iraient jamais vérifier directement dans vos photos personnelles. Le premier selfie est tout ce qui a de plus normal : la pokerface habituelle de ton petit ami, et tes sourcils froncés au dessus de tes yeux inquiets. Le deuxième selfie est un peu plus relaxé, et Dave te donne un petit coup de coude, qui fait redresser le coin de tes lèvres. Le troisième, c'est toi qui lui rend le coup, et le quatrième est le fou rire qui s'en suit. A partir de ce moment là, c'est tout simplement n'importe quoi. Une photo de Dave dabbant devant la pauvre directrice de pierre refaite, une autre durant laquelle un doux baiser albinos est déposé sur sa joue entourée de scotch. Une de vous deux portant des couronnes de fleurs similaires à celles que vous lui aviez donné. Un autre de toi, lui faisant un doigt. Une autre encore où tu tentes de l'escalader. Ca n'en finit jamais, la passion de Dave pour la photo ironique vous apporte encore plus et plus d'idées au fur et à mesure.

Vous finissez votre séance photo avec le sourire, comme les dorks que vous êtes. Il t'en envoie quelques unes, que tu réceptionnes avec joie. Tu hésites à en fait ton fond d'écran. Ce serait parfait. Mais non : ça deviendrait bien trop visible, et n'importe qui pourrait le voir en appuyant sur un simple bouton. Peut être le fond d'écran d'accueil une fois déverrouillé ? Parfait. C'est validé. Tu choisis une image où vous êtes à deux, joues collées à celles de la statue. Dave est adorable dessus. Avec un outil pinceau sur un logiciel tout simple, tu coloris ton visage en noir, histoire de ne plus voir ta sale gueule, et tu enregistres. Ton nouveau fond d'écran est désormais actif. Tu en es tout simplement amoureux.

Tu souhaites montrer à Dave ton nouveau set-up, mais plus loin, tu la vois. Derrière la fenêtre. Une silhouette sombre non identifiée. Bien que tu ne saches pas de qui il s'agit, cette ombre vient du bâtiments administratif juste en face de vous, ce qui signifie qu'à tous les coups, un membre du personnel est en train de vous observer. FUCK.

-Dave. Dave ! Holy shit, on doit se casser, et vite !

Tu prends le bras du pauvre Strider, et l'embarque avec toi, cachant ton visage en remontant ton hoodie sur ta tête, et en plaçant une main sur ton profil. C'est peine perdue : si tu as toi même une apparence plutôt basique et non-originale, Dave sort beaucoup trop du lot avec son teint pâle, ses cheveux dorés et ses grosses lunettes de soleil. Et à partir de lui, il n'est pas difficile de remonter la piste jusqu'au petit indien qui traîne avec lui. Mais il y a toujours cet espoir que vous réussirez à vous en sortir. Peut être que l'ombre ne vous avait pas encore vu, quand vous êtes partis. Qui sait ?

... Nah.

Quelques jours plus tard, Daria vous annonce le retrait de point que vos connerie ont provoquées : -15, une punition bien maigre par rapport à l'ampleur de vos actions. Être le chouchou t'apportes ce genre d'avantage. Quand vous passez devant la statue, celle ci se tient fière, sans artifice, entièrement réparée par des adultes plus compétents. Vous passez quelques heures, allongés dans l'herbe devant elle, à rédiger votre thèse sur l'importance des sculptures, aussi bien en art qu'en histoire, et le respect qui doit être apportés aux souvenirs des grandes personnes maintenant disparues. Vous remplissez vos pages de dessins de la statue, tenant des pénis sculptés dans un style baroque, gothique, et autre. Vous savez que la psychomage s'en moquera bien (peut être même en rira). Dans vos portables, quelques photo immortalisent votre bêtise, alors que la dame de marbre, elle, ne donne aucune indication de l'affront qui lui a été fait. Ces souvenirs sont à vous seuls.

Worth it.